La fête de Pâques a-t-elle encore un sens religieux ?

La fête de Pâques a-t-elle encore un sens religieux ?

La voûte de l'Eglise du Panthéon à Rome. Photo: JC Marmara/ Le Figaro

La voûte de l'Eglise du Panthéon à Rome. Photo: JC Marmara/ Le Figaro Crédits photo : Jean-Christophe MARMARA/Le Figaro

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Pâques est célebrée ce dimanche par plus d'un milliard de catholiques dans le monde. L'Evêque de Lourdes, Mgr Brouwet explique à Figarovox la signification de cette fête.

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Monseigneur Nicolas Brouwet est évêque de Tarbes et Lourdes depuis février 2012.

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L'Eglise s'apprête à fêter Pâques. Pourquoi cette fête est importante pour les catholiques?

La fête de Pâques est, avec Noël, la plus grande fête de l'année. Nous célébrons la Résurrection du Christ. Toute la foi chrétienne tourne autour de ces deux évènements: Dieu qui se fait homme dans le mystère de Noël ; le Christ ressuscité des morts dans le mystère de Pâques. Si Dieu s'est fait l'un de nous, c'est pour ouvrir, dans la tragédie de la mort, un chemin de résurrection pour tous les hommes. Voilà le cœur de la foi chrétienne. «Si le Christ n'est pas ressuscité, écrit Saint Paul, vide alors est notre message, vide aussi notre foi».

Cette fête a-t-elle encore un sens dans une société déchristianisée?

En annonçant la Résurrection de Jésus aux philosophes d'Athènes, ville païenne, ouverte à tous les courants de pensée et à toutes les divinités, l'apôtre Paul se heurte à l'ironie et au scepticisme de ses auditeurs. Sa prédication est un échec presque total. Quelques-uns, pourtant, deviennent chrétiens: si Le Christ est ressuscité, c'est que le mort n'est pas la fin de tout ; s'il nous entraîne dans sa Résurrection, c'est qu'une espérance est toujours possible même au moment des épreuves les plus insurmontables. Dans ce monde déchristianisé, les chrétiens cherchent à témoigner que ni la mort ni la nuit n'ont le dernier mot ; ils confessent que nous sommes appelés à vivre, et à vivre debout, dans l'attitude du Ressuscité.

Est-ce que l'idée d'une résurrection et d'un au-delà n'a pas disparu avec les plaisirs et les possibilités infinies que peuvent donner la consommation dans les sociétés prospères?

Il est vrai que l'accélération des découvertes et des applications de la technologie est fascinante. Ce sont, mois après mois, des perspectives nouvelles qui s'ouvrent, entraînant l'amélioration du bien-être personnel, de l'efficacité dans le travail, de la communication, de la santé. On en est fasciné - moi le premier, je le reconnais - mais la question est de savoir si nous laissons cette fascination occuper tout l'horizon et, du coup, réduire la perspective.

Les possibilités de la technique peuvent entretenir l'homme dans l'illusion de sa toute-puissance. L'accroissement du confort peut l'amener à penser qu'il se suffit à lui-même. Mais lorsqu'il fait l'expérience de l'épreuve et de l'échec - et en particulier de l'échec absolu qu'est la mort - il est totalement démuni et ne sait plus faire face. Il faut qu'il apprenne alors à affronter la réalité de sa finitude, de sa fragilité et de sa dépendance. La fête de Pâques arrive précisément là: les dernières heures de la vie du Christ se déroulent comme une véritable défaite qui le conduit jusqu'à la mort. Mais ressuscité, il sort du tombeau et entraîne l'humanité à sa suite. En proclamant la Résurrection, nous annonçons que dans les impasses, les déconvenues, les angoisses de l'existence, le Christ nous appelle à la vie ; qu'au moment où tout semble s'effondrer, nous avons encore un avenir. Et que cet avenir dépasse infiniment la mesure et les limites de la vie terrestre: notre avenir est en Dieu.

Est-ce normal selon vous que l'on continue dans un pays laïc à donner tant d'importance aux fêtes chrétiennes?

Elles rythment notre vie. Et si elles ne sont pas toujours comprises dans toute leur profondeur, elles sont une formidable leçon d'espérance y compris pour ceux qui ne partagent pas la foi chrétienne. Elles parlent toutes, chacune à sa manière, de la grandeur de la vocation humaine, de la dignité infinie de chaque homme - y compris du plus pauvre-, d'un appel à la vie plus fort que la mort. Par ailleurs les fêtes religieuses nous prémunissent contre la tentation de tout réduire à des perspectives terrestres et de tout espérer de l'organisation politique. La liberté religieuse est le garant ultime des libertés individuelles: l'Etat ne pourra jamais contrôler la relation personnelle qu'un croyant entretient avec Dieu. Les fêtes religieuses doivent être maintenues pour cette raison: parce qu'en les conservant, le pouvoir politique reconnaît que ce qui touche à la foi dépasse sa compétence et que la liberté doit être laissée aux croyants de célébrer ensemble - et selon les modalités qu'ils choisissent- la foi qui les anime.

Les Evêques ont eu à Lourdes des échanges vifs sur les rapports entre l'Eglise et le monde contemporain. Comment l'Eglise doit-elle parler au monde?

Je crois que les media ont exagéré la vivacité des débats. Les évêques sont tous d'accord sur la nécessité de susciter des échanges, des dialogues, des réflexions de fond, en particulier sur les sujets de société avec tous ceux qui ont des convictions, y compris quand elles ne sont pas les nôtres. C'est indispensable pour bien comprendre les enjeux d'un débat ; nous ne pouvons pas réfléchir seuls. Le problème est de savoir si nous avons encore la culture de cette recherche longue, patiente exigeante du bien, du vrai, du juste. Un lent travail de la raison est nécessaire, là où on préfère, par économie intellectuelle, l'émotion et les slogans.

Les chrétiens sont parfois moqués comme anachroniques, ils provoquent souvent l'indifférence. Sont-ils condamnés à vivre à contre- courant et à perdre les combats temporels?

Les chrétiens n'ont pas la mission de gagner des combats. Ils veulent seulement témoigner de l'amour de Dieu pour tout homme, un amour sans condition qui les appelle à la vie. C'est cet amour, et lui seul, qui sauve le monde. Il ne s'impose pas par la force du droit ou par des jeux politiques. Il est accueilli dans le cœur des croyants comme un feu qui embrase tout leur être et qui illumine leur conscience, leurs décisions, leurs projets. L'Evangile se répand de cette manière ; sans bruit, sans violence, sans stratégie. C'est, comme vous le dites, un peu à contre-courant…

A Lourdes vous côtoyez sans cesse des malades, des handicapés. Considérez-vous que la société les aide et les protège suffisamment?

La force incroyable de l'Evangile est de nous aider à penser l'homme non seulement dans son génie et sa grandeur mais également dans sa faiblesse et sa précarité. Ce qui m'a toujours frappé, à Lourdes, c'est que les personnes malades ou handicapées ont toujours la première place. Nous vivons avec elle, nous prions avec elles et nous recevons beaucoup d'elles en vivant à leurs côtés. A vrai dire, elles nous évangélisent par leur paix, par leur joie, par leur profondeur, par leur simplicité. La dépendance et la fragilité ne sont pas des défaites pour la personne humaine. Parce que sa dignité ne lui est pas donnée par son autosuffisance, par son pouvoir ou par sa bonne santé. Elle vient de plus haut ; elle vient de Dieu. Elle vient de ce qu'elle est aimée inconditionnellement. Et de ce qu'elle est capable d'aimer inconditionnellement. Notre société fait beaucoup pour les personnes fragiles. Mais elle gagnerait à cultiver ce regard d'absolue bienveillance. Pour ne pas être tentée d'écarter les plus faibles en succombant à une logique de coût, de rentabilité et de confort. Toute personne mérite de vivre. C'est notre appel, notre vocation. Nous sommes faits pour la vie!

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73 commentaires

  • "La fête de Pâques a-t-elle encore un sens religieux ?" (Le Figaro)
    Elle est même la fête la plus importante pour les chrétiens : elle est la résurrection du Christ après la passion où il a été demandé à Ponce Pilate qu'il soit condamné à la mort !
    Et agonisant il délivre un message d'amour pour l'humanité "aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé" .

  • Merci Monseigneur.
    Dieu vous garde, vous et tous les fidèles chrétiens de votre beau diocèse de Tarbes et Lourdes.
    Jésus le Christ est ressuscité!

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    on fait tout pour limiter l'importance de la foi et pour enfermer l'homme dans une vision étriquée et matérielle de la vie. Aujourd'hui, la radio, la télévision, la presse ne donnent aucun écho au sens chrétien des fêtes. Noël, c'est le Père Noël, pâques, les oeufs en chocolat. La foi n'a pas disparu, elle est mise sous le boisseau. Les Chrétiens, eux, existent toujours.

  • D'abord la France est un pays majoritairement Chrétien, encore ! De plus les églises se remplissent depuis une petite vingtaine d'année ä nouveau, impulsé par le Renouveau Charismatique, les nouvelles communautés qui ont redonné aux célébrations Joie et Louanges !, Jean-Paul Ii et les JMJ.Quel émerveillement de voir ces millions de jeunes enthousiastes et si recueillis à d'autres moments.
    Qui a écrit cet article n'est surement pas rentré dans une église bondée, en liesse, durant la Vigile pascale la nuit dernière !!!Christ est ressuscité !

  • Il y a de plus en plus de personnes pour qui la foi en Jésus Christ Ressuscité prend une place de très importante et personnelle. On sort toujours les veilles cloches de certaines églises catholiques vides, tandis que tant de français trouvent leur chemin vers les églises évangéliques dont les bancs sont bien remplies. Alors, un pays laïc ?

  • J'ai sauvé de mes mains plus de personnes qu'il en fut par la seule piété.
    Chaque jour qui passe est un miracle de plus car chaque jour je suis. Bien sûr je vieillis mais je ne crains pas la mort car je suis.
    .
    Maintenant libre à vous de me traiter de fou, mais je suis et libre.
    Soyez en paix et vous pourrez observer les quelques surprises que je vous réserve... Bénéfiques bien entendu.

  • Qu'est-ce qu'il ne faut pas lire...
    Si en 2014 les chrétiens sont persuadés que "dieu est Jésus", alors qu'en réalité "Jésus tout comme moi sommes dieu et ses fils en son sein".
    Mes pauvres enfants, vous êtes foutus...
    .
    Le message était pourtant simple, dieu est l'univers...

    • Dieu est l'univers ? Vous êtes panthéiste comme l'était Mitterrand ? ça ressemble à du langage FM...

    • Vous avez tout-à-fait raison, cela m'a choquée de lire que la France est un pays laïc, c'est la fille ainée de l'Eglise, non ?? J'ai trouvé que les questions de ce journaliste sont très moqueuses de la religion….

  • Le modérateur pourrait-il me donner une explication sur le refus de poster mon commentaire?
    Remet-il trop les choses en ordre et dénonce t-il trop ce qui est caché?
    Hum?
    Homer

  • "Est-ce normal selon vous que l'on continue dans un pays laïc à donner autant d'importance aux fêtes chrétiennes ?" Mais non de bois, quand est-ce que les journalistes vont comprendre que ce n'est pas le pays qui est laïc mais l'Etat (la République, régime politique). Le pays, le peuple partagent différentes religions. Ça n'a strictement aucun sens de parler de "pays laïc" !