Sur le Gave d’Oloron
Panique sur le Gave !

Filets relevés, quotas atteints, pêche à la ligne fermée le 15 juin, et quoi encore ? Explication : quand une ressource se fait rare, on se rationne. Comme partout et en tous temps. On ne va pas se disputer le dernier saumon !

Notre dernier numéro 107 exposait les grandes lignes des toutes récentes mesures adoptées pour sauver les derniers saumons du Pays des Gaves et des Nives. Rappelons qu’un audit patrimonial avait été conduit en 93-94 par D. Wiart, scientifique du CSP, en liaison avec les hommes du cru et grâce au financement de la structure environnementale du Conseil Général des Pyrénées Atlantique. Cette étude publiée avait incontestablement démontré l’atout constitué par le saumon Atlantique pour le tourisme régional, mais aussi l’extrême fragilité de son stock résiduel, menacé d’extinction à brève échéance si rien ne venait infléchir le rythme des prélèvements et favoriser la reconquête des frayères. Le premier plan de gestion voté en 1995 par le nouveau COGEPOMI n’apportait malheureusement aucune mesure positive durable faute d’un programme novateur. Plutôt que de voir les intérêts classiques se disputer les derniers migrateurs, il fallait élargir la réflexion à d’autres acteurs que le COGEPOMI n’avait pas prévu tels que professionnels du tourisme, tout en mettant de son côté les industriels, les producteurs d’énergie et les autres utilisateurs de l’eau avec lesquels il faudra bien discuter de toute façon. L’AIDSA, présente - mais non votante - aux COGEPOMI est en mesure d’orienter les prises de décision en évoquant notamment ce qui se fait chez tous nos voisins. Notre président J. Servat a donc organisé une rencontre assez élargie en vallée d’Aspe.

En vallée d’Aspe Cette rencontre se tenait le 21 août au relais aspois de Gurmençon que le président Cazenave (association départementale pour le développement du tourisme pêche dans les Pyrénées atlantiques) avait mis à notre disposition. Tout près d’Oloron sur la route de Saragosse. Sous la houlette de l’AIDSA et de la dizaine de ses administrateurs et membres régionaux présents, un débat animé s’installa auquel prirent part le Dr Maumus, Chargé de l’Environnement au Conseil Général, le président Maysonnave de la Fédération départementale de pêche, des représentants de l’industrie hôtelière, du commerce des articles de pêche, des pêcheurs et d’autres usagers. Dans un premier temps, on évoqua le plan triennal de relève des filets destiné à permettre la reconstitution du cheptel de saumon atlantique dans les Gaves. L’annonce de ce plan s’est faite en même temps que la fermeture de la pêche à la ligne car la gestation n’a abouti que fin mai. Dans le même temps, les conditions de pêche à la ligne printanière étant favorables, la consommation du quota fut plus rapide que prévu. Les 160 poissons “tuables” d’après des calculs sans doute aléatoires (mais il faut bien commencer par un bout) furent vite attrapés. Idéalement, dans la logique des quotas, il faudrait que la pêche ouvre seulement le deuxième samedi d’avril pour que les pêcheurs locaux laissent quelques poissons aux touristes de l’été. C’est ce qui se fera l’an prochain. En revanche, on peut regretter que les hôteliers qui attendaient les touristes n’aient appris la fermeture que par la presse, ce qui est cavalier. Attention : c’est bien là le problème des relations entre la pêche et le tourisme, il faut qu’il en reste pour les touristes.

Laisser des saumons aux touristes Comment faire ? D’abord, éviter de transformer en une bombe touristique l’annonce d’une simple mesure de gestion qui se pratique dans tous les pays, la fermeture anticipée de la pêche quand on estime que tous les saumons à prendre sont pris. Un peu de communication s’il vous plaît ! Autre mesure, l’ouverture différée pour reporter les prises possibles vers une période plus estivale. C’est ce qui va se passer en avril 2000. Le simple plaisir de la pêche doit l’emporter sur la gloire d’exhiber un saumon mis au panier. Il faut donc promouvoir le “no-kill” qui multiplie les occasions de capture sportive du poisson. Ou bien, si l’on veut, qui laisse un géniteur de plus à la rivière. Prière donc de laisser la gaffe au rayon des antiquités, et d’oublier devons, crevettes et lombrics tout en prenant la canne à mouche, surtout en juin-juillet. Il faut enfin partager. Partager la ressource non seulement en la répartissant entre les pêcheurs professionnels et les pêcheurs à la ligne, mais aussi entre les pêcheurs à la ligne locaux et les touristes venus de loin. Comment ? En instituant des quotas, des temps de pêche individuels, en attribuant des sites de pêche... Tout cela est à voir, mais qu’on ne nous dise pas que c’est irréaliste car de l’Espagne à l’Ecosse en passant par l’Irlande, la Norvège et le Canada, c’est ce qui se fait partout.

Contraintes réglementaires En France, les règlements et les usages s’opposent à de telles pratiques de gestion. Il n’y a déjà pas de différence juridique entre un pêcheur de “truite” et un pêcheur de “saumon”. Le pêcheur de saumon doit être muni de son permis spécifique et d’au moins une bague pour appareiller sa prise au cas où il aurait envie de la conserver et de la transporter. Sinon, c’est un pêcheur de truite, qu’importe le matériel. Comment conserver quelque efficacité au gardiennage dans ces conditions où ce sont les papiers qui font le pêcheur et non pas le poisson, à moins d’être pris sur le fait ? Autre ambiguïté de la toute nouvelle et souhaitable politique des quotas : la vente des permis est nationale alors que la gestion des quotas se fait évidemment bassin par bassin. Ainsi, pour le secteur Gaves et Nives, ce sont 600 permis qui ont été délivrés en 99, soit 1 200 bagues, pour un quota de 160 saumons. On devine que la bague est une marchandise qui se donne, s’échange et se revend. N’y aurait-il pas lieu de ne confier qu’une seule bague à la fois par permis, d’en limiter la durée et d’en organiser le retour. Dans ce sillage, ne devrait-on pas modifier l’esprit des concours de pêche où l’on encourage la multiplication des prises ? L’immense mérite de la réunion du 21 août est d’avoir fait le point entre de nombreux intérêts centrés autour du saumon. Une expression calme, un partenariat élargi plutôt que des oppositions irréductibles, un contact direct entre personnes, tout cela a permis la mise au jour d’un plan librement consenti par tous de reconstitution des effectifs. Un plan qui a donc pu être financé. En attendant que la réglementation évolue.

Quatre départements et Osserain Pour couronner les difficultés liées aux prises de décisions qui ne cadrent pas exactement avec le tissu légal actuel, il faut souligner que quatre départements doivent se mettre d’accord. Le Dr Maumus a annoncé la création d’une structure-relais élargie aux quatre départements concernés. Pour faire bon poids, cette structure pèsera sur la gestion non seulement du saumon, mais aussi de tous les autres migrateurs menacés, ce qui est une bonne nouvelle. On parle de François-Xavier Cuendet, ingénieur agronome et ichtyologue, pour la prendre en main. L’IIAHBA (Institution Interdépartementale pour l’aménagement hydraulique du Bassin de l’Adour) gère donc en 1999 une opération “Reconstitution du stock de saumon Atlantique” pour un montant de 1 370 000 F, une opération “Comportement et abondance des grands migrateurs” pour 10 271 000 F, et une opération “Capturabilité et taux d’exploitation de la civelle + modèle truite de mer” à hauteur de 9 280 210 F. Rien que pour les saumons, on escompte que plus de 12 millions d’œufs par an seront produits, notamment à Osserain qui demeure un site d’exception, un enjeu disputé et de ce fait un peu neutralisé alors qu’on aimerait bien qu’il soit plutôt mis en valeur. En matière d’action concertée, le bassin de l’Adour a déjà été le premier à adopter un plan de gestion des étiages qui répartit les prélèvements d’eau en période critique. Qu’il continue sur la bonne voie. n JP. COEURET




 


 
 
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