52% des Parisiennes seraient infidèles, selon un sondage Harris interactive publié samedi par La Parisienne. Faut-il y voir un lien avec le succès du site de rencontres extra-conjugales Gleeden, dont la publicité tapisse les couloirs du métro parisien?
Lancé en 2009 en France, Gleeden se présente comme «le premier site de rencontres extra-conjugales pensé par des femmes». Il est gratuit pour ces dernières et payant pour les hommes qui veulent rentrer en contact avec elles.
Impossible d'échapper aux publicités du site si vous fréquentez les couloirs de métro. Sur fond violet, l'emblème de Gleeden, une pomme croquée, symbole bien connu du péché originel, est agrémenté de slogans tels que «Par principe nous ne proposons pas de cartes fidélité» ou «contrairement à l'antidépresseur, l'amant ne coûte rien à la sécu» ou encore «les vacances, c'est toujours l'occasion d'aller voir ailleurs».
Une promotion de l'adultère qui n'est pas du goût de tout le monde. Des militants proches de la Manif pour tous, mais aussi des citoyens ordinaires, choqués et exaspérés ont décidé d'arracher ou de taguer les affiches dans les transports publics.
«Désobéissance civile»
Des membres des Veilleurs (mouvement né en opposition à la loi autorisant le mariage pour les couples homosexuels et pratiquant une forme d'opposition culturelle et pacifique) qui ont arraché près d'une vingtaine d'affiches en une soirée se sont vu infliger une amende de 60 euros chacun. Une sanction qui est loin d'avoir refroidi les ardeurs de ces militants, dont l'un d'entre eux témoigne: «J'ai évidemment recommencé, il n'est pas question de laisser sans réponse ce message déstructurant, contraire aux valeurs de l'amour humain». Il invoque le devoir de «désobéissance civile».
Le scandale a gagné Nantes où la campagne s'est affichée récemment sur les autobus publics, ce qui a suscité l'indignation des élus de l'opposition (droite et centre) qui, dans un communiqué publié vendredi dernier «s'interrogent sur la pertinence du choix d'une telle publicité sur le réseau de transports publics nantais». «Attristant... Tentez plutôt l'infidélité à la majorité socialiste» a tweeté la leader de l'opposition Laurence Garnier. Contactée par Ouest-France, la direction de la Semitan, société qui gère les transports publics nantais, a admis comprendre que la campagne pouvait faire polémique, mais n'a pas voulu la refuser: «Si on avait refusé cette pub, la ville de Nantes aurait été stigmatisée.».
Un argument qui révolte le blogueur catholique Koz toujours, qui a publié sur son blog un article intitulé «Gleeden: place aux anticorps» où il dénonce des «campagnes perverses». Contacté, il avoue son exaspération: «Les gens ont peur d'être traités de «coincés», de rabat-joie et de has been s'ils critiquent ces publicités, mais en réalité je pense qu'ils sont nombreux à être heurtés par le message diffusé». «Alors évidemment, ce sont les catholiques qui se mobilisent, puisqu'eux ont l'habitude d'être traités de ringards en permanence», ironise-t-il. Il invoque l'article 4 du code de déontologie publicitaire qui indique que «La communication commerciale ne doit pas sembler cautionner ou encourager des comportements violents, illicites ou antisociaux.»
«Une promotion publique et mercantile de la tromperie et du mensonge»
D'après cet avocat, cette publicité est «illicite» car elle est une «incitation à violer une obligation que l'on contracte au moment du mariage». Quand on lui fait remarquer que la publicité ne choque pas tout le monde, et que nous sommes dans une société pluraliste qui n'accepte plus de se voir imposer un ordre moral, le blogueur répond qu'il ne s'agit de condamner l'adultère en soi» mais la «promotion publique et mercantile de la tromperie et du mensonge», valeurs «délétères» pour la société qui nuisent au lien social. Ira-t-il jusqu'à une action en justice? «La réflexion est en cours», admet-il. Saisi, le jury de déontologie publicitaire avait pourtant déjà jugée «infondée» une plainte en décembre 2013.
Il n'appelle pas pour autant à l'arrachage systématique des publicités, même si il dit «faire preuve de la plus totale compréhension face à cette saine insurrection morale». Il fait le parallèle avec la publicité pour le tabac, interdite parce qu'elle nuit à la santé.
Contactée, la responsable communication de Gleeden dit comprendre les critiques mais assure que le but de la campagne n'est «pas de choquer mais de faire réfléchir les gens sur la fidélité». «Nous ne sommes pas là pour inciter les gens à tromper, mais pour leur donner les moyens de le faire» ajoute-elle. La campagne d'opposition ne semble pas inquiéter l'entreprise, qui connait un «succès grandissant» depuis sa création et revendique aujourd'hui plus de deux millions de membres, dont 900.000 en France.