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Traité transatlantique : le double discours du FN

Jeudi 8 Mai 2014 à 05:00 | Lu 33329 commentaire(s)

Alexandre Coste
Journaliste à Marianne chargé de l'animation de la communauté des Mariannautes En savoir plus sur cet auteur

Sur les plateaux télévisés, Marine Le Pen clame haut et fort son opposition au monde de la finance pour séduire l’électorat sans cesse grandissant des « antisystèmes ». En coulisse, le Front national fait parfois preuve de bien moins de courage et n’est pas le dernier parti à se coucher, par exemple, face au traité transatlantique.


ANTONIOL ANTOINE/SIPA
ANTONIOL ANTOINE/SIPA
«Si cette négociation, menée en catimini, aboutit, ce serait une catastrophe pour notre économie, pour notre démocratie et la liberté de nous nourrir comme nous le souhaitons ». Le 23 avril dernier, Marine Le Pen lançait un « appel solennel » dans une vidéo postée sur YouTube  contre le traité transatlantique. Et de fustiger au passage la « classe UMPS », responsable d’avoir caché à la population l’enjeu de ces négociations. Pourtant, dès lors qu’il s’agit de s’opposer concrètement à ce traité, le Front National se montre bien moins courageux.
 
Le Conseil Régional de Picardie, sous l’impulsion de l'élu écologiste François Veillerette, vice-président Environnement-Santé-Alimentation et candidat aux européennes, a adopté une motion le 18 avril déclarant que la Région s’opposait au traité transatlantique. Si certains (comme les radicaux de gauche) se sont abstenus, le FN, lui, a voté contre ! C’est d’ailleurs le seul parti à s'y être opposé. Voilà qui tranche franchement avec le discours officiel. Contacté par Marianne, Wallerand de Saint-Just, conseiller régional membre du groupe Front national, justifie « un vote très étudié et symbolique » : « Il est insupportable que cette motion ait été présentée par les Verts et le Parti socialiste, surtout le Parti socialiste d’ailleurs. » L’avocat de Jean-Marie Le Pen souligne le « double langage » du PS qui prétend faire de la finance un adversaire quand, en réalité, il lui déroule le tapis rouge : « Ils n’ont aucun respect de leurs engagements et de leurs convictions. » 

Double discours FN contre double discours PS

Certes, les socialistes ne font pas preuve d'une grande cohérence (c'est peu dire) sur ce sujet : François Hollande voulant accélérer les négociations, une partie des élus locaux s'y opposant. Mais tout de même : choisir de dénoncer le double discours du PS en tenant soi-même un double discours, c'est à ne plus rien y comprendre... D'autant qu'il n'y a pas qu'en Picardie que le FN a opté pour un tel positionnement. Au mois de février, le même genre de texte avait déjà été présenté à la Région Paca et, encore une fois, le groupe Front national avait voté contre.

 


En réalité, le parti de Marine Le Pen est-il aussi clair sur la question du traité transatlantique qu’il veut bien le laisser croire ? Il est permis d’en douter, surtout lorsque l’on se penche sur le vote du Front national en 2008 sur le Conseil économique transatlantique, l’embryon de ce qui deviendra par la suite le traité transatlantique. Il faut pour cela se plonger dans deux documents que s'est procuré Marianne.

Le premier document (voir ci-dessous) présente les amendements soumis au vote sur ce texte : l'amendement n°1 concerne le « calendrier » et l'amendement n°3 affirme que « le concept de marché transatlantique consistant à recourir à la coopération dans le domaine réglementaire afin d'obtenir la suppression progressive des barrières non tarifaires pourrait jouer un rôle majeur dans le maintien de la dynamique qui sous-tend la croissance économique mondiale ».

 


Le second document (lire pages 15 et 17) présente, lui, le vote de chaque député. Pour le comprendre, il faut avoir en tête qu'un « + » signifie un vote « pour », un « - » un vote « contre » et un « 0 » une « abstention ».

 


On peut donc voir que Marine Le Pen a voté pour le premier amendement demandant donc un « calendrier » permettant de « concrétiser l'engagement à long terme de réaliser le marché transatlantique ». En revanche, elle s’est abstenue sur le troisième amendement, ce qui signifie tout de même qu’elle n’a pas voté contre l'idée que que le « marché transatlantique » en s'appuyant sur « la suppression progressive des barrières non tarifaires » contribuerait à « la croissance économique mondiale »... Bruno Gollnisch, quant à lui, a voté pour le premier et le troisième amendement.

Ce dernier s’était défendu en 2012 sur son blog afin de « tordre » le cou à « une rumeur persistante » : « L’un des votes incriminés porte non pas sur l’ensemble d’un texte (RC6-0209/2008) mais sur un amendement, dont le rôle, comme chacun sait ou devrait savoir, est de modifier le texte initial. » Le Front national qui vote pour des amendements pourtant clairement en faveur du traité afin, nous explique-t-on, de mieux s'opposer au fameux traité, c'est encore une fois très surprenant. Attention car à trop multiplier les jeux de jambes, on finit par ne plus savoir sur quel pied danser...




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