Réforme territoriale : le gouvernement face à «la révolte du Sénat»

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François Vignal
Le 01.07.2014 à 19:09
Réforme territoriale : le gouvernement face à «la révolte du Sénat»
© AFP / JOEL SAGET
C’est une guerre de tranchée, avec ses armes. Les sénateurs communistes et radicaux demandent à François Hollande un référendum sur la fusion des régions. Une procédure qui va retarder encore l’examen du texte. Le secrétaire d’Etat André Vallini prévient : s’il le faut, le gouvernement est prêt à siéger « tout l’été »…

Les opposants au texte sur la fusion des régions sont bien décidés à se battre pied à pied au Sénat. Autant sur le fond qu’en utilisant toutes les armes de la procédure parlementaire. Les groupes CRC (communiste) et RDSE (à majorité PRG) ont conjointement demandé mardi une motion référendaire sur le premier projet de loi de la réforme territoriale. Un nouveau « coup » que s’apprête à réussir les opposants au texte, après la saisie par les groupes UMP, communiste et RDSE du Conseil constitutionnel sur l’étude d’impact. Les sages l’ont validé ce mardi, ouvrant la voie à l’examen du texte avec un jour de retard sur le calendrier initial.

L’examen en séance va commencer mercredi après-midi. Mais selon toute vraisemblance, la motion référendaire pourrait bien être adoptée grâce à l’appui du groupe UMP. Concrètement, les débats ne pourront pas commencer tant que l’Assemblée nationale ne se sera pas prononcée. Elle a 30 jours pour le faire, mais elle devrait s’en saisir dès mercredi soir. Si les députés n’adoptent pas la motion, ce qui est vraisemblable, les débats pourront reprendre au Sénat, peut-être dès mercredi dans la soirée, sinon jeudi. Avec une demi-journée de retard, sachant que les sénateurs peuvent débattre jusque samedi.

Baylet : « On est en rupture »

Salle des conférences, qui jouxte l’hémicycle, un attelage quelque peu baroque se forme : le Radical de gauche et président du groupe RDSE, Jacques Mézard, et le communiste Christian Favier, côte à cote, parlent à l’unisson à la presse. Deux hommes de gauche. Mais ils sont farouchement opposés au texte du gouvernement. « Nous demandons à ce que le président de la République soumette sa réforme au peuple souverain », explique le sénateur PCF. Jacques Mézard dénonce « les méthodes inacceptables » du gouvernement qui « bafoue la démocratie parlementaire » avec la « procédure accélérée ». L’exécutif a pourtant promis deux lectures par chambre. « C’est un rappel à l’ordre de la part des sénateurs », lance Christian Favier. Il dénonce un texte « saucissonné » et « une forme de recentralisation » du fait des futures grandes régions.

Un peu plus loin, un petit groupe de sénateurs RDSE s’est rassemblé autour de Jean-Michel Baylet, sénateur et président du PRG. « On est en rupture sur ce texte », affirme le sénateur du Tarn-et-Garonne, qui fait remonter l’opposition avec François Hollande sur la question des territoires « à la primaire PS ». « C’est la révolte du Sénat », abonde le sénateur ex-PS Christian Bourquin, président de Languedoc-Roussillon, vent debout contre la fusion de sa région avec Midi-Pyrénées. « Il faut que le Président demande l’avis du peuple, à défaut d’avoir demandé l’avis des élus », ajoute l'ancien proche de Georges Frêche.

Les radicaux comptent bien « rappeler » au PS qu’ils sont – avec les écologistes et les communistes sur certains textes – l’un des groupes charnières au Sénat, où le PS n’a pas la majorité à lui seul. « La réforme des métropoles est passée ici car nous l’avons soutenue, nous avons voté la réforme pénale, le mariage pour tous, le droit de vote des étrangers et les textes budgétaires », énumère Jacques Mézard.

Vallini : « S’il faut se priver de vacances, on se privera de vacances »

Jean-Michel Baylet, toujours salle des conférences, croise la route de Jean-Vincent Placé. Le patron des sénateurs écologistes soutient le gouvernement sur la réforme territoriale. Les deux hommes échangent à bâtons rompus sur la réforme, se chambrent… Avec le sourire. Ils se connaissent bien. Jean-Vincent Placé a commencé sa carrière politique comme assistant parlementaire du député PRG Michel Crépeau. Le face à face entre ces deux bêtes politiques, habitués aux discussions de couloirs, se termine. Jean-Vincent Placé reconnaît qu’il se fait peu d’illusion sur l’avenir du texte au Sénat. « Il y a une majorité de conservateur ici, avec l’UMP, le PC et les radicaux, en raison des intérêts féodaux des uns et des autres », pointe le sénateur EELV.

Le secrétaire d’Etat à la Réforme territoriale, André Vallini, semble peu inquiet de l’activisme des opposants. « C’est un nouvel obstacle que nous franchirons rapidement, dans les 24 heures je pense », a affirmé l’ancien sénateur, invité ce mardi de l’émission Preuves par 3, sur Public Sénat, en partenariat avec l’AFP. Récusant l’idée d’un « débat bâclé », André Vallini prévient les frondeurs du Sénat : la session extraordinaire sera prolongée jusqu’en « août », s’il le faut. Le gouvernement est prêt à siéger « tout l’été. Et s’il faut se priver de vacances, on se privera de vacances. Nous voulons que ce texte soit voté avant la fin de l’année. Si les manœuvres de retardement continuent, on siègera autant que de besoin ». A bon entendeur…

 
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