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Astrolabe « carolingien »

  • Titre / dénomination : Astrolabe « carolingien »
  • Lieu de production : Catalogne, Espagne
  • Date / période : Vers 980  
  • Matériaux et techniques : Laiton à décor gravé
  • Dimensions : D. 15,2 cm
  • Ville de conservation : Paris
  • Lieu de conservation : Musée de l'Institut du monde arabe, legs Marcel Destombes
  • Numéro d'inventaire : AI 86-31

L’astrolabe de Marcel Destombes, légué à l’Institut du monde arabe en 1983, est considéré comme le plus ancien astrolabe de l’Occident chrétien parvenu jusqu’à nous.

On sait que l’astrolabe est une « mise à plat » de la sphère céleste observée à partir de son pôle sud. Il permet, grâce à ses lignes gravées, d’établir et de prévoir le cheminement des astres, de déterminer l’heure du jour et de la nuit, la latitude du lieu, mais aussi une hauteur quelconque, une orientation. Inventé, semble t-il, à l’époque de Ptolémée, il a été perfectionné par les Arabes, tout d’abord en Syrie sous les Omeyyades, plus tard en Irak à la faveur de l’activité scientifique patronnée par le calife al-Ma’mûn (r. 813-833). En Espagne musulmane, pendant le Califat de Cordoue, il sera commenté par Maslama al-Majrîtî.

Pour se servir d’un astrolabe, il faut le tenir à la verticale à hauteur de l’œil. Au dos de l’instrument se trouve une règle pivotante (l’alidade), munie de deux trous. C’est dans l’alignement de ces deux trous qu’on fait passer le rayon de l’astre qu’on observe (c’est la visée), la lecture en degrés se faisant sur le pourtour de l’astrolabe garni de divisions. Selon la hauteur de l’astre, on fera pivoter l’araignée qui se trouve sur l’autre face de l’instrument, de façon à la mettre en correspondance. L’araignée est ce disque très découpé, muni d’index pointés sur les étoiles fixes de la voûte céleste et qui comprend également une couronne zodiacale. C’est donc toute la voûte céleste avec ses étoiles principales et son zodiaque que l’on met en harmonie avec le moment de la visée. En dessous de l’araignée, une plaque qu’on appelle le tympan porte des cercles et des courbes : c’est le cheminement circulaire des étoiles selon leur hauteur et selon l’angle qu’elles font avec le méridien terrestre.

L’astrolabe qui nous occupe comporte des éléments étranges. Toutes ses inscriptions sont en latin. À première vue, il semble avoir été construit en Europe chrétienne. Sur son araignée, les index aux pointes rigides indiquent dix-huit étoiles : dix boréales et huit australes (c’est-à-dire situées sous le cercle médian de l’Équateur). Onze d’entre elles sont en place pour une époque voisine de 980. Toutefois, aucun nom d’étoile n’a été gravé sur les index. Sur l’un des tympans figurent les noms ROMA et FRANCIA en capitales romaines, accompagnées de lettres numérales ayant une valeur de 41-30. Ces capitales sont similaires à celles employées à la fin du Xe siècle dans les manuscrits latins de la Catalogne, laquelle à cette époque faisait partie de la France carolingienne. Le nom de « FRANCIA » s’éclaire alors. Quant à  41° 30’, c’est l’indication d’une latitude qui, à quelques minutes près, est celle de Barcelone. Toutefois, aux alentours de l’An Mil, les connaissances en astronomie sont bien trop imprécises en Occident latin pour permettre la construction d’un astrolabe. On se trouverait donc en présence d’un instrument fabriqué en Espagne musulmane, laissé « en blanc » et complété dans les monastères bénédictins de la Catalogne - Vic, Sant Gugat del Vallès, Ripoll - lesquels entretenaient des relations avec des mozarabes, des juifs ou des musulmans d’Andalousie. Parmi les moines érudits de cette époque, citons Llobet, dit «Lupitus», archidiacre de Barcelone, qui rédige un des premiers traités sur l’astrolabe où se devine l’influence du cordouan Maslama al-Majrîtî et de l’iranien al-Khwârizmî. Ces contacts multi-culturels apparaissent dans l’instrument à plusieurs endroits : certaines lettres numérales délaissent les valeurs de l’Antiquité pour l’abjad (système de correspondance alphanumérique).

Nous sommes exactement à l’époque où le moine Gerbert d’Aurillac, futur pape Sylvestre II, se rend d’Auvergne en Catalogne pour étudier les mathématiques et l’astronomie. C’est par le biais de l’Espagne du Nord et par tout un enchaînement de relais entre monastères et écoles-cathédrales, que cette science de l’astrolabe, si avancée en pays musulmans, pénètrera en Occident latin.

BIBLIOGRAHIE DE REFERENCE

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