Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral |
SOMMAIRE
Présidence de M. Bernard Accoyer
1. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère
Plan de sauvetage du système financier
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique
Nomination des conseillers sanitaires de zone
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement
Mise en œuvre du Grenelle de l'environnement
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l’écologie
Changement de statut de La Poste
Impact de la crise financière sur l'économie et l'emploi
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi
Suicide d’un prisonnier mineur à Metz
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice
Crise financière et situation de l’emploi
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales
3. Nomination d’un député en mission temporaire
4. Grenelle de l'environnement
Suite de la discussion d'un projet de loi de programme
Discussion des articles (suite)
Amendements nos 84, 717, 853, 85 rectifié, 86, 952, 283, 1370 (sous-amendement), 322, 679
Amendements nos 535, 574, 688, 820, 87 deuxième rectification, 2055 (sous-amendement), 88
Amendement no 89, 1369 (sous-amendement)
Amendements nos 802, 987 rectifié, 1062 rectifié
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État
Amendements nos 90, 888, 821, 946
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques
Amendements nos 909, 91, 577, 655, 777, 579, 945, 576, 894, 93, 735, 943, 706, 941, 689, 95, 895, 96, 690, 1552 rectifié (sous-amendement)
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. Mesdames et messieurs, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du groupe d’amitié Togo-France, conduite par le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale de la République togolaise, M. Payadowa Boukpessi. (Mmes et MM. les députés ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Jérôme Chartier. Ma question s’adresse à M. Éric Woerth, ministre du budget.
Hier soir, dans cet hémicycle, les députés, qui étaient particulièrement nombreux, ont adopté un plan de sauvetage sans précédent du système économique, d’un montant de 360 milliards d’euros. Certains, comme les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, ont voté contre ; la majorité, elle, a voté pour. Mais je ne m’explique pas que, sur un tel projet, d’autres se soient abstenus, comme l’ont fait les membres du groupe socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Pourtant, le matin, les choses avaient bien commencé, puisque le projet de loi – le plan de sauvetage de l’économie – avait été adopté à l’unanimité par les membres de la commission des finances, en présence des socialistes. Seulement, dans l’après-midi, patatras : la politique politicienne socialiste a repris ses droits, et le soutien s’est transformé en abstention. (« Posez votre question ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Pourtant, hier, il fallait soutenir un plan qui allait protéger les Français et l’économie française, et réinjecter des liquidités dans les entreprises comme dans les familles. Aujourd’hui, où en sommes-nous ? Il n’y a plus d’opposition constructive. Le rêve a disparu. Une personnalité proche de l’opposition, Daniel Cohn-Bendit, a pourtant déclaré : « Franchement, moi, si j’avais été dans l’hémicycle hier, je crois que j’aurais voté le plan, pour la simple raison que je crois qu’il n’y a pas d’autre chose à faire. »
M. Jean-Paul Lecoq. Chacun ses alliés !
M. Roland Muzeau. Cela ne nous étonne pas ! Daniel Cohn-Bendit est de droite !
M. Maxime Gremetz. C’est un bourge vert !
M. Jérôme Chartier. Si Daniel Cohn-Bendit considère qu’il fallait voter le plan, l’attitude des socialistes n’est-elle pas à désespérer d’une opposition constructive ?
M. le président. Venons-en à votre question, monsieur le député.
M. Jérôme Chartier. La voici : monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale quelle sera la traduction financière du plan de sauvetage du système économique français, à l’égard duquel les socialistes ont décidé, pour paraphraser Coluche, de n’être ni pour ni contre, bien au contraire !
M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le député, le plan que les députés ont adopté hier est sans précédent et d’une ampleur extraordinaire. Il a été voulu et impulsé par le Président de la République…
M. Roland Muzeau. Non : par le CAC 40 !
M. Éric Woerth, ministre du budget. …dans des délais records. C’est le fruit d’un travail concerté avec l’ensemble de nos partenaires européens. Beaucoup d’efforts ont été réalisés, en effet, pour parvenir en une semaine à un plan aussi rapide, aussi puissant et aussi coordonné.
Je remercie la majorité, UMP et Nouveau Centre, d’avoir en si peu de temps réagi à ce plan, de l’avoir discuté, compris et soutenu. Leurs efforts ont été à la hauteur de l’enjeu et, si le groupe socialiste s’est abstenu, j’imagine que son abstention se voulait elle aussi constructive. C’est du moins ainsi que je l’ai comprise. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)
Ce plan met en jeu la somme gigantesque de 360 milliards d’euros, qui se décompose en 40 milliards de soutien, en capital, aux établissements financiers, et 320 milliards de soutien au crédit par le biais d’une société de refinancement qui sera créée dans les prochains jours par Christine Lagarde.
Si la crise vient des États-Unis, les solutions, elles, viennent de l’Europe. Telle est du moins la conclusion à retenir, car c’est capital pour l’économie, pour l’avenir et pour les contribuables. En effet, les contribuables français n’auront pas à souffrir de ce plan,…
M. Jean-Paul Lecoq. Nous en reparlerons !
M. Éric Woerth, ministre du budget. …pas plus d’ailleurs que le budget de l’État, que nous examinerons la semaine prochaine. Ces résultats sont dus à une mobilisation de la trésorerie ou de l’emprunt. Pour financer le plan, nous emprunterons et, face à ces emprunts, il y aura des titres de banque, en capital, et du refinancement, grâce aux titres apportés par les établissements financiers.
Je le répète, le plan n’aura d’incidence directe ni sur les contribuables ni sur le budget du pays, dont nous discuterons la semaine prochaine. Et, au bout du compte, comme dans le cas de la société Alstom, les contribuables pourront même, si tout va bien, réaliser des plus-values.
M. François Goulard. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Victorin Lurel. En premier lieu je veux souligner que le groupe socialiste constitue une opposition responsable, et n’a pas de leçon à recevoir de quiconque. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est en conscience et en toute connaissance de cause que nous nous sommes abstenus non pas sur un plan de sauvetage bancaire, mais sur une politique économique qui est mauvaise. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre – il n’est pas là semble-t-il –(Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)…
M. le président. Le Premier ministre assiste au sommet européen de Bruxelles et nous avons eu un débat hier à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Victorin Lurel. N’y voyez pas malice, monsieur le président. Je voulais lui dire ceci :
Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré ce matin à la radio que la politique du Gouvernement était bonne, pertinente et qu’il n’y avait pas lieu d’en changer. Or, à la récession économique. et à la crise financière, vous vous obstinez à n'apporter qu’une réponse bancaire. C'est insuffisant, dramatiquement insuffisant.
De plus, vous n'hésitez pas, sans abandonner vos a priori idéologiques et sans faire la moindre concession à l'opposition, à réclamer l'unité nationale autour d'une politique contestable et injuste qui frappe les Français dans leur vie quotidienne et au portefeuille.
Soyons honnêtes : la récession économique est bien là. En tout cas, si vous en contestez la réalité par des contorsions sémantiques, les Français, eux, la vivent : le pouvoir d'achat baisse ; la production baisse ; l'investissement public et privé baisse ; l'emploi baisse ; le solde commercial s'effondre. Bref, tous les moteurs internes de notre économie sont éteints.
Cette récession n'est quand même pas née de rien, par génération spontanée.
Vous avez baissé la garde de la France et mené une politique laxiste et récessive – démantèlement consciencieux de la politique de l'emploi, dérégulation érigée en dogme, abaissement des collectivités locales, absence de politique industrielle, refus de la relance du pouvoir d'achat – dont les conséquences s’ajoutent aux effets importés de la crise financière.
M. le président. Veuillez poser votre question.
M. Victorin Lurel. Le Parti socialiste vous a fait un ensemble de propositions précises et réalistes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour modifier le projet de loi de finances. Il conviendrait de rompre avec le « tout libéral » qui a conduit à la crise ; de présenter un budget de soutien à l'activité ; d’engager une politique sociale plus protectrice pour les citoyens victimes de la crise ; de lancer un emprunt européen pour aider l'investissement ; d’établir de nouvelles règles de régulation, nationale, européenne et mondiale.
Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous nous entendre et nous présenter un autre projet de loi de finances initiale bâti sur des hypothèses plus réalistes et reprenant ces propositions ?
Les banques, d'accord ; mais nous vous disons : les citoyens d'abord. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Je vous remercie pour cette question mesurée. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
Vous faites preuve de beaucoup de pessimisme, mais, de même que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, leurs racines ne plongent pas jusqu’au centre de la terre : il n’est pas nécessaire de sombrer dans le pessimisme absolu en ce qui concerne l’avenir de l’ensemble des économies. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Le ralentissement économique va probablement se poursuivre, mais soyez assurés que le Gouvernement français, avec l’ensemble de ses partenaires européens et, pourquoi pas, aussi avec les États-Unis, saura réagir à cette situation.
Quant à la politique sociale, celle que nous menons avec la majorité est forte. Vous avez voté il y a peu le RSA.
M. Maxime Gremetz. Pas nous !
M. Éric Woerth, ministre du budget. C’est un acquis exceptionnel et une nouvelle manière de considérer les minima sociaux, pour sortir de l’assistanat et remettre le travail au cœur de notre politique économique et sociale.
D’autre part, nous n’avons pas attendu la fin de l’année pour revaloriser les petites pensions (Vives exclamations sur les bancs du groupe GDR et sur divers bancs du groupe SRC) et le minimum vieillesse, ainsi que pour annoncer l’augmentation des petites retraites agricoles. Toutes ces mesures s’inscrivent dans une politique sociale cohérente et juste.
Enfin, s’agissant de l’emploi, évidemment nous saurons réagir. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)Les politiques de l’emploi seront mises à contribution et l’État prendra ses responsabilités pour faire face aux problèmes d’emploi s’il s’en pose dans les semaines à venir.
Je vous invite donc, monsieur le député, à participer pleinement au débat budgétaire qui va s’ouvrir. Le budget du pays est parfaitement adapté à la crise que nous traversons actuellement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mme Huguette Bello. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et porte sur la récente nomination de conseillers sanitaires de zone, destinée à renforcer le dispositif national de défense sanitaire et sociale.
Les sept zones de défense sanitaire situées en France continentale se trouvent désormais dotées d'un conseiller sanitaire, en plus d'un conseiller de défense et de sécurité. En revanche, un tel poste n'a pas été créé dans les trois zones de défense sanitaire des départements d'outre-mer. Le conseiller sanitaire est pourtant, dans chacune des zones, l'expert en matière de santé. Il est chargé d'élaborer et de mettre en œuvre des actions destinées à prévenir et à affronter les crises sanitaires graves. Sa présence dans les départements d'outre-mer devrait donc s'imposer puisque ces régions sont, précisément, celles où les risques épidémiques sont les plus grands. Aurait-on déjà oublié la redoutable épidémie de chikungunya qui a endeuillé la Réunion en 2006 ? Faut-il rappeler que, depuis le début du siècle, aucun autre territoire de la République n'a jamais été frappé par une crise sanitaire de cette ampleur ?
Du fait de leur situation géographique, les régions d'outre-mer sont particulièrement exposées aux maladies émergentes et réémergentes. L'été austral qui débutera bientôt à la Réunion est une période à risque qui exige beaucoup de vigilance et, bien sûr, des actions de prévention, rendues, cette année, encore plus difficiles du fait de la réduction des contrats aidés qui n'a pas épargné le secteur de l'environnement.
Nous le savons tous, madame la ministre : dans le domaine de la veille sanitaire, le critère du niveau de risque doit être privilégié et non des considérations d'ordre démographique ou, encore moins, budgétaire.
C'est pourquoi, dans le souci d'éviter qu'une nouvelle crise sanitaire ne vienne s'ajouter à la rude crise économique actuelle, nous vous demandons de renforcer les compétences en matière sanitaire dans les zones de défense outre-mer ; en un mot, de leur appliquer le droit commun, comme le permet l'article 3 de l'arrêté du 14 février 2008. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Madame Huguette Bello, le décret du 24 décembre 2007 a effectivement institué les postes de conseiller sanitaire de défense, placés auprès des directions régionales des affaires sanitaires et sociales des chefs lieux des zones de défense. En métropole, les sept conseillers sanitaires de zone ont été nommés, mais je n’ai pas oublié l’outre-mer qui demeure au centre de mes préoccupations s’agissant de la veille sanitaire.
Avec mes collègues chargés de la recherche, de l’agriculture et de l’écologie, nous avons ainsi mandaté le professeur Jean-François Girard, président de l'institut de recherche pour le développement, en le chargeant d’une mission d’expertise en entomologie afin de pouvoir développer des stratégies de prévention spécifiques à l’outre-mer, et particulièrement à la Réunion. Un rapport extrêmement précis doit donc nous être remis à la fin de l’année et, en attendant que nous prenions connaissance de ce document, j’ai décidé que les postes de conseiller sanitaire et de conseiller de sécurité et de défense pouvaient être occupés par une même personne et, à la Réunion, le poste en question a été pourvu.
En conséquence, madame la députée, je m’inscris totalement en faux contre vos propos concernant la rareté et la diminution des moyens. Contrairement à ce que vous dites, un groupement d’intérêt public a été créé à la Réunion, et les moyens financiers et humains ont été renforcés à Saint-Pierre, à Saint-Denis, à Saint-Benoît et à Saint-Paul.
M. Victorin Lurel. C’est la Saint-Nicolas !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Dix-neuf adjoints sanitaires ont été nommés et, depuis un an, nous avons affecté cinquante agents supplémentaires à la lutte anti-vectorielle. À la Réunion, les moyens ont donc bien été renforcés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement soumet au Parlement un projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, qui est actuellement en cours d’examen au Sénat.
Si ce projet de loi comporte un certain nombre de dispositions utiles, il remet gravement en cause, dans son article 17, une disposition fondamentale de la loi de solidarité et de renouvellement urbains, qui impose à toutes les communes de plus de 3 500 habitants de compter au moins 20 % de logements locatifs sociaux, afin de favoriser la mixité sociale dans notre pays.
Votre article 17 prévoit de ne plus obliger les communes à construire du logement locatif social, en leur permettant de remplacer celui-ci par des logements en accession sociale à la propriété.
M. Maxime Gremetz. Très bonne question !
M. Jean-Christophe Lagarde. Il s’agit en somme d’une échappatoire pour les villes qui ne veulent pas de logements sociaux. Or une telle disposition priverait de fait une partie de nos concitoyens de la possibilité d’accéder aux logements sociaux dont ils ont besoin.
Pour nous, députés du groupe Nouveau Centre, comme pour nos collègues de l’Union centriste au Sénat, cette remise en cause de la loi SRU et de la mixité sociale, indispensable pour éviter que ne se perpétuent en France des ghettos de riches et des ghettos de pauvres, n’est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC – Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
M. Richard Mallié. Nous préférons les propriétaires aux locataires !
M. Jean-Christophe Lagarde. Franchement ; monsieur le Premier ministre, il est normal et sain que, dans une commune, un habitant sur cinq réponde aux critères du logement social ; c’est une exigence républicaine. Rien n’empêche les communes qui le souhaitent – comme cela est notre cas, d’ailleurs – de développer l’accession sociale à la propriété au-delà des 20 % de logements locatifs sociaux obligatoires.
Lors de la dernière tentative de remise en cause de cette disposition fondamentale de la loi SRU, il avait fallu que l’abbé Pierre vienne ici, à l’Assemblée nationale, pour y faire échec.
L’abbé Pierre n’est plus là, mais la commission des affaires économiques du Sénat vient, fort heureusement, de supprimer cette disposition dangereuse pour la paix civile dans notre pays. Je souhaite en effet que l’on n’oublie pas que les graves émeutes qui ont eu lieu fin 2005 trouvaient leur source principale dans la getthoïsation d’une partie de la population de ces quartiers et dans l’absence d’espoir d’en sortir.
Nous avons adopté, cet été, une réforme de la Constitution qui prévoit que le texte débattu en séance publique sera désormais celui issu de la commission. Voilà une bonne occasion de respecter l’esprit de la révision constitutionnelle, avant même son entrée en vigueur.
Ma question est donc simple : le Gouvernement va-t-il s’opposer à la suppression de cette disposition dangereuse…
M. Richard Mallié. Oui !
M. Jean-Christophe Lagarde.… ou suivre la sage décision de nos collègues du Sénat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous prie d’éviter que vos conversations ne couvrent la voix des orateurs et je demande à ceux d’entre vous qui hurlent de temps à autre – ils ne sont que quelques-uns – de bien vouloir s’en abstenir.
La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Lagarde, je veux d’abord excuser Mme Boutin, à laquelle s’adressait de fait votre question, car elle est retenue à des obsèques cet après-midi. Elle regagnera ensuite le Sénat, qui examine en effet, aujourd’hui même et dans les jours qui viennent, le projet de loi auquel vous avez fait allusion.
Vous estimez que l’article 55 de la loi SRU est remis en cause par l’article 17 de ce nouveau texte.
M. Patrick Roy et M. Maxime Gremetz. Absolument !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Il est vrai que celui-ci facilite l’accession sociale à la propriété d’un certain nombre de citoyens qui se trouvent actuellement dans le parc locatif…
M. Richard Mallié. C’est très bien !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. … et qui peuvent, avec le même niveau de revenu, accéder à un tel logement social, auquel est appliqué un taux de TVA de 5,5 %.
Vous indiquez vous-même, monsieur Lagarde – et je sais ce que vous réalisez à Drancy – qu’il faut éviter la ghettoïsation. Le Gouvernement est entièrement d’accord avec vous sur ce point, et nous y travaillerons ensemble. Un débat a eu lieu au sein de la commission des affaires économiques du Sénat, et celle-ci s’est exprimée contre l’article 17 du projet de loi. Mme la ministre du logement est, ces jours-ci, en conversation avec les responsables de la commission pour que nous puissions trouver des voies de passage. Vous comprendrez que, si le Gouvernement est attentif à cette question, le débat sur l’article 17 doit se tenir d’abord au Sénat ; il aura lieu demain. Votre assemblée en débattra ensuite dans quelques semaines.
Enfin, je comprends cette volonté de mettre rapidement en œuvre la réforme de la Constitution, mais, pour le moment, hélas ! c’est le texte du Gouvernement qui est examiné en séance publique, et non celui de la commission ; ce ne sera plus le cas, j’en suis sûr, après l’entrée en vigueur de la révision constitutionnelle. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Philippe Meunier. Madame la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, La Marseillaise a été une nouvelle fois sifflée hier soir, (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP) lors du match France-Tunisie, par des spectateurs que je qualifierai non pas de supporters, mais de délinquants. Après le match France-Algérie et le match France-Maroc, notre hymne national subit une fois de plus l’inconséquence grave de quelques milliers de spectateurs. Cela n’est pas tolérable !
Madame la ministre, la République a vu mourir au champ d’honneur des millions de Français qui étaient partis au feu en chantant La Marseillaise. Des hommes et des femmes sont morts assassinés par des pelotons d’exécution nazis en chantant la Marseillaise pour la liberté.
Nous ne pouvons pas laisser penser aux Français que notre nation peut être bafouée impunément. Nos stades sont équipés de caméras. Nous devons arrêter et condamner ces délinquants, notamment les meneurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Avec le projet d’union pour la Méditerranée, le Président de la République a montré le chemin pour rapprocher nos peuples : le chemin de la paix et de la concorde, le seul autorisé. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons connaître les mesures que vous comptez prendre pour sanctionner lourdement ceux qui insultent notre hymne national et risquent ainsi de fragiliser les relations d’amitiés entre nos peuples. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Laporte !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le député, je pense que l’ensemble de la représentation nationale s’associe à la condamnation et à l’indignation devant les insultes dont notre hymne national et notre drapeau ont fait l’objet. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC et SRC.)
Vous avez raison de dire qu’il s’agit de comportements délinquants. C’est la raison pour laquelle la ministre de l’intérieur a saisi le préfet de Seine-Saint-Denis afin que les délinquants en question soient déférés devant le procureur de la république de Bobigny, afin de répondre de leurs actes constitutifs de délits.
Bernard Laporte (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) et moi-même avons rencontré le Président de la République, qui a lui aussi exprimé son indignation et condamné ces actes non seulement injurieux pour notre identité nationale, mais aussi contraires aux valeurs du sport. Nous avons décidé que si de semblables événements se reproduisaient, le match serait tout de suite suspendu et les ministres éventuellement présents dans l’enceinte sportive quitteraient celle-ci immédiatement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur quelques bancs du groupe SRC.)
Nous avons aussi indiqué qu’il n’y aurait plus de matchs amicaux avec les pays concernés pendant une période à déterminer avec la fédération française de football. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) Le président de la fédération française de football, Jean-Pierre Escalettes, ayant assisté à cet entretien avec le Président de la République, il a été indiqué, en accord avec Bernard Laporte et moi-même, que la fédération française de football devait continuer son action d’éducation et de prévention de ces actes totalement condamnables (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Maxime Gremetz. Il fallait quitter le stade, monsieur Laporte !
M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Serge Poignant. Ma question s'adresse à M. le Ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, ainsi qu’à Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie.
Monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, l'actualité est bien naturellement concentrée sur la crise financière mondiale, à laquelle nous n'échappons pas, et sur la réactivité exceptionnelle tant de l'État français que de l'Eurogroupe, réactivité à laquelle j'applaudis de nouveau aujourd'hui.
Pendant le même temps, nous examinons un projet de loi majeur, à savoir la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement. Après un travail très serein en commission, l'examen dans l'hémicycle me paraît très constructif.
Vous avez, monsieur le ministre d’État, fait effectuer un sondage auprès des Français au début de ce mois. Au-delà du caractère innovant de la démarche du Grenelle, qu'ils approuvent à plus de 70 %, ils reconnaissent, également à plus de 70 %, qu’il contribue à les sensibiliser aux problèmes écologiques. Ce sondage m'apparaît d'autant plus intéressant et encourageant qu'à plus de 90 % les Français interrogés approuvent les mesures prises dans de nombreux domaines pour économiser l’énergie, lutter contre le réchauffement climatique ou protéger notre environnement. Nos concitoyens soutiennent, dans leur très grande majorité, la promotion d'un nouveau modèle économique auquel nous sommes très nombreux à croire avec vous.
Merci, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, de nous présenter votre analyse de ce sondage et de bien réaffirmer à l'Assemblée nationale tout l'engagement contenu dans cette loi d'orientation que certains collègues, heureusement peu nombreux, voudraient réduire à de simples déclarations d'intention. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l’écologie.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l’écologie. Monsieur le député, vous demandez quels enseignements nous pouvons tirer de ce sondage.
Le Grenelle est d’abord une méthode aujourd’hui unanimement saluée, notamment sur ces bancs. Il s’agit de mobiliser toutes les énergies pour une cause qui nous dépasse et pour laquelle nous avons besoin de chacun. C’est une méthode appelée à s’appliquer sur d’autres chantiers économiques et sociaux.
À côté du Grenelle visible, celui dont on débat dans cet hémicycle avec la loi de programme, il existe ce que Jean-Louis Borloo a appelé le « Grenelle invisible » (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC), déjà à l’œuvre dans nos comportements. Les consommateurs, les entreprises, les collectivités territoriales se mobilisent sous l’effet de l’étiquette carbone, qui change les comportements de consommation, ou grâce à l’impulsion du bonus écologique qui a d’ores et déjà réorienté 50 % de la demande automobile. De plus en plus nombreux sont aussi les Français qui trient leurs déchets, font attention à ce qu’il y a dans leur assiette et réduisent leur consommation énergétique.
Le Grenelle, c’est, pour quelques jours encore, dans cet hémicycle, un débat largement à la hauteur des enjeux. Quatre cents amendements ont déjà été examinés et il en reste encore plusieurs centaines. Sur ces quatre cents amendements, quatre-vingts ont été adoptés, dont une bonne moitié issus de la commission des affaires économiques, aux travaux de laquelle vous avez participé, monsieur Poignant, sous la présidence de Patrick Ollier et avec le rapporteur Christian Jacob.
Plusieurs de ces amendements étaient consensuels. Ils permettent de valider, d’enrichir et d’amplifier le Grenelle de l’environnement ; je pense en particulier au renversement de la charge de la preuve dans le domaine écologique, qui va plus loin que ce qu’avait proposé le Gouvernement, ou encore à l’action de lutte contre la précarité énergétique pour les plus démunis.
Le Grenelle de l’environnement, c’est un nouveau modèle de croissance économique. Dans le contexte de la crise financière, il marque le retour du long terme dans un monde où l’on voit bien à quel point les stratégies financières fondées sur des objectifs de court terme peuvent poser problème. C’est le retour de l’État dans la recherche pour faire de prototypes des produits industrialisés. Ce sont des investissements dans les transports, le traitement des déchets ou l’eau. C’est enfin un modèle économique dicté par la conviction que, à côté d’une économie globalisée, il y a place pour une économie locale de proximité faisant la part belle à l’agriculture biologique, aux services rendus par les collectivités locales, au tourisme durable et aux énergies renouvelables. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvia Pinel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Sylvia Pinel. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre. Le Gouvernement veut changer le statut de La Poste, entreprise publique à laquelle tous les Français, sans exclusive, sont très attachés.
M. Patrick Roy. Ce projet est scandaleux !
M. le président. Monsieur Roy !
Mme Sylvia Pinel. C’est dans un contexte de crise financière mondiale, au moment où de nombreux établissements bancaires et financiers partout sur la planète s’en remettent à la protection des États, que le Gouvernement prépare la privatisation du service public postal.
Car l’ouverture du capital de La Poste en 2011 sera suivie de la prise de contrôle de cette entreprise par le secteur privé et les marchés financiers. Cette privatisation en gestation répond donc à un choix politique d’autant plus incompréhensible qu’aucune contrainte européenne ne s’exerce. Vous projetez délibérément de sacrifier l’un des plus anciens services publics français sur l’autel de la rentabilité financière, au moment même où le système financier mondial vacille.
De plus, cette privatisation s’accompagnera nécessairement, sur l’ensemble du territoire, d’une vaste opération de démantèlement du service public postal de proximité. D’ores et déjà, la direction du groupe a unilatéralement décidé de déléguer aux communes la gestion directe des bureaux de poste les moins rentables. Dans mon département, le Tarn-et-Garonne, ce sont ainsi vingt-neuf bureaux de poste qui se trouvent menacés de transformation, soit un désengagement de La Poste sur 60 % du territoire. Ce processus est déjà engagé, sans aucune concertation avec les élus concernés, ce qui est tout à fait inacceptable.
C’est bien entendu une atteinte grave à la mission de service public de La Poste, mais c’est aussi un nouveau transfert de charges vers les collectivités, les contribuables, et les usagers.
Loin d’être un progrès, le texte que vous préparez sera un recul ; il aura un coût financier et un coût social. Comment la France compte-t-elle justifier, au regard du droit européen, le statut des agences postales communales ? Comment, une fois soumise aux intérêts financiers des actionnaires privés, La Poste pourra-t-elle remplir ses missions de service public sur l’ensemble du territoire de la République ? Pourquoi, en un mot, ne pas renoncer à cette privation du service public postal, et pourquoi ne pas aller dans le sens de l’Histoire, au moment où les États les plus libéraux de la planète redécouvrent les vertus de la nationalisation ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée, vous vous interrogez, de manière légitime, sur l’avenir de La Poste. Je voudrai vous dire que mon collègue M. Hubert Falco sera ce soir dans votre département, et je sais que vous serez reçue avec vos collègues élus par Mme le préfet du département le 24 octobre prochain. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous avez raison de dire que La Poste n’est pas une entreprise comme les autres ! Elle incarne le service public de proximité sur l’ensemble du territoire et elle joue un rôle majeur de lien social entre les citoyens.
M. Maxime Gremetz. Elle n’est pas en faillite, elle !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Elle évolue aussi dans un environnement en pleine mutation ; elle doit relever deux défis : le premier est celui de l’ouverture à la concurrence le 1er janvier 2011, auquel il faut nous préparer, car la poste allemande ou la poste néerlandaise viendront proposer leurs services dans notre pays.
MM. Maxime Gremetz et André Chassaigne. Et alors ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le second défi est technologique : avec le développement d’internet, La Poste perd des parts de marché ; le volume d’activité baisse d’environ 0,5 % par an, et même de 3 % depuis le début de l’année. Il faudra donc moderniser La Poste.
MM. Maxime Gremetz et André Chassaigne. Et alors ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Il est donc légitime que l’État actionnaire s’en préoccupe, et le président de La Poste n’est pas le moins bien placé pour nous faire des propositions.
M. Maxime Gremetz. 360 milliards pour les banques, et rien pour La Poste !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. L’État a décidé, dans ce cadre, de lancer un grand débat public, en consultant à la fois les représentants des personnels, les élus de toutes sensibilités, mais aussi les clients de La Poste…
M. André Chassaigne. Allez donc voir les usagers !
M. Roland Muzeau. Vous voulez brader La Poste !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. …pour répondre à ces questions : quels sont les métiers de La Poste ? Quel est l’avenir du fonctionnement de La Poste ? Cette commission est animée par M. François Ailleret, ancien directeur général d’EDF, qui préside le groupe des entreprises publiques au Conseil économique, social et environnemental.
M. le Premier ministre a d’ores et déjà indiqué qu’il y avait des choses qui n’étaient pas négociables. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
M. Roland Muzeau. Menteur !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. En effet, nous ne privatisons pas, comme vous l’avez entendu : le contrat de service public de La Poste, le prix unique du timbre sur l’ensemble du territoire, la distribution du courrier six jours sur sept dans les boîtes aux lettres, les points de présence sur l’ensemble du territoire, les dix-sept mille points de contact : rien de cela n’est négociable !
Nous réfléchissons à l’avenir du service public de La Poste, mais nous ne braderons pas le service public de La Poste ! (Protestations sur les bancs du groupe GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Maxime Gremetz. Paroles, paroles !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, depuis près d'un mois, la France est touchée par une grave crise financière mondiale.
M. Maxime Gremetz. Sans blague ?
M. Jean-Pierre Decool. Cette crise a entraîné des mesures sans précédent de refinancement de l'économie, notamment en Europe et aux États-Unis.
Dès dimanche soir, sous l'impulsion de la France et grâce à la réactivité de la présidence française de l'Union européenne qui a permis de réunir tour à tour le G4 européen, les représentants de l'Eurogroupe, de la Banque centrale européenne et de la Commission européenne, un plan de sauvetage exceptionnel de notre système bancaire a été annoncé, afin de préserver nos économies et l'emploi.
Alors que le Président de la République et le Premier ministre s'attachent à défendre ces mesures, aujourd'hui et demain, devant les Vingt-sept à l'occasion du Conseil européen à Bruxelles, nous venons d'en adopter leur traduction nationale. Il est cependant regrettable qu'une partie de cet hémicycle n'ait pas adhéré pleinement à la demande d'unité nationale formulée par le Premier ministre, en cette période de troubles. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le projet de loi de finances rectificative, préparé avec les principaux dirigeants de banques françaises, présenté par Christine Lagarde et Éric Woerth, et que le Sénat examine en ce moment même pour une promulgation dès la fin de cette semaine, accorde une garantie « payante » des prêts interbancaires à hauteur de 320 milliards d'euros et permet de consacrer jusqu'à 40 milliards d'euros à la recapitalisation des banques en difficulté.
Sauver notre système financier, c'est sauver l'épargne des Français, mais c’est également…
M. Roland Muzeau. Sauver les prédateurs !
M. Jean-Pierre Decool. …sauver l'investissement de nos entreprises, et ainsi réduire les conséquences que pourrait avoir la crise sur le pouvoir d'achat et, surtout, sur l'emploi des Français.
Sur le terrain, en Flandres, j'entends l'inquiétude grandissante des Français pour leur emploi.
M. Patrick Roy. Eh oui ! le chômage monte !
M. Jean-Pierre Decool. Bien que notre taux de chômage soit au plus bas depuis vingt-cinq ans, cette préoccupation partagée par la plupart de nos concitoyens est légitime en cette période de difficultés majeures et de crise de confiance.
Monsieur le secrétaire d’État, les mesures essentielles de refinancement de notre économie ayant été prises, comment le Gouvernement compte-il agir spécifiquement en faveur de l'emploi ? Quelles solutions envisage-t-il pour répondre aux interrogations des Français sur leur avenir et minimiser les impacts de la crise sur les créations d'emplois ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. Roland Muzeau. Le permis de conduire à un euro ?
M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi. Monsieur le député, vous avez raison : face à une crise internationale d’une ampleur inédite, le cap du Gouvernement reste le même : protéger au mieux l’économie réelle.
M. Maxime Gremetz. Arrêtez !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. En la matière, vous l’avez rappelé, l’urgence est d’abord de limiter l’incendie sur la place financière et bancaire nationale. Il s’agit de sauver les banques non pas pour sauver les banques, mais pour sauver notre économie et nos emplois parce que, sans financement, nos entreprises ne pourront pas se développer et les emplois de demain seront compromis.
Grâce à l’action du Président de la République, le plan exceptionnel que vous avez adopté hier, avec l’abstention – et je le regrette – de certains députés ici présents, nous avons repris de la lisibilité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il nous reste maintenant à travailler sur le chantier de l’emploi.
Depuis plusieurs semaines, à la demande du Premier ministre et du Président de la République, nous travaillons aux côtés de Christine Lagarde à l’élaboration d’un plan d’action sur le front de l’emploi. Ce plan d’action se déclinera selon trois volets principaux.
Premièrement, nous voulons poursuivre les réformes de structures qui doivent nous permettre de changer le visage de notre politique de l’emploi. Il ne s’agit pas de faire de la gestion conjoncturelle médiatique poudre aux yeux ; il s’agit de continuer les réformes de structures. Je pense notamment à la réforme de la formation professionnelle ou encore à la mise en place du nouvel opérateur pour l’emploi issu de la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC qui avait été retardée depuis trop longtemps, faute de courage politique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Deuxièmement, nous souhaitons mobiliser tous les outils de la politique de l’emploi quand des emplois sont en jeu, comme sur le territoire des Flandres auquel vous avez fait allusion. De la même manière que nous nous sommes rendus avec le Président de la République et avec Luc Chatel sur le site de Renault à Sandouville, (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR)…
M. Jean-Paul Lecoq. Parlons-en !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. …partout où nous aurons des difficultés, nous serons présents et nous utiliserons tous les outils de la politique de l’emploi pour faire face.
Cela étant je veux être clair : il ne s’agit pas de retomber dans les errances d’un traitement social du chômage.
M. Jean Glavany. Ah ! ah !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Il est hors de question d’utiliser des outils de l’emploi qui sont uniquement destinés à mettre sur des voies de garage des demandeurs d’emploi pour les retirer des statistiques ; il faut, au contraire, conduire une politique active d’accompagnement et de retour à l’emploi.
Troisièmement, nous ne voulons pas nous contenter de mener une politique défensive en matière d’emploi, mais bel et bien d’aller chercher les emplois de demain…
Plusieurs députés du groupe SRC. Avec les dents !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. …en matière de numérique, de service à la personne ou encore, avec Jean-Louis Borloo, d’emplois verts.
M. le président. Merci, monsieur le secrétaire d’État.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Ces mesures seront présentées dans les jours prochains. Nous traversons une tempête difficile, mais le Gouvernement se battra avec votre appui pour préserver le plus possible nos concitoyens. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Delatte, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Rémi Delatte. Madame la garde des sceaux, la semaine dernière, un mineur s’est suicidé à la prison de Metz. Un autre mineur, transféré de Metz à Strasbourg, est décédé hier soir, suite à une tentative de suicide. Ces événements, outre le caractère émotionnel qu’ils suscitent, rappellent combien le suicide, en particulier chez les jeunes, est, en France, un vrai problème de santé publique qui touche également le milieu carcéral.
Nous savons que vous avez réagi rapidement. Vous vous êtes rendue à la prison de Metz et vous avez rencontré aussitôt les magistrats et les personnels pénitentiaires. Vous avez également demandé à l’inspection générale judiciaire de vous faire un rapport pour comprendre les raisons qui avaient pu conduire ces mineurs au suicide.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer qu’elles ont été les conclusions de ces inspections et quelles mesures ont été prises afin de limiter le risque de suicide en prison et faire en sorte que ces drames ne se reproduisent pas ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Tout d’abord, je souhaite m’associer à la douleur des parents des deux adolescents qui se sont suicidés.
Le suicide d’un adolescent est un drame non seulement pour la société, mais aussi pour l’institution judiciaire. Je souhaite d’ailleurs rendre hommage à l’ensemble de l’administration pénitentiaire, souvent confrontée à de tels drames, qui exerce une mission difficile dans des conditions non moins difficiles. Je veux également témoigner tout mon soutien aux magistrats qui jugent tous les jours, et souvent dans l’urgence, des réalités complexes, notamment s’agissant de la délinquance des mineurs.
Après le drame, une inspection, dont je viens de recevoir les conclusions, a été diligentée pour connaître les circonstances ayant conduit au suicide. Tous les acteurs de l’institution judiciaire ont été auditionnés – non seulement les membres de l’administration pénitentiaire, les magistrats, notamment les plus hauts d’entre eux, mais également les gendarmes – afin de prendre toutes les mesures utiles pour prévenir le suicide, en particulier en prison. Ces auditions ont permis d’élaborer de nouveaux outils juridiques pour mieux aider les magistrats à prévenir la délinquance des mineurs. Le jour même, j’ai pris un décret faisant obligation de présenter à un magistrat du parquet tout mineur sur le point d’être placé en détention, obligation qui existe déjà pour une prolongation de garde à vue.
Après plusieurs condamnations et après avoir été interpellé par les gendarmes dans une cave, le mineur qui s’est suicidé à Metz avait été condamné à six mois d’emprisonnement. Le jour de l’audience, il n’était pas comparant. Ses parents ne se sont pas manifestés ; il n’avait pas d’environnement familial, pas d’adulte référent. Nous avons souhaité savoir si les magistrats avaient demandé à ce qu’il comparaisse avant de l’incarcérer, car ce n’est pas une obligation. Désormais, cela en sera une, car il est important que le magistrat puisse expliquer au jeune les raisons pour lesquelles il entre en prison et les conditions dans lesquelles il sera incarcéré.
Avec Roselyne Bachelot, nous avons souhaité anticiper la loi pénitentiaire et nous allons élaborer une « grille d’évaluation des risques suicidaires » adaptée aux mineurs, qui comportera des indicateurs de détection et sera diffusée dans l’ensemble des établissements pénitentiaires à compter du 1er novembre. Une telle grille existe aujourd’hui pour les adultes et c’est l’administration pénitentiaire qui l’adapte aux mineurs.
Je rappelle également que 6 000 agents sur 23 000 surveillants de l’administration pénitentiaire sont formés régulièrement à la prévention du suicide. En cinq ans, le taux de suicide a diminué de 20 % et nous souhaitons qu’il baisse encore.
Lorsqu’un suicide a lieu, c’est un échec pour tout le monde. C’est un problème douloureux pour la société et nous devons tous nous mobiliser pour éviter que de tels drames ne se reproduisent en prison. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Pascal Terrasse. Monsieur le président, avant d’interroger M. le Premier ministre sur la crise financière, je veux dire à Mme la ministre des sports que nous sommes d’accord avec elle...
M. Lucien Degauchy. Quand même !
M. Pascal Terrasse. ...pour condamner les actes qui se sont produits hier au Stade de France. Et si nous sommes également d’accord pour dire qu’il faudra vraisemblablement suspendre demain les matchs, en revanche nous n’approuvons pas qu’elle stigmatise un pays, et je pense ici à la Tunisie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et sur quelques bancs du groupe UMP.)
La première des choses que les ministres qui assistaient hier au match auraient dû faire c’est de sortir du stade.
M. Maxime Gremetz. C’est ce qu’avait fait Chirac !
M. Pascal Terrasse. Voilà l’exemple qu’il fallait donner aux jeunes présents dans le stade ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Jean-Marc Roubaud. Ce n’est pas la question.
M. Pascal Terrasse. J’en viens maintenant à ma question.
Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous changer votre politique économique et sociale ?
Notre pays est frappé par une crise financière sans précédent, laquelle est d’abord la crise d’un système économique à bout de souffle. Chacun sait ici qu’elle conduira inévitablement à une crise économique
M. Jean-Marc Roubaud. Bla-bla-bla !
M. Pascal Terrasse. Et, pour compléter le cycle traditionnel, la crise économique se transformera en crise sociale.
D’ores et déjà, le nombre de chômeurs augmente, sans compter que le nombre de défaillances d’entreprises est en forte croissance.
M. Lucien Degauchy. Demandez à Bernard Tapie d’arranger cela !
M. le président. Monsieur Degauchy !
M. Pascal Terrasse. Depuis plus de six ans que vous êtes aux responsabilités, vous avez démantelé un à un les filets de sécurité qui permettaient de protéger les salariés, notamment lors des plans sociaux. Vous avez vidé de leur contenu l’essentiel des outils les plus pertinents, comme le recours aux AFNE ou encore au dispositif de cessation progressive d’activité.
Vous le savez, les heures supplémentaires pour un petit nombre s’accompagnent d’un chômage structurel, en particulier pour les jeunes et pour les femmes. Le pouvoir d’achat diminue pour le plus grand nombre. Votre politique conduit à toujours privilégier les plus fortunés de nos concitoyens à travers le bouclier fiscal.
Sans compter que je ne suis pas certain que l’on ait bien lu les conclusions du Conseil européen du 7 octobre dernier sous présidence française.
M. le président. Monsieur le député, posez votre question, sinon Mme Batho n’aura pas le temps de poser la sienne.
M. Pascal Terrasse. Vous confirmez qu’il faut renforcer la concurrence sur les marchés des produits et des services ainsi que la poursuite énergique de la flexibilité du marché du travail.
M. Jean-Marc Roubaud. La question !
M. Pascal Terrasse. Où est le changement dans vos orientations politiques ?
Monsieur le Premier ministre, tant sur la scène internationale qu’européenne, il ne sert à rien d’accompagner les organismes financiers si vous poursuivez les politiques qui ont échoué. Vous êtes coupable et responsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi. Monsieur le député, oui nous allons traverser une période difficile en matière d’emplois.
M. Roland Muzeau. Sans blague !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Cela nécessitera que tous les responsables politiques cherchent ensemble les meilleures solutions pour nos concitoyens.
Permettez-moi de vous dire que je ne suis pas sûr que cette période soit propice à des instrumentalisations politiciennes (Protestations sur les bancs du groupe SRC), qui plus est de la part de quelqu’un que je connais bien et dont j’estime le travail sur le terrain. Je regrette donc vos propos en la matière. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Qui a eu le courage d’enclencher la réforme ANPE-ASSEDIC...
Mme Monique Iborra. Elle n’est pas encore mise en place !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. ...qui avait été reportée depuis vingt ans ? Cette majorité.
Qui a le courage de mettre sur la table la réforme de la formation professionnelle...
M. Patrick Roy. Parlons-en !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. ...dont on sait très bien qu’elle heurte un certain nombre de corporatismes ? Cette majorité.
Qui a le courage de mettre en place un meilleur accompagnement individualisé plutôt que de mettre les demandeurs d’emploi sur des voies de garage ? Cette majorité.
M. Jean Glavany. Vaniteux !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Qui a eu le courage de mettre en place des services à la personne qui permettent de travailler sur les nouveaux secteurs où nous pourrons trouver les nouveaux emplois, travail qui a été fait dans le prolongement de M. Jean-Louis Borloo ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, permettez-moi de vous dire que s’il est facile d’apostropher le Gouvernement dans l’hémicycle, il ne faut pas oublier les réalités de terrain. J’essaierai d’être à vos côtés quand nous aurons à travailler ensemble sur des dossiers locaux difficiles relatifs à des entreprises.
La semaine dernière, par exemple, nous nous sommes rendus à Sandouville, sur le site de Renault. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Roland Muzeau. Avec les CRS !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Nous avons essayé de travailler avec tous les élus locaux présents. Du reste, ils étaient tous présents, y compris ceux du parti communiste, sauf les élus locaux du parti socialiste (Exclamations et huées sur les bancs du groupe UMP) dont certains ont même argué un rendez-vous chez le dentiste...
M. Frédéric Cuvillier. N’importe quoi !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. ...alors que plusieurs milliers d’emplois étaient en cause. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas digne.
De même, alors que nous sommes dans une période de turbulence financière catastrophique, je ne comprends pas qu’on puisse laisser la voie à l’abstentionnisme. Dans une telle conjoncture, il n’y a pas de place pour l’abstentionnisme, mais pour des élus politiques résolument engagés pour l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe NC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Philippe Vitel. Madame la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, le plan maladies rares mis en place en 2005 s’achève le 31 décembre prochain. Il aura permis à plus de trois millions de patients souffrant d’une des 6 000 maladies orphelines connues – chiffre sans cesse en évolution – de briser le huis clos de l’invisibilité et, pour nombre d’entre eux, d’entrevoir l’espoir d’un véritable effort de recherche, d’une réelle formation des professionnels à leur prise en charge et à leur suivi, d’une aide concrète et d’une vraie reconnaissance pour les familles qui vivent ce drame au quotidien, l’espoir enfin de pouvoir bénéficier dans un proche avenir de traitements efficaces.
La semaine dernière, à l’occasion d’un symposium à Paris sur l’Europe et les maladies rares, le Président de la République s’est prononcé sur la nécessité de poursuivre nos efforts.
Madame la ministre, quels enseignements tirez-vous des avancées réalisées par ce plan ? Comment comptez-vous exaucer le souhait du Président de la République que ces formidables progrès se pérennisent ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le député, ce plan maladies rares, qui s’achève à la fin de l’année, a permis d’ouvrir 132 centres de référence, 475 centres de compétence, de lancer 75 programmes de recherche sur les maladies rares, dites encore maladies orphelines, et d’ouvrir une banque de données sur les maladies rares, Orphanet.
Tous ces dispositifs ont permis d’aider les malades, les familles, les associations que nous avons soutenus. Nous avons également voulu que cette prise en charge dépasse largement les produits couramment couverts par la sécurité sociale dans le cadre d’une autorisation de mise sur le marché – je pense en particulier au remboursement des crèmes écran total pour les enfants atteints de xeroderma pigmentosum.
Nous évaluerons ce plan en 2009 et un nouveau plan sera prêt avant fin 2009, conformément aux promesses du Président de la République.
La mobilisation en faveur du plan maladies rares ne s’arrête pas pour autant : 40 millions seront donnés aux centres de référence, 2,5 millions aux programmes de recherche clinique, 300 000 euros à Orphanet.
M. Roland Muzeau. En baisse !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Par ailleurs, se tiendra après-demain un séminaire sur le médicament orphelin en Europe et le mois prochain, un symposium européen sur les plans nationaux dédiés aux maladies rares. S’il est bien un domaine où l’Europe nous permet d’avancer car elle peut mettre ses ressources en réseau, c’est celui des maladies rares.
Permettez-moi à présent de répondre à M. Pascal Terrasse. Si le secrétaire d’État chargé des sports est resté hier au stade de France, c’est par respect pour la chanteuse franco-tunisienne Lââm, qui interprétait La Marseillaise et qui aurait pu ressentir ce départ comme un affront (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR, applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Delphine Batho. Madame la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, 61 % des Français considèrent l’existence de fichiers contenant des informations personnelles comme une atteinte à la vie privée. Concernant ces fichiers, plusieurs affaires récentes illustrent de graves dérives qui portent atteinte au respect des libertés dans notre pays. Nos services de renseignements accomplissent une mission indispensable pour la sécurité nationale mais la question de leur contrôle démocratique est désormais posée afin d'éviter toute dérive, toute suspicion ou toute manipulation.
À la suite de la mobilisation citoyenne contre le fichier Edvige, vous avez refusé le principe d'une loi pour encadrer les fichiers comme les pratiques des services de renseignements. Vous avez présenté un nouveau décret, « Edvige 2 », qui ne tient pas compte de toutes les recommandations de la commission des lois de l’Assemblée nationale et maintient des dispositions contraires aux principes républicains puisqu'il autorise le fichage des origines ethniques ou raciales, celui des opinions politiques, philosophiques ou religieuses, celui de l'appartenance syndicale des personnes ou encore celui des mineurs à partir de treize ans, même lorsqu’ils n'ont commis aucun délit. C'est pourquoi votre décision continue de susciter des protestations, comme le montrent les rassemblements organisés demain à l'occasion de la Sainte-Edwige.
Madame la ministre, si vous pensez, comme nous, qu'il faut mettre fin à ces pratiques d'un autre âge, si vous pensez, comme nous, que nos policiers ont mieux à faire que d'enquêter sur la vie privée des responsables politiques ou de ficher les opinions et les origines de tout un chacun, si vous pensez, comme nous, que les agissements de certaines officines sont inacceptables, pourquoi ne retirez-vous pas les décrets sur le fichier Edvige et n'acceptez-vous pas un débat parlementaire débouchant sur l'adoption d'une loi ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Dans votre intérêt comme dans celui des policiers, ce serait la voix de la sagesse et l'occasion d'accomplir un progrès démocratique, qui pourrait, j’en suis certaine, recueillir l'adhésion de tous les députés de cette assemblée.
Madame la ministre, nous vous demandons d'accepter ce débat et cette loi pour la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur divers bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Madame Batho, premièrement, je tiens à le répéter, le fichier Edvige était purement et simplement la reprise de l’ancien fichier des Renseignements généraux créé par décret en 1991 par M. Rocard, reprise accompagnée de précisions juridiques en raison de l’évolution des lois. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’insiste sur ce point : le fichier des renseignements généraux a bien été créé en 1991 par décret, ce qui signifie que la gauche semblait alors moins sourcilleuse sur la question de savoir s’il fallait une loi qu’elle ne feint peut-être de l’être aujourd'hui. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Deuxièmement, tenant compte d’inquiétudes à mes yeux non fondées mais qui existaient, j’ai pris la décision de supprimer ce qu’on appelait le « fichier des personnalités » – ce qui vous contredit. Il n’y a plus de fichier des personnalités ni non plus d’indications personnelles sur les idées politiques, les préférences sexuelles ou la santé ; cela est expressément précisé dans le projet de décret. Ce que vous dites est donc totalement dépassé.
Votre troisième erreur, madame Batho, porte sur le travail que le Gouvernement a effectué avec la commission des lois. À cet égard, je remercie son président, M. Warsmann, du véritable travail de coproduction que nous avons accompli et je rappelle que toutes les recommandations de la commission des lois – ce qui ne signifie pas d’un seul membre de cette commission ! – ont été reprises. Oui, j’ai écouté la commission des lois et j’ai repris dans le décret ses recommandations formulées en tant que telles.
Enfin, madame Batho, je tiens à vous signaler que, préoccupée au moins autant que vous de l’utilisation qui pourrait être faite de certains fichiers ou de leur composition, j’ai redynamisé la commission de contrôle des fichiers. Elle a tenu sa première réunion la semaine dernière en vue de revoir les conditions de constitution et d’accès à l’ensemble des fichiers. Voilà qui devrait vous rassurer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.- Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une lettre l’informant de sa décision de charger M. Pierre Bédier, député des Yvelines, d’une mission temporaire auprès de M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (nos 955, 1133, 1125).
M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 84 à l’article 9.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 84 et 717.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour soutenir l’amendement n° 84.
M. Christian Jacob, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Il s’agit simplement, à l’alinéa 3, après le mot « objet », d’insérer les mots : « d’une évaluation et ». Notre collègue Paternotte est à l’initiative de cet amendement, repris par les membres de la commission dans leur très grande majorité.
M. le président. Qu’en est-il de l’amendement n° 717, monsieur Letchimy ?
M. Serge Letchimy. Il est défendu.
(Les amendements identiques nos 84 et 717, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 853.
La parole est à M. Daniel Paul.
M. Daniel Paul. Monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, madame la secrétaire d’État chargée de l’écologie, vous savez notre souci d’être le plus fidèles possible aux conclusions des négociations tenues il y a environ un an. Or il nous semble, en ce qui concerne l’alinéa 4, qu’il convient de nous montrer précis. Cette nuit déjà,…
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Et même ce matin !
M. Daniel Paul. …ce matin, vous avez raison, puisque la séance a été levée à trois heures moins dix, ce passage a été discuté.
L’amendement vise donc à reprendre les conclusions du Grenelle de l’environnement. J’extrais du relevé de ses conclusions la phrase suivante : « La capacité routière globale du pays ne doit plus augmenter, sauf pour éliminer des points de congestion et des problèmes de sécurité ou d’intérêt local, ce principe s’appliquera avec bon sens. »
Il convient donc, j’insiste, que le texte reste fidèle aux conclusions du Grenelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Jacob, rapporteur. Avis défavorable.
M. Daniel Paul. C’est une trahison des engagements du Président de la République !
M. Christian Jacob, rapporteur. Pas du tout, il s’agit d’une question de rédaction. Le texte prévoit que « l’État veillera à ce que l’augmentation des capacités routières soit limitée au traitement des points de congestion », tandis que vous proposez que l’État veille « à ce que la capacité routière globale du pays n’augmente plus, sauf pour éliminer les points de congestion ». Je trouve la rédaction initiale beaucoup plus fluide.
(L'amendement n° 853, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 85 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Jacob, rapporteur. Cet amendement vise, à l’alinéa 4, à substituer aux mots : « favorisant une approche multimodale », les mots : « multimodale et intégrée ». Daniel Paul est à l’initiative de cette proposition qui a recueilli l’assentiment des députés de tous bords.
M. Daniel Paul. Il s’agit d’un amendement de consensus !
(L'amendement n° 85 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 86 et 952.
La parole est à M. Yanick Paternotte.
M. Yanick Paternotte. Ces amendements complètent celui que nous venons d’adopter sur l’évaluation en précisant que toute politique en matière de nouveaux transports doit respecter l’environnement des riverains.
Comme j’ai eu l’occasion de le souligner, au cours de la dernière séance de nuit, on peut se féliciter du retour de l’État stratège en matière de transports, mais il serait souhaitable qu’émerge l’État protecteur, conformément au préambule de la Constitution et aux directives européennes qui, je le rappelle, précisent que tout citoyen a droit à un environnement de qualité. En effet, sans évaluation préalable, il n’y a pas de politique de transports crédible ; sans protection des riverains lors de la construction de nouvelles infrastructures ou de la rénovation d’anciennes, il n’y a pas de politique de développement durable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis favorable sous réserve d’apporter une rectification qui, reprenant la formulation d’un autre amendement du rapporteur, aboutirait à la rédaction suivante : « en limitant les impacts sur l’environnement des riverains. »
M. le président. Acceptez-vous cette rectification, monsieur le rapporteur ?
M. Christian Jacob, rapporteur. Un amendement ultérieur reprend effectivement la rédaction proposée par le Gouvernement.
M. Yanick Paternotte. Très juste !
M. Christian Jacob, rapporteur. La proposition du Gouvernement a l’avantage d’harmoniser les deux. Si le président de la commission en est d’accord, je l’accepte volontiers.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le président de la commission est d’accord !
(Les amendements identiques nos 86 et 952, tels qu’ils viennent d’être rectifiés, sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 283 et 322, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement n° 283 fait l’objet d’un sous-amendement n° 1370.
La parole est à M. Jean-Paul Decool, pour soutenir l’amendement n° 283.
M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Alfred Trassy-Paillogues, pour soutenir le sous-amendement n° 1370.
M. Alfred Trassy-Paillogues. Le sous-amendement n° 1370 propose que les projets qui ont déjà fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique soient poursuivis. On peut à ce titre évoquer un projet que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d’État, à savoir le prolongement de l’autoroute A 150 entre Barentin et Croixmare, particulièrement dangereux puisqu’on relève plusieurs morts par an sur ce tronçon emprunté chaque jour par plus de 20 000 véhicules. Les travaux auraient déjà commencé s’il n’y avait pas eu une erreur de procédure de la part de l’administration.
Il serait donc dommage que cette erreur de procédure remette en cause un projet attendu par la population, qui ne concurrence pas le secteur ferroviaire, loin s’en faut, et constitue un élément structurant à la fois en matière de déplacements mais surtout pour ce qui est du développement économique.
M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 322.
M. Christophe Guilloteau. Hier soir, chacun a défendu son territoire selon ses convictions et la politique d’aménagement du territoire qui y est menée. Cet amendement entend compléter l’alinéa 4 de l’article 9 afin qu’après négociation entre les différents partenaires, on privilégie la requalification.
Je le constate dans ma circonscription où sont prévus trois projets autoroutiers – l’A 45, le contournement ouest et l’A 89. En ce qui concerne l’A 45, je souhaite que l’on requalifie la structure autoroutière existante. Quant aux problèmes survenus ces derniers jours sur l’A 89, à propos de laquelle le commissaire du Gouvernement a estimé que la procédure n’avait pas été opportune, ils n’auraient pas eu lieu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements et sous-amendement ?
M. Christian Jacob, rapporteur. La commission les a repoussés pour des raisons de droit. En effet, le déclenchement d’une DUP n’oblige pas à poursuivre le projet et c’est donc la législation en vigueur qui nous bloque. Aucun de ces amendements, je crois, n’a été examiné en commission. Je n’en ai eu connaissance que dans le cadre de l’application des articles 88 ou 91 du règlement. Nous avons repris la législation en vigueur et c’est à ce titre que la commission rejette ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Même avis.
(Le sous-amendement n° 1370 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 283 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 322 n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 679.
La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Il n’est pas question, bien sûr, de proposer des dizaines d’amendements de ce type. Néanmoins – un précédent amendement l’évoquait déjà –, le texte dispose que « l’État veillera à ce que l’augmentation des capacités routières soit limitée au traitement des points de congestion, des problèmes de sécurité ou des besoins d’intérêt local ». M. Cochet le soulignait : il y a de tout dans cette disposition.
L’autoroute A 32, par exemple, vient doubler, entre Toul et Luxembourg, l’actuelle autoroute A 31. Ainsi, une autoroute concédée payante double une autoroute gratuite. À mon avis, peu de personnes quitteront une autoroute gratuite pour prendre une autoroute payante. Pourquoi dès lors ne pas aménager une autoroute existante en trois voies ?
Je ne développe pas plus avant cet exemple local, mais je voudrais, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, que vous nous indiquiez très précisément ce que vous ferez des projets déjà engagés et qui, finalement, ne présentent aucune nécessité – c’est du moins l’avis de certains d’entre nous et en particulier au sein de ma région ? Quand allez-vous déterminer les points de congestion, les problèmes de sécurité et les besoins d’intérêt local ? Si vous ne le précisez pas, nous voterions une loi qui ne s’appliquerait qu’au cas par cas – c’est-à-dire, en somme, le contraire d’une loi ! –, en fonction de la pression exercée par certains élus pour créer une autoroute ou au contraire pour s’opposer à sa construction.
À partir des exemples que je viens de citer, monsieur le secrétaire d’État, nous souhaitons connaître la position générale du Gouvernement.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Très bien, je vais y revenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Jacob, rapporteur. Monsieur Le Déaut, le cadre général est défini à l’alinéa 4 de l’article 9. La commission repousse donc cet amendement. Il ne revient en effet pas à la loi de prévoir le retrait de tel ou tel projet routier.
En revanche, je suis tout à fait sensible à l’argumentation que vous venez de développer. Mais je vais laisser à M. le secrétaire d’État le soin de vous annoncer l’avenir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Je remercie beaucoup M. Le Déaut de poser, à travers cet amendement, la question de savoir comment les choses vont se passer.
Si tout se passe bien, ce projet de loi sera adopté, et dans un second temps, nous en viendrons à un Grenelle 2, c’est-à-dire à un texte qui sera plus un texte d’application.
En ce qui concerne l’ensemble des infrastructures, qu’il s’agisse des TGV, des investissements fluviaux, de la desserte de nos ports, ou de nos routes et autoroutes, tout ce qui sera retenu le sera dans un schéma national des infrastructures. Et naturellement, nous avons déjà indiqué à la commission des affaires économiques que nous trouverons les moyens – même si je ne sais pas encore si le texte sera d’ordre réglementaire ou législatif – d’associer le Parlement.
Vous avez bien fait, monsieur Le Déaut, de prendre un exemple qui vous est cher – dans tous les sens du terme –, mais pour l’instant, nous ne souhaitons pas prendre position par rapport à tel ou tel investissement. Je le dis à tous les parlementaires ici présents. Le moment n’est pas venu. Mais nous enregistrons, bien évidemment, les préoccupations de l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Pierre Lang.
M. Pierre Lang. Je voudrais prendre le contre-pied de M. Le Déaut, non pas pour une raison politicienne, mais parce que son analyse ne me semble pas juste.
Cet axe Luxembourg-Nancy-Toul supporte la totalité du flux entre le nord et le sud de l’Europe. C’est une file ininterrompue de camions, qui circulent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, l’un derrière l’autre. Cela rend cette autoroute extrêmement dangereuse.
C’était naturellement un enjeu politique lors des dernières élections régionales. Mais ce n’est pas l’enjeu politique qui me motive. Je pense que c’est une autoroute extrêmement meurtrière à cause de cette sur-densité de véhicules.
Alors, évidemment, on pourrait se poser la question de savoir pourquoi, un jour, une autoroute à concession, et un autre, une autoroute gratuite. Je pense qu’il est de toute façon certain que, dans un avenir proche ou lointain, toutes les autoroutes, d’une manière ou d’une autre, supporteront une contribution de la part des utilisateurs.
M. Daniel Paul. Il faut les nationaliser.
M. Pierre Lang. C’est pour cela que le choix de cet exemple précis n’est pas particulièrement judicieux. Nous militons, et nous continuons à militer, en Lorraine, pour le doublement de cette autoroute.
M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
M. Jean Dionis du Séjour. Nous sommes devant un débat de fond, qui rejoint la question que posait hier notre collègue Yves Cochet : le filtre que vous mettez en place, monsieur le secrétaire d’État, sert-il à quelque chose ou est-il inopérant ?
La question que vous a posée Jean-Yves Le Déaut est très importante. Il s’agit de savoir, finalement, comment vous allez mettre en œuvre le basculement du routier vers le ferroviaire, et comment vous allez gérer les dérogations.
Votre réponse, c’est le schéma national des infrastructures. C’est une réponse. Mais le diable est dans les détails : comment sera instruite la procédure qui partira des territoires et qui sera arbitrée au niveau national ? C’est à ce niveau que l’on verra si c’est vous, monsieur le secrétaire d’État – ce que je souhaite – ou M. Yves Cochet qui aura eu raison dans ce débat.
Par ailleurs, monsieur le président, nous avions deux amendements importants, notamment l’amendement n° 908 rectifié. Ils n’ont pas été appelés. Mon collègue Folliot était absent, mais j’étais là.
Mon collègue Folliot va donc se permettre de présenter un sous-amendement, pour que cette notion d’enclavement des territoires, qui est majeure, fasse partie du logiciel, du filtre qui permettra de traiter les dérogations.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je voudrais répondre très brièvement, après ce que vient de dire M. Dionis du Séjour.
Vous nous avez dit, monsieur le secrétaire d’État, que le Parlement serait associé à la rédaction du schéma national des infrastructures. C’est une bonne chose, mais je crois qu’il nous faudra trouver un mode d’association qui nous permette, sur des dossiers, de poser la question des autoroutes.
Il convient de développer les autoroutes ferroviaires entre le nord et le sud de l’Europe, et d’arrêter le trafic des camions le long de cet axe. Ce trafic passe par l’Alsace, mais en raison de l’instauration d’une taxe sur les camions, il s’est reporté en Lorraine. Et si nous instaurions une taxe à notre tour, le trafic se reporterait en Champagne-Ardenne. Ce n’est pas la solution. Et ce n’est pas en créant de nouvelles autoroutes que nous traiterons cette question.
Par contre, faire des routes à trois voies ou désenclaver des régions, c’est un autre sujet. Il faut, à cet égard, des moyens de crible qui soient très clairs. Malheureusement, on ne voit pas dans ce texte – mais je ne dis pas que c’était facile à faire – dans quelle direction exacte on va aller en ce qui concerne l’autoroutier.
En tout cas, nous souhaitons, nous, développer les autoroutes ferroviaires – et il y avait un amendement à ce sujet, monsieur le rapporteur – entre le nord et le sud de la France.
M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez.
Mme Henriette Martinez. Je voudrais revenir sur une question de fond, celle du désenclavement, une question que l’on ne peut ignorer quand on se demande s’il faut construire des autoroutes ou pas dans notre pays.
Pour ma part, j’avais déposé un amendement – je suis arrivée trop tard pour le défendre, et je vous prie de m’en excuser –, qui prévoyait qu’une autoroute commencée, qui a déjà fait l’objet d’un avis de la Commission nationale du débat public, doit être poursuivie.
Vous parliez tout à l’heure, mon cher collègue, de désenclaver des territoires. L’ex-DATAR, dans un rapport datant déjà de quelques années, disait qu’un territoire mal desservi est un territoire sans avenir.
C’est le cas d’un certain nombre de territoires de notre pays, dont les Hautes-Alpes, par exemple, où il manque aujourd’hui 90 kilomètres pour finir une autoroute commencée il y a plus de vingt ans. Un département qui a été classé par la DATAR comme le plus enclavé de France, le seul qui soit en niveau 4, où l’on est à plus d’une heure et demie d’une gare TGV, d’un aéroport ou d’une autoroute, attend depuis plus de vingt ans 90 kilomètres d’autoroute. Et si le débat idéologique est ici posé, j’y réponds, moi, par des considérations pratiques.
M. Jean-Claude Lenoir. Bravo !
Mme Henriette Martinez. Pourquoi l’État, qui a décidé de cette autoroute il y a vingt ans, qui a confirmé cette décision par la Commission nationale du débat public il y a deux ans – et non il y a cent ans – se désengagerait d’un tracé autoroutier commencé et non achevé, laissant un territoire complètement enclavé ? De surcroît, ce tracé était prévu pour être également un axe Nord-Sud, car il devait doubler l’axe rhodanien.
Alors, la proximité avec l’Italie, l’axe Nord-Sud, le désenclavement du département le plus enclavé de France, tout cela mérite autre chose que des considérations idéologiques. Et je voudrais que tous ceux qui défendent de telles considérations viennent toutes les semaines dans les Hautes-Alpes, et puis nous en reparlerions ! Parce que moi, j’y viens, en ce moment, à Paris, et sur des béquilles, et je peux vous dire que je souffre. Mais nous en souffrons tous, sur le plan économique et touristique. Et l’on ne peut pas nous demander de faire du développement local tant que l’État nous abandonne dans cette situation.
Alors, je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir entendre cela. Parce que je sais qu’au début de l’année prochaine aura lieu la revue générale des projets autoroutiers. Et je vous demande instamment – instamment – que ce projet voulu par l’État, avec les deux objectifs que je viens d’énoncer, engagé depuis plus de vingt ans et inachevé, voie enfin sa réalisation. Je vous assure que pour les Haut-alpins, et pour toute la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui attend ce désenclavement entre Marseille et Grenoble, c’est une situation catastrophique et inacceptable. Je vous remercie de bien vouloir l’entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Ce que vient de dire notre collègue est tout à fait vrai. Je ne vais pas redire ce que j’ai dit hier soir, mais cette problématique relative au développement de nos territoires est essentielle, et doit prendre en compte la nécessité de leur désenclavement de la manière la plus large qui soit et en intégrant toutes les composantes du problème.
Bien sûr, le ferroviaire est fondamental, l’aérien est important, mais le routier ne doit pas être négligé.
Je pourrais aussi parler de la liaison Castres-Toulouse. Castres-Mazamet est la seule agglomération de 100 000 habitants qui ne dispose ni d’autoroute, ni de gare TGV, ni d’aéroport international. Comment voulez-vous asseoir le développement d’un bassin d’emplois et d’un territoire si vous êtes complètement à l’écart, non pas d’un axe, mais de tous les axes de communication ?
Il y a une règle générale que nous partageons, éminemment positive, essentielle, que ce projet de loi va acter, et que nous ne pouvons que soutenir, mais il y a malheureusement quelques exceptions, pour quelques parties du territoire national. Il nous paraît essentiel et fondamental d’en tenir compte.
M. le président. La parole est à M. Philippe Duron.
M. Philippe Duron. Je voudrais rappeler deux choses.
Nous sommes tous favorables, je crois, au transfert modal, et à un transfert modal puissant. Nous savons tous qu’il nécessitera beaucoup d’efforts et un peu de temps. Nous savons également, et cela a été indiqué par le Conseil général des ponts il y a maintenant trois ans dans sa première étude de prospective à cinquante ans, que malheureusement, avec la vitesse acquise, le transport routier se développera encore : jusqu’en 2025, disait-il. C’était avant le choc énergétique. Sans doute faut-il réviser à la baisse ces chiffres. En tout cas nous pouvons l’espérer. Mais ne nous faisons pas d’illusions : il nous faudra du temps pour parvenir à corriger cette suprématie du transport routier.
Il me semble aussi qu’il faut achever les projets commencés, et donner à la route plus de confort et plus de sécurité. J’ai le souvenir qu’il y a deux ou trois ans, la sécurité routière était une grande cause nationale. Il ne convient pas de l’abandonner.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, je crains que le débat ne dérive. Et en tant que président de commission, j’ai le devoir de rappeler aux uns et aux autres que nous devons examiner ici un texte de loi.
Je comprends que chacun ait envie de parler de son département, de son territoire. Mais nous ne sommes pas là pour cela. Nous sommes là pour faire une loi d’orientation, qui fixe des orientations d’intérêt général et qui ne traite pas dans le détail des sujets des départements concernés.
Mme Henriette Martinez. Ce sont des exemples !
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tous les itinéraires des liaisons futures, qu’elles soient ferroviaires ou routières, relèvent du Grenelle 2, qui sera une loi d’application, et non pas du présent projet de loi. La seule exception est l’article 13, dont nous n’avons pas encore commencé l’examen.
Je vous demande donc, monsieur le président, que l’on en revienne, comme le règlement le prévoit, aux amendements qui ont un rapport direct avec le texte que nous étudions. Pourquoi ? Tout simplement parce que nous devons prendre aujourd’hui la décision de siéger vendredi, toute la journée, et probablement toute la nuit. Il nous reste encore 1 400 amendements. Et j’espère que ceux qui ont à cœur de défendre les sujets qu’ils observent aujourd’hui seront avec nous dans la nuit de vendredi à samedi pour nous aider à achever l’examen de ce texte. Il nous manque 62 heures de débat. Il faut que nous trouvions ces heures. Malgré tous les appels que nous avons lancés, les uns et les autres – et je remercie l’opposition, comme la majorité, d’avoir fait des efforts de concision –, il nous manque encore 62 heures de débat.
Monsieur le président, il est de mon devoir de président de commission de me tourner vers vous, de me tourner vers les groupes, et de dire que nous ne finirons pas ce texte si nous ne faisons pas des efforts. Et ces efforts impliquent que l’on s’en tienne strictement au texte et aux amendements en discussion,…
Mme Henriette Martinez. C’est ce que nous faisons !
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. …et que l’on évite les développements que l’on voudrait faire mais qui n’ont pas de rapport direct avec les amendements.
Je souhaite, mes chers collègues, que vous fassiez ces efforts pour que nous puissions terminer, si possible, dans la nuit de vendredi à samedi.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Je voudrais redire à M. Folliot – mais il m’a déjà entendu cette nuit, ou plutôt ce matin – et à tous les députés, deux choses.
Premièrement, le Grenelle de l’environnement, en matière routière, est clair : priorité est donnée aux modes de transport alternatifs à la route, mais nous évoquons aussi la congestion, la sécurité – dont vient de parler Philippe Duron –, ainsi que l’aménagement du territoire. Cela est clair et c’est dans le texte.
Deuxièmement, comme je l’ai dit à M. Le Déaut, et je le répète – mais par la suite, je ne répondrai plus individuellement sur chaque lieu, parce que ce n’est pas l’objet de ce texte –, un schéma des infrastructures routières sera soumis au Parlement, qui en débattra.
Les préfets de régions ont reçu récemment une circulaire que nous avons signée avec Jean-Louis Borloo et Hubert Falco. Vous serez consultés sur les aménagements routiers. Les préfets nous enverront ensuite leurs propositions dans le cadre des PDMI, afin que nous puissions faire des choix.
Madame Martinez, je connais vos préoccupations, ainsi que celles du département voisin des Alpes-de-Haute-Provence. J’ai proposé aux élus d’aller avec eux sur le terrain, avant les fêtes de fin d’année, afin de faire le point et d’envisager ce qui sera inscrit dans le schéma national d’infrastructure.
(L'amendement n° 679 n'est pas adopté.)
M. Daniel Paul. Rappel au règlement !
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 535.
La parole est à M. Franck Reynier.
M. Franck Reynier. L’amendement vise à impliquer davantage les fournisseurs de carburant dans la maîtrise des consommations de carburants, comme cela se fait pour les certificats d’économies d’énergie pour le gaz, le fioul ou l’électricité.
L’amendement tend donc à compléter l’article 9 par l’alinéa suivant : « Les fournisseurs de carburant devront conduire des actions visant à maîtriser la consommation de carburant. »
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Jacob, rapporteur. Je n’étais pas convaincu par la place de l’amendement. Mais, comme je n’en ai pas trouvé de meilleure et que l’idée me semble bonne, je suis favorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
M. Daniel Paul. J’ai entendu les propos du président de la commission et ceux de M. le ministre concernant le déroulement de nos débats.
Tout le monde s’accorde ici pour considérer que le texte sur le Grenelle de l’environnement est important, ce qui ne préjuge pas du tout de notre vote, le moment venu, sur son contenu.
Mais je ne peux pas laisser dire qu’il faudrait aujourd’hui accélérer la discussion, pour quelque raison que ce soit. Le texte est suffisamment important pour que l’on y consacre le temps nécessaire, afin d’aller au fond des choses.
Les députés communistes n’ont jamais eu l’intention de traîner. Il y a une vie ailleurs que dans cet hémicycle pour les députés que nous sommes, …
M. Jean Dionis du Séjour. Tout à fait !
M. Daniel Paul. …dans nos circonscriptions et dans de nombreuses autres instances.
Je conçois également que la priorité soit législative, car c’est dans cet hémicycle que cela se passe. Mais je constate que nous avons commencé l’examen de ce texte avec du retard sur l’ordre du jour initial, …
Plusieurs députés du groupe UMP. La faute à qui ?
M. Daniel Paul. …que ce dernier est « mité » par des textes supplémentaires, qui n’étaient pas prévus, qu’hier – et je peux le comprendre – nous avons passé des heures à discuter de la crise financière, ce qui est normal, et que nous devons commencer lundi prochain l’examen de la loi de finances – la Constitution le prévoit ainsi. Je pense que, sauf à siéger durant le week-end, y compris dimanche, nous ne parviendrons pas à discuter de façon suffisante sur le Grenelle de l’environnement. C’est vous, monsieur Bussereau, et vous, madame Kosciusko-Morizet, ainsi que le Gouvernement, qui portez la responsabilité des difficultés que nous rencontrons tous aujourd’hui, pour avoir conçu un ordre du jour comme celui-là, qui est intenable, pour vous comme pour nous !
M. Alain Gest. Et les motions de procédure, c’est nous, sans doute, qui les avons déposées !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur
M. Christian Jacob, rapporteur. Je voudrais revenir sur le point des réseaux routiers, évoqué tout à l’heure par M. Ollier.
Le quatrième alinéa de l’article 9 fixe trois objectifs de fond, d’orientation générale, prévoyant la limitation des capacités routières au traitement des points de congestion, des problèmes de sécurité et des besoins d’intérêt local.
À partir de là, cela permettra ensuite dans le cadre du Grenelle 2, aux uns et aux autres, de justifier du maintien ou du retrait de tel ou tel projet, comme nous y invitait tout à l’heure M. Le Déaut.
Restons sur un texte d’orientation et continuons à travailler à un bon rythme, comme nous l’avons fait jusqu’à maintenant. Nous avons tenu, je le rappelle, vingt réunions de commission et vous faites partie, monsieur Paul, de ceux qui ont participé à toutes.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Avec M. Chassaigne !
M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.
M. Guy Geoffroy. Je ne voudrais pas rallonger le débat, mais, la commission ayant donné un avis favorable à l’amendement n° 535, je suggérerai, avec l’accord de son auteur, que l’on allège le texte, car le mot « carburant » figure deux fois.
Je vous propose donc de rédiger ainsi l’amendement : « Les fournisseurs de carburant devront conduire des actions visant à en maîtriser la consommation. »
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
M. Noël Mamère. Je voudrais répondre à M. Jacob et aller dans le sens des propos de M. Daniel Paul.
Le programme qui nous est proposé est tellement surchargé qu’il effraie même le Gouvernement et sans doute le ministre chargé des relations avec le Parlement. Il me semble que la moindre des choses est que nous prenions notre temps sur un sujet que vous désigniez vous-même comme essentiel et prioritaire.
Monsieur le rapporteur, ce que vous venez de nous dire sur les aménagements routiers, c’est ce que l’on répète depuis cinquante ans. Tous les élus veulent leur contournement. Ils veulent tous désengorger, désenclaver. Nous entendons ces mots depuis un demi-siècle. Or, vous semblez ignorer qu’entre le moment où l’on envisageait des désenclavements, des désengorgements, et la période actuelle, le baril de pétrole est passé de 30 à 140 dollars. En conséquence, il n’est pas possible de répéter les mêmes lieux communs, qui justifient des équipements routiers avec le baril de pétrole à un tel tarif.
Je n’évoquerai pas, comme d’autres de mes collègues, des cas dans ma circonscription. Je citerai seulement dans ma région le cas débile de l’autoroute A 65, voulue par les élus de la gauche comme de la droite.
M. le président. Nous sommes à cent lieues de l’amendement.
M. Noël Mamère. Non, pas du tout ! Pour cette autoroute, nous constatons maintenant une demande de rallonge de 300 millions d’euros. Le montage financier prévu est opaque, douteux, et nous ne parvenons pas à obtenir d’informations sur celui-ci. Toutes les conditions me semblent réunies pour que l’on s’inquiète de ce projet.
Vous nous renvoyez, monsieur Jacob, au Grenelle 2. Or personne ne sait quand il aura lieu : à coup sûr, quand cela fera mal ! (« Mais non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Comme il y a une crise économique, on reporte aux calendes grecques la réponse à la crise écologique.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est sans rapport avec l’amendement !
M. Noël Mamère. Nous ne savons pas quand le Grenelle 2 sera programmé. En réalité, vous êtes en train de nous amuser.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas acceptable !
M. Noël Mamère. Comme l’a dit M. Minc, ami du Président de la République, concernant le Grenelle de l’environnement : …
M. le président. Mon cher collègue, vous vous êtes exprimé. Nous allons maintenant passer au vote de l’amendement n° 535.
M. Noël Mamère. …« Le Grenelle de l’environnement était organisé pour amuser les écologistes et permettre de vendre le nucléaire. » Si c’est ce que vous voulez nous faire faire, vous vous trompez ! » (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 535, tel qu'il vient d'être rectifié est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 574.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. L’amendement n° 574, cosigné par trente-cinq autres collègues, traite du télétravail.
Quotidiennement, des millions de Français utilisent leur automobile ou leur moto afin de parcourir les trajets domicile-travail-domicile, rejetant ainsi du dioxyde de carbone dans l'atmosphère en très grande quantité, et allant jusqu'à créer des « pics de pollution » aux heures de pointe.
Trop peu répandu en France, le télétravail permet, par le travail à distance et l'utilisation de technologies de l'information, d'éviter le déplacement de très nombreux salariés dont le travail peut-être réalisé à domicile, lorsque ceux-ci le souhaitent – et de réduire ainsi considérablement les émissions de dioxyde de carbone.
Le Grenelle de l'environnement doit poser les bases du développement du télétravail, à ce jour quasi-inexistant en France, tant dans la pratique que dans les textes législatifs.
Je suis très sérieux, mes chers collègues. Si vous adoptez cet amendement, vous validerez une déclaration d’intention de portée générale et nationale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Jacob, rapporteur. La commission est favorable sur le principe à cet amendement.
Mais je pense qu’il est mal placé. Je vous propose donc de déposer un sous-amendement à l’amendement n° 681 à l’article 12. Cela s’insérera beaucoup mieux dans le texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Avis favorable, sous réserve de son déplacement.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat.
Mme Frédérique Massat. Je me félicite, au nom du groupe socialiste, de l’avis favorable donné à cet amendement. Il était, en effet, un peu anormal qu’il ne soit pas fait mention des nouvelles technologies et d’Internet dans ce texte.
J’avais d’ailleurs évoqué ce point lors de l’examen du projet de loi sur la modernisation de l’économie. Tous mes amendements concernant l’utilisation des nouvelles technologies, et, au-delà, du télétravail, ont été repoussés. En France, aujourd’hui, nous sommes à la traîne par rapport à ces dispositifs.
Le télétravail ne s’adresse pas uniquement aux femmes ou aux personnes en situation de handicap. Il s’agit d’une nouvelle organisation du travail. C’est de la modernité. Cela peut aussi contribuer à l’aménagement du territoire, notamment en zone rurale.
M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !
Mme Frédérique Massat Nous nous félicitons, à ce titre, de cette avancée du télétravail.
M. le président. Monsieur Decool, voulez-vous retirer votre amendement, afin qu’il soit examiné plus tard ?
M. Jean-Pierre Decool. Tout à fait !
(L'amendement n° 574 est retiré.)
M le président. Je suis saisi d'un amendement n° 688.
La parole est à M. Serge Letchimy.
M. Serge Letchimy. L’amendement n ° 688 se situe dans le droit fil de l’amendement n° 535 rectifié.
Au mois de juillet dernier, la loi sur la responsabilité environnementale a été votée. Le bonus-malus a été mis en place. M. Reynier a proposé que les fournisseurs de carburant participent à la maîtrise de la consommation de carburants.
Je souhaite que les revenus publicitaires, issus de la vente de véhicules polluants, qui sont extrêmement importants, puissent également participer financièrement à la recherche.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Jacob, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
L’instauration d’une nouvelle taxe relève de la loi de finances. Monsieur Letchimy, je vous propose de le retirer. Vous pourrez ouvrir ce débat lors de l’examen de la loi de finances.
(L'amendement n° 688, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 820.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
M. Jean Dionis du Séjour. Cet amendement vise à apporter une source de financement nouvelle à l’État en posant le principe d’une contribution des sociétés du secteur énergétique, notamment dans le domaine des transports.
Les profits des compagnies du secteur de l’énergie ont explosé. Une question a été posée à ce sujet par un de nos collègues socialistes. En 2007, le leader du secteur a réalisé un résultat net de 12,2 milliards d’euros
M. François Brottes. Comme l’année d’avant !
M. Jean Dionis du Séjour. Si vous le dites, monsieur Brottes, cela doit être vrai !
Ce secteur a mécaniquement profité de l’augmentation du prix du baril. Il nous semble donc logique qu’il participe à la construction des infrastructures nouvelles, notamment ferroviaires.
Il faut donner une certaine crédibilité à l’État au niveau des ressources, et cela nous semble une piste tout à fait crédible.
Le schéma proposé doit être intéressant, puisqu’il correspond tout à fait à celui que proposera le Gouvernement pour le financement de la nouvelle télévision publique, avec une taxation de 1,1 % du chiffre d’affaires des sociétés de télécommunication.
Notre amendement s’inspire du même schéma et nous proposons qu’il soit demandé aux entreprises qui profitent de l’essor du secteur énergétique de contribuer au financement des infrastructures de transport. Il me semble que ce qui est admis pour la télévision publique, dont le principe de financement a été acté par le Président de la République, devrait pouvoir s’appliquer dans le domaine de l’environnement. Je dis d’emblée à M. le rapporteur – et ce faisant, j’anticipe sa réponse – que nous nous contentons de poser un principe pour qu’il ne nous renvoie pas à la loi de finances. À l’occasion de l’examen du projet de budget pour 2009, le groupe NC déposera, en effet, un amendement fiscal sur ce sujet. Nous faisons donc bien la différence entre cette loi d’orientation et la loi de finances à venir. Pour l’instant, nous souhaitons simplement avoir un débat de fond sur ce thème.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Jacob, rapporteur. J’ai bien compris, monsieur Dionis du Séjour, que vous êtes allé au-devant de ma réponse ! Nous aurons, en effet, ce débat dans le cadre du projet de loi de finances. Si je vous propose de retirer votre amendement, cher collègue, c’est parce que nous proposons la création d’un fonds de capitalisation à l’amendement n° 88 qui va venir en discussion. Ce fonds, ouvert aux collectivités locales, aux financeurs institutionnels et aux prises de participation de l’État, permettra d’alimenter le financement et la création d’infrastructures. Cet amendement ayant une portée plus large que le vôtre, monsieur Dionis du Séjour, je vous suggère de le retirer, au profit de l’amendement n° 88.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Même avis que la commission.
M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
M. Noël Mamère. Je ne saurais trop conseiller à notre collègue Dionis du Séjour de ne pas retirer son amendement, celui-ci étant hautement symbolique. Et le symbole a toute son importance dans ce débat puisque nous discutons beaucoup de symboles dont on ne sait s’ils deviendront réalité dans la loi de finances et le Grenelle 2 !
Vous avez, à juste titre, monsieur Dionis du Séjour, évoqué les grandes sociétés pétrolières qui se sont enrichies grâce à l’augmentation du prix du baril. La société Total a, en effet, affiché des bénéfices extravagants. Il serait moral que de telles sociétés contribuent au financement de transports alternatifs moins consommateurs d’énergie et participent, à leur manière, à la mise en œuvre d’une société de sobriété énergétique. Rappelons-nous les dégâts provoqués par ces sociétés, et Total n’est pas seule en cause ! Rappelez-vous les grandes catastrophes qui ont eu lieu : dans l’ordre chronologique, le Torre Canyon, l’Amoco Cadiz, l’Exxon Valdez, l’Erika, le Prestige ! Au regard de l’ampleur des dégâts écologiques, économiques et sociaux – qui n’ont toujours pas été effacés –, on est en droit de se dire que ces sociétés portent une responsabilité. À cet égard, nous ne pouvons que nous féliciter de la décision des juges dans l’affaire Erika reconnaissant le préjudice écologique. Selon nous, il faut aller au-delà et parler de criminalité écologique ! La délinquance écologique est aujourd’hui « sous-pénalisée ». Et si l’on veut moraliser ce secteur, il doit participer au financement de transports alternatifs.
M. le président. La parole est à M. François Brottes.
M. François Brottes. M. Dionis du Séjour a évoqué une préoccupation qui nous est chère, à savoir la taxation des revenus des compagnies pétrolières qui dégagent énormément de bénéfices. Je le remercie de partager notre point de vue !
Cela dit, nous ne savons pas si la notion de « contribution exceptionnelle » qu’il préconise pèserait, une fois de plus, sur les utilisateurs. La TIPP n’est pas affectable puisque la loi de finances ne l’autorise pas. La taxation existante est lourde et nous déplorons que son utilisation ne contribue pas suffisamment aux transports en commun.
M. Yves Cochet et Mme Christiane Taubira. C’est bien vrai !
M. François Brottes. Par ailleurs, nous déplorons que M. de Robien, que connaît bien M. Dionis du Séjour, ait cautionné la privatisation des concessions d’autoroutes, qui alimentaient de façon significative le fonds servant aux infrastructures de transports en commun, mais il n’est jamais trop tard pour y revenir !
Confirmant que nous sommes très attachés à l’idée de la taxation des revenus exceptionnels – d’année en année ! – de sociétés comme Total, nous nous abstiendrons cependant sur le vote de cet amendement qui nous semble trop imprécis.
(L'amendement n° 820 n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 87 deuxième rectification, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 2055.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 87 deuxième rectification.
M. Christian Jacob, rapporteur. Cet amendement vise à fixer les critères selon lesquels les projets d’infrastructures devront être choisis et les règles qui permettront d’arbitrer dans le cadre du schéma national prévu à l’article 15.
Nous avons retenu, après de longs débats en commission sur le sujet, plusieurs critères, dont celui du rapport entre le bilan coûts-avantages du projet et les émissions de gaz à effet de serre induites par le projet. Ont également été retenus les critères de développement durable, eu égard aux volets économique, environnemental et de progrès social. L’aménagement du territoire et le développement durable sont aussi une préoccupation essentielle s’agissant de projets d’infrastructures, mais il faut également s’assigner des objectifs d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Le Gouvernement est très sensible au travail de clarification et d’organisation des critères. Nous verrons au cours de la navette parlementaire s’il est possible de proposer quelques modifications rédactionnelles. Cela dit, sur le principe, le Gouvernement y est favorable.
M. Yanick Paternotte. Très bien.
M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
M. Yves Cochet. Malheureusement, cet amendement réhabilite le choix, abandonné il y a une dizaine d’années, de privilégier les projets nationaux d’infrastructures, en l’occurrence de transport. À l’époque, nous avions considéré – sous une autre majorité – que les schémas de services étaient plus importants que les infrastructures. J’évoquerai la loi Pasqua-Voynet, pour faire plaisir à M. Ollier…
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La loi Voynet seulement !
M. Yves Cochet. La loi Voynet, donc, prévoyait des schémas de services, car la population n’a pas seulement besoin d’infrastructures en tant que telles. On a besoin de mobilité, de lumière, de chaleur. La question est de savoir comment répondre à ces besoins. La lumière peut être d’origine électrique ou naturelle.
Or avec cet amendement, vous en revenez à de vieilles lunes du lobby des Ponts et chaussées, à savoir que ce qui compte, ce sont les infrastructures, c’est-à-dire : construire, construire et encore construire, bétonner, bitumer. Bref, on ne s’intéresse pas du tout au service rendu. Vous remettez en cause l’esprit et l’essence même de la loi Voynet qui privilégiait les schémas de services en matière de mobilité, d’énergie et autres dans le cadre desquels l’infrastructure devait être adaptée au service aux entreprises, aux collectivités et à la population. Je n’hésite pas à dire que vous défendez une logique productiviste. Peu importe si cela rend service, ce qu’il faut, ce sont des routes, des bretelles, des désenclavements ! J’ai, du reste, observé que dans mon département, je suis le plus enclavé ! Tous les cantons, tous les départements, toutes les régions, tous prétendent être enclavés ! C’est du baratin que l’on entend depuis cinquante ans !
L’amendement que vous proposez, monsieur le rapporteur, change totalement la logique de l’aménagement du territoire au profit d’une logique productiviste. Vous croyez que la fourniture d’infrastructures, la politique de l’offre forcenée fera brutalement augmenter la richesse des territoires. Si l’on se réfère à ce qui se fait depuis une dizaine d’années, tel n’est malheureusement pas le cas .
M. le président. La parole est à M. Maxime Bono.
M. Maxime Bono. Cet amendement illustre singulièrement l’article 9 dont j’avais dit qu’il était une déclaration de bonnes intentions sur les orientations à suivre. Par ailleurs, on ne sait pas très bien si on est dans le Grenelle 1 ou le Grenelle 2. Je forme donc le vœu, que nous puissions discuter d’amendements qui puissent nous éclairer sur les intentions de ce texte.
M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.
M. Serge Poignant. Le débat a déjà eu lieu ! M. Bono nous dit que ce texte n’est qu’une déclaration d’intentions.
M. Maxime Bono. Je n’ai pas exactement dit cela !
M. Serge Poignant. Vous l’avez dit à plusieurs reprises et je m’inscris en faux contre de tels propos.
Avec M. Cochet, c’est toujours la même histoire ! Je ne vois pas en quoi poser la question du choix entre la rénovation d’infrastructures existantes et la construction d’infrastructures nouvelles si le bilan carbone est positif dénaturerait le texte ! Vous n’avez cessé de demander ce bilan, monsieur Cochet ! Faut-il revenir à l’hippomobile ou à la bougie ?
M. Yves Cochet. Caricature !
M. Serge Poignant. C’est vous qui caricaturez !
M. Alain Gest. En effet !
M. Serge Poignant. L’amendement que nous proposons apporte des précisions et donne des orientations. Le rapporteur l’a rappelé et le ministre, dans sa sagesse, nous a fait part de son accord.
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir le sous-amendement n° 2055.
M. Philippe Folliot. Je ne reviens pas sur les propos de mon collègue Jean Dionis du Séjour. S’agissant des désenclavements, il faut tenir compte des réalités de terrain et des spécificités de chaque territoire, si l’on veut régler les problèmes.
M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
M. Noël Mamère. J’interviens évidemment pour soutenir ce qui vient d’être dit par notre collègue Yves Cochet. Comme la discussion risque d’être encore longue, cher collègue Poignant, essayez d’éviter de tomber dans la caricature ! Car nous démontrerons, article par article, que les amendements que vous proposez sont en contradiction totale avec les orientations du Grenelle de l’environnement ! Il faut savoir ce que l’on veut ! Est-ce que la discussion sur le Grenelle 1 vise à confirmer les orientations du Grenelle de l’environnement ou, au contraire, s’agit-il de le détricoter ?
M. Alain Gest. Mais non !
Dois-je vous rappeler, cher collègue Poignant, que la loi sur les OGM, la première que nous avons examinée à la suite du Grenelle de l’environnement, était en totale contradiction avec les propositions issues de ce dernier ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
MM. Louis Cosyns et Alain Gest. C’est faux !
M. Noël Mamère. Vous n’avez qu’à relire les conclusions des négociateurs, qui invoquaient « la liberté de produire et de consommer sans OGM », devenue « liberté de produire et de consommer avec ou sans OGM » ! Ne prenez pas vos collègues de la gauche et les Français pour des imbéciles : ils savent ce que les mots veulent dire !
M. Alain Gest. Hors-la-loi, voilà ce que cela veut dire !
M. Noël Mamère. Vous devez donc savoir que lorsque notre rapporteur nous propose de nous régler sur le schéma national d’infrastructure, cela veut dire, comme l’a fort bien explicité M. Cochet, que l’on reconduit une logique d’infrastructures, essentiellement autoroutières, ce qui est en contradiction avec le Grenelle de l’environnement et revient à nier l’ampleur de la crise énergétique.
Il est normal et sain que nous y réagissions sans être pour autant accusés de revenir à l’âge de la bougie, car – vous le savez, cher monsieur Poignant –, si les catastrophistes étaient autrefois montrés du doigt, aujourd’hui la catastrophe écologique est là ! Et il faut bien y réagir par d’autres voies que celles qui gaspillent et assombrissent l’avenir de nos enfants !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 2055 ?
M. Christian Jacob, rapporteur. Avis favorable.
Je veux redire à M. Mamère, calmement et avec sympathie, sans esprit polémique, que je regrette qu’il n’ait participé à aucune des vingt commissions de travail qui se sont tenues sur le sujet, et qui ont procédé à plus de soixante-dix auditions ! (Approbation sur les bancs du groupe UMP.)
M. Noël Mamère. M. Cochet l’a fait ! Et nous ne sommes que quatre députés verts ! Nous n’avons pas le don d’ubiquité !
M. Christian Jacob, rapporteur. Vous étiez pourtant invité chaque fois ! Vous ne déposez aucun amendement, mais vous venez systématiquement faire votre numéro, parce que la télévision est là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) M. Cochet, qui n’a pas non plus été des plus assidus, intervient lui aussi systématiquement ! Nous pouvons continuer ainsi…
Je vous rappelle la teneur de l’amendement n° 88. Tout d’abord, chaque infrastructure doit faire l’objet d’un bilan coûts-avantages et d’un bilan carbone. En vous opposant à l’amendement, vous vous opposez donc à cette mesure ! (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
M. Noël Mamère. Pas du tout !
M. Christian Jacob, rapporteur. Je ne fais que lire le texte, qui mentionne le « rapport entre le bilan coûts-avantages du projet et les émissions de gaz à effets de serre ».
L’amendement énonce ensuite la nécessité de prendre en considération les critères de développement durable, c’est-à-dire le progrès social, la nature environnementale et la faisabilité économique. Vous vous opposez également à cela !
Il invoque enfin la nécessité de prendre en considération l’aménagement du territoire ; à cela aussi, vous vous opposez ! Voilà la réalité !
Naturellement, vous allez intervenir encore et encore (Approbation sur les bancs du groupe GDR), sans jamais participer à la moindre réunion de travail, car le travail de fond ne vous intéresse pas : ce qui vous passionne, c’est l’image, ce sont les grandes déclarations ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 2055 ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Sagesse.
(Le sous-amendement n° 2055 est adopté.)
(L’amendement n° 87, deuxième rectification, sous-amendé, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 88.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Jacob, rapporteur. L’amendement tend à instaurer le fonds de capitalisation que nous avons évoqué tout à l’heure avec M. Dionis du Séjour – et dont nous avons discuté avec bien d’autres, puisque des députés de toutes tendances politiques ont participé au débat important dont cette question a fait l’objet en commission.
Ce fonds permet d’alimenter le financement des infrastructures. En effet, nous avons tous constaté les problèmes que pose le financement de l’AFITF : même si M. le ministre d’État et M. le secrétaire d’État ont confirmé que celui-ci serait assuré, le transport modal exige de nouveaux moyens de financement, que pourra fournir ce fonds.
M. Guy Geoffroy. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Votre rapporteur l’a rappelé, le financement du Grenelle est naturellement essentiel.
Je rappelle à votre assemblée que l’AFITF devrait y consacrer 14 milliards environ entre 2009 et 2013, ce qui permettra d’atteindre les objectifs du Grenelle.
En outre, si vous votez, conformément au souhait du Gouvernement et aux engagements du Président de la République au cours de sa campagne, la redevance poids lourds et des subventions budgétaires, nous disposerons des moyens financiers nécessaires.
Le Gouvernement ne juge donc pas nécessaire l’instauration de ce fonds ; mais l’Assemblée est naturellement souveraine.
M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
M. Noël Mamère. Je souhaite m’exprimer sur l’amendement que vient de présenter notre collègue Jacob, et profiter du micro, comme il l’a fait il y a quelques instants, pour dire que, selon les méthodes dont nous avons l’habitude de la part de ce parlementaire de longue date, il ne se livre nullement à la polémique… mais à des attaques très en dessous de la ceinture ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Alain Gest. Vous n’avez pas de leçons à nous donner !
M. Michel Havard. Il ne s’agissait que de faits !
M. Noël Mamère. Je rappelle à M. Jacob que nous ne sommes que quatre députés verts (« C’est trop ! » sur les bancs du groupe UMP) ; qu’en ce moment même a lieu une audition sur la question des fichiers à laquelle participent des membres de la commission des lois, dont je fais partie,…
M. Patrick Ollier, président de la commission. Il en va de même pour tous, de l’UMP aux Verts, tous les jours !
M. Noël Mamère. …mais que j’ai préféré, comme député vert, donner la priorité à notre débat, au côté d’Yves Cochet.
Monsieur Ollier, le droit d’amendement est imprescriptible !
M. Patrick Ollier, président de la commission. Bien sûr !
M. Noël Mamère. Nous avons tous le droit de nous mêler de ce qui nous regarde – en l’occurrence des textes de loi soumis à l’Assemblée nationale. Nous avons été élus pour en débattre…
M. Patrick Ollier, président de la commission. Venez donc en débattre en commission !
M. Noël Mamère. …et pour accepter ou refuser de les voter !
Nous ne sommes que quatre ; vous-mêmes, vous ne faites pas partie de toutes les commissions et vous n’allez pas partout !
M. Guy Geoffroy. C’est un sujet à propos duquel les Verts peuvent être présents…
M. Noël Mamère. Merci, mon cher collègue : c’est en effet un sujet à propos duquel nous avons le droit d’être présents ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Guy Geoffroy. …en commission !
M. Noël Mamère. Nous ne prétendons pas avoir en la matière une plus grande autorité que les autres. Mais il me semble que M. Jacob – qui n’était pas alors rapporteur, mais siégeait de l’autre côté de l’hémicycle –, était, lors de la discussion du projet de loi sur les OGM, l’un des plus ardents défenseurs de ces derniers ! (M. le rapporteur approuve.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Et il avait raison !
M. Christian Jacob, rapporteur. J’assume !
M. Noël Mamère. Nous n’avons donc pas de leçons à recevoir de quelqu’un qui se prétend aujourd’hui plus écologiste que nous !
M. Guy Geoffroy. Être écologiste, ce n’est pas être ayatollah !
M. Noël Mamère. La question n’est pas de savoir qui est le plus écologiste. Mais en proposant ce fonds de capitalisation, comme l’a très bien dit, une fois encore, M. Cochet, vous obéissez à une logique de l’offre. Nous, nous voulons remettre la pyramide écologique sur ses pieds, c’est-à-dire refuser cette logique au profit d’une société fondée sur l’économie d’énergie et l’efficacité énergétique.
Il me semble enfin qu’en cette fin d’après-midi, mieux vaudrait se calmer et respecter les intervenants.
M. Jean-Claude Lenoir. Et la loi ?
M. Noël Mamère. Si nous parlons, ce n’est pas pour faire du bruit ni parce que les caméras de télévision sont là – du reste, il n’y en a pas. (M. Pancher désigne les caméras.) Du moins, notre débat n’est-il retransmis que sur la chaîne parlementaire. Si tel était notre but, nous nous exprimerions plutôt entre quinze heures et seize heures.
M. Christian Jacob, rapporteur. À minuit, vous n’étiez pas là !
M. Noël Mamère. Pourquoi ne pas dire à vos collègues qui, eux, se pressent ici à cette heure-là pour passer à la télévision, de venir défendre le Grenelle de l’environnement à vos côtés ?
M. le président. La parole est à M. Yanick Paternotte.
M. Yanick Paternotte. Je souhaite revenir tout simplement au texte.
Je répète à propos de l’amendement n° 88 ce que j’ai dit la nuit dernière au sujet de l’article 9 : j’ai déposé des amendements aux articles 10 et 12 relatifs à la destination des produits des deux recettes que sont l’écopastille et la taxe sur les poids lourds.
L’amendement n° 88, éventuellement complété par d’autres amendements après l’article 9 et aux articles suivants, tend à consacrer ces recettes au financement de nouvelles infrastructures. L’exposé sommaire est à cet égard très clair, et le second paragraphe de l’amendement dit bien que « ce fonds de participation aurait notamment pour objet de financer la réalisation des objectifs visés au I » – lequel parle essentiellement d’infrastructures nouvelles.
Comme la nuit dernière, je souhaite interroger amicalement le secrétaire d’État sur une question qui me préoccupe, il le sait, au plus haut point : celle du financement des projets orphelins, notamment ceux de réduction des nuisances urbaines aux abords des infrastructures. Nous devons nous attacher à réduire ces nuisances causées par les infrastructures existantes, saturées par l’égoïsme de chacun – car ce n’est pas seulement par manque d’argent que l’on n’en construit pas de nouvelles, mais aussi parce que certains élus s’y opposent. Le phénomène Nimby – « allez voir chez le voisin » – n’est pas une fiction ! Ainsi, faute de disposer d’un bon réseau et de bonnes armatures, l’on utilise des infrastructures inadaptées, l’on fait souffrir des populations innocentes et l’on met en danger la vie d’autrui.
Je demande donc une clarification. Je voterais bien volontiers cet amendement, mais qu’arrivera-t-il ensuite ? En ce qui concerne l’AFITF, se limitera-t-on aux objectifs visés au I de l’article 9 ? L’objet social permettra-t-il de financer des projets de réduction des nuisances environnementales et urbaines ? Dans le cas contraire, à regret, je ne voterai pas cet amendement, non plus que l’amendement après l’article 9, car nous n’aurons pas réglé le problème des projets orphelins sur lequel portent mes amendements aux articles 10 et 12.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Monsieur Paternotte, comme je l’ai indiqué, sans s’opposer à cet amendement, le Gouvernement ne lui est pas favorable, car il ne le juge pas nécessaire.
Naturellement, l’AFITF financera tout ce qui doit l’être. Vous avez appelé mon attention sur certains dysfonctionnements d’équipements lourds dont souffrent les populations de votre commune. À ce sujet, je vous renvoie à l’article 36, relatif aux points noirs du bruit : « afin d’atteindre cet objectif, l’État augmentera ses financements et négociera un accroissement des moyens consacrés à la lutte contre le bruit des infrastructures avec les collectivités territoriales et les opérateurs des transports routiers et ferroviaires ». Il s’agit bien de crédits d’investissement consacrés à toutes les infrastructures – qu’il s’agisse d’en construire de nouvelles, d’en améliorer d’anciennes ou de résorber les points noirs dont elles sont responsables et qui entraînent des conséquences environnementales.
M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, la privatisation des autoroutes fut une erreur historique.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Vous le dites depuis quelques années !
M. Daniel Paul. Naturellement, et je continuerai ! J’ai même proposé, m’exprimant cette fois au nom de mon parti politique, qu’on les nationalise. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
En effet, nous sommes aujourd’hui témoins d’un immense gâchis : la comparaison entre les bénéfices réalisés par les sociétés autoroutières et ce que l’État a reçu en échange de cette privatisation montre que le financement des infrastructures ne nous poserait pas de tels problèmes si l’AFITF percevait encore le bénéfice de l’exploitation des autoroutes. Vous paierez longtemps cette erreur ; mais je crains que ce ne soient surtout les usagers de nos structures de transport qui paient, ainsi que d’autres usagers à l’avenir.
Vous avez raison : le problème majeur est celui du financement des infrastructures de transport, nouvelles ou non. Ainsi, il faut non seulement payer les nouvelles lignes de chemin de fer, mais aussi entretenir celles qui existent déjà, et dont, de l’aveu de tous, le nombre de kilomètres inutilisables s’accroît chaque année, sauf à réduire la vitesse pour éviter des déraillements intempestifs.
Le texte de l’amendement est très prudent : il me rappelle l’expression « envisager la possibilité de… ». Ici, « l’État met à l’étude la possibilité de créer », etc. Ce n’est pas demander grand-chose !
Le fonds « regroupera des actifs et des participations de l’État dans le capital des sociétés dont il est actionnaire » : pouvoir ainsi utiliser les participations de l’État dans plusieurs entreprises qui lui rapportent de l’argent me semble aller dans le bon sens.
Je pense ainsi à la SNCF. Dans un autre amendement, je propose que l’État lui donne des signes de bonne volonté et l’aide à accomplir l’intégralité de ses missions et à investir dans du bon matériel en s’engageant chaque année à ne pas prélever de dividendes.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Vous nous en avez déjà parlé la nuit dernière !
M. Daniel Paul. Oui, monsieur le secrétaire d’État, mais je suis têtu comme tous les Bretons, et je maintiens que ce serait une bonne chose que l’État laisse à la SNCF les bénéfices réalisés pour lui permettre de mieux investir. Il en va de même pour La Poste ou d’autres entreprises publiques de même nature, que l’État ponctionne assez gaillardement.
Créer un fonds de capitalisation, pourquoi pas ? J’imagine qu’une étude a été menée afin de s’assurer que les besoins de financement seront couverts. J’ai cru comprendre, monsieur le secrétaire d’État, qu’il est toujours question d’utiliser la taxe poids lourds pour le financement de ces infrastructures. J’ai également entendu parler de l’eurovignette.
Mais nous avons aussi tous noté l’ampleur des profits de Total, d’ailleurs évoqués hier lors du débat sur le collectif budgétaire : 13, 7 milliards d’euros ! Une somme telle que le groupe a cru bon d’en affecter une partie – 1,7 milliard – au rachat de ses propres actions, de façon à faire monter leur cours et augmenter les dividendes versés aux actionnaires. Il y a là véritablement moyen, monsieur le secrétaire d’État, de trouver des sources de financement sans pour autant mettre la société Total en difficulté, ce que personne ne songe à faire. Et sans doute y en a-t-il d’autres dans d’autres sociétés passées au travers de la crise financière et économique.
En attendant l’étude promise dans trois mois, nous nous abstiendrons sur cet amendement, de façon à être certains, le moment venu, de voter dans le bon sens.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Jacob, rapporteur. Un mot de clarification, monsieur le président. L’idée du fonds de capitalisation est simple. Si nous voulons développer des modes de transport qui émettent moins de gaz à effet de serre ou pas du tout et nous engager de manière forte et significative en faveur des transports ferroviaires et fluviaux, il faut nous en donner les moyens et dégager des financements en associant l’État, au travers de prises de participations, les institutionnels mais aussi les collectivités locales. Autrement, nous ne tiendrons pas nos engagements de diminuer de 20 % les gaz à effets de serre. Voilà l’objectif de l’amendement n° 88.
J’ai entendu les remarques faites par les uns et les autres. Certains sont prêts à accepter à condition que telle ou telle infrastructure ne passe pas à côté de chez eux ou ne leur occasionne pas de gêne. Non, il ne faut pas raisonner en ces termes dans une loi d’orientation. On va vers le transfert modal ou on n’y va pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(L’amendement n° 88 est adopté.)
M. Jean Dionis du Séjour. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
M. Jean Dionis du Séjour. Le Nouveau Centre partage l’objectif d’aller vite.
M. le président. Sur quel article vous fondez-vous, monsieur Dionis du Séjour ?
M. Jean Dionis du Séjour. Vous saurez le trouver, monsieur le président.
M. le président. Alors, ce n’est pas un rappel au règlement, mon cher collègue !
M. Jean Dionis du Séjour. Je vous laisse le choix des alinéas de l’article 58 !
Notre groupe ne veut pas être écrasé dans ses prises de parole. Nous sommes responsables : sur certains amendements qui ne sont pas significatifs ou lourds de conséquence, nous nous abstenons d’intervenir. Quand nous demandons à le faire, c’est pour de bonnes raisons. J’estime que notre groupe a le droit à la parole. Or, à plusieurs reprises, sur des amendements importants, vous ne nous avez pas donné la parole. Si vous continuez ainsi, monsieur le président, je vous le dis en toute honnêteté, vous allez au-devant de grandes difficultés.
M. le président. Puisque vous mettez ma présidence en doute, ce que je trouve parfaitement inadmissible, je me vois obligé de faire un peu de pédagogie.
Premièrement, je dois donner la parole à un seul orateur contre l’amendement. Dans le cas présent, j’ai donné la parole à trois orateurs.
Deuxièmement, j’ai la possibilité de donner la parole à deux orateurs, l’un pour répondre au Gouvernement, l’autre pour répondre à la commission. Au-delà, c’est de l’indulgence, une indulgence qui devient coupable compte tenu du calendrier de nos travaux.
(L’article 9, modifié par les amendements adoptés, est adopté.)
M. le président. Nous passons aux amendements portant articles additionnels après l’article 9.
M. le président. Je suis tout d’abord saisi d’un amendement n° 89, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 1369.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 89.
M. Christian Jacob, rapporteur. Cet amendement, adopté en commission, permet de mettre en place un contrat pluriannuel entre l’État et l’AFITF, de façon à définir l’origine du montant des ressources, aspect évoqué par le secrétaire d’État. Il vise également à modifier la composition de son conseil d’administration et à procéder à certains changements, de façon à rendre l’agence encore plus opérationnelle qu’elle ne l’est pour une plus grande efficacité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. L’AFITF est un organisme extrêmement important. Des parlementaires siègent d’ailleurs dans son conseil d’administration, qui est présidé par le sénateur Gérard Longuet. Elle a parfaitement rempli ses missions et beaucoup évolué. Elle dispose aujourd’hui de la quasi-intégralité du budget d’investissement de l’État en matière d’infrastructures. Ses ressources ont augmenté et l’adoption de la taxe poids lourds permettra, je l’espère, de lui en apporter de nouvelles.
Le moment est venu de s’interroger sur son avenir, comme le fait l’amendement de la commission. Certains parlent de la supprimer, d’autres d’élargir ses missions, d’autres encore de la réorganiser. Et ces questions sont posées par les parlementaires mêmes qui siègent à son conseil d’administration, dont vous êtes, monsieur le président de la commission.
Pour ma part, je pense que ses missions peuvent être renforcées. Gérard Longuet a émis entre autres l’idée que l’agence participe aux montages des financements avec les collectivités locales sur les grands projets. On pourrait ainsi imaginer qu’elle intervienne en ce sens dans le projet relatif à la liaison Tours-Bordeaux qui associe actuellement l’État et les élus des régions Poitou-Charentes, Centre, Aquitaine et Midi-Pyrénées.
M. Serge Grouard. N’oublions pas Clermont-Ferrand !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Si je parle de ce projet, monsieur Grouard, c’est qu’il doit être signé le 14 novembre, ce qui n’est pas le cas pour le projet concernant Clermont-Ferrand-Lyon.
Le Gouvernement est tout à fait favorable à une évolution du statut de l’AFITF. Mais nous voudrions, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, disposer d’un peu de temps pour mener une réflexion sur l’avenir de l’agence avec le Parlement, qui représente les territoires et notre pays. Je vous demanderai donc de retirer cet amendement, monsieur le président de la commission, sachant qu’il ne s’agit pas de repousser trop loin cette nécessaire rénovation, le temps de réflexion pouvant correspondre à la durée de la discussion du présent projet de loi.
M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. François Brottes.
M. François Brottes. Monsieur le président, je me fonde sur l’article 58, alinéa 3.
Compte tenu des échanges qui ont eu lieu tout à l’heure, j’ai besoin de réunir mon groupe afin que nous puissions nous organiser pour la suite de nos travaux. Je vous demanderai donc une suspension de séance de cinq minutes.
M. le président. Avant de suspendre la séance, monsieur Brottes, je donne la parole à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu vos arguments. Mon souci est de faire en sorte que l’AFITF joue le rôle que l’on est en droit d’attendre d’elle. Il n’y a pas trente-six solutions : ou elle ne peut jouer ce rôle, et elle doit disparaître ; ou elle doit être pérennisée, ce que je souhaite, et il faut en changer l’organisation. Dans ce cas, au lieu de laisser perdurer un droit de tirage sur le budget de l’État, il faut mettre en place des moyens financiers permettant d’assurer le financement des grands projets à travers l’agence.
Mon intention était d’ouvrir le débat, pas de le conclure. Nous devons être certains que cette agence pourra fonctionner comme nous le souhaitons. Après une longue expérimentation, nous avons des idées précises sur ce qu’il importe de faire pour passer à une nouvelle étape. Nous devons y réfléchir, soit pendant la navette, si vous pensez que nous en avons le temps, soit après, dès lors que vous vous y engagez, monsieur le secrétaire d’État. Si c’est bien votre état d’esprit, je suis prêt à retirer cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Monsieur le président, je confirme de manière très solennelle à M. le président de la commission des affaires économiques que tel est bien notre état d’esprit : modifier l’AFITF et la rendre plus efficace. Si j’ai demandé le retrait de cet amendement, ce n’est pas pour différer la réflexion, mais pour nous y consacrer pleinement avec la commission.
M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
M. Daniel Paul. J’ai fait part tout à l’heure de mes interrogations concernant l’amendement n° 88, qui portait sur le financement des infrastructures. Voilà qu’au détour d’un autre amendement, il est question de réorganiser l’AFITF.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je viens de retirer cet amendement !
M. Daniel Paul. Pour l’instant, il est toujours en discussion !
Il y est indiqué que l’agence « réalisera des études de programmation financière pluriannuelle des projets d’infrastructures que l’État prévoit de financer et proposera des modèles de financements innovant des projets, notamment par des partenariats public-privé. ».
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, on ne discute pas d’un amendement retiré !
M. Daniel Paul. Nous ne pouvons pas travailler dans ces conditions, sinon nous nous heurterons à des difficultés dans le déroulement de nos travaux jusqu’à la fin de la discussion du projet de loi. Introduire des sujets contestés et contestables en matière de financement au détour d’un amendement n’est pas raisonnable.
Les enjeux sont suffisamment importants pour que nous nous accordions tous sur la nécessité de pérenniser l’AFITF. Mais il n’est pas acceptable d’introduire une telle disposition sans concertation préalable, sans discussion, sans avoir reçu le président Longuet ou consulté M. Duron, qui a beaucoup travaillé sur ces questions dans le cadre d’une structure qu’il copréside avec M. Bouvard.
Retirez donc cet amendement, monsieur le président de la commission…
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est ce que je viens de faire. C’est insensé !
M. Daniel Paul. …et faisons en sorte de trouver ensemble une autre approche.
M. le président. Confirmez-vous le retrait de l’amendement, monsieur le président de la commission ?
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, je veux bien rester calme mais il y a des limites. J’étais en train d’expliquer que je retirais l’amendement quand vous m’avez coupé la parole pour la donner à M. Daniel Paul. Normalement, il n’y a pas de débat sur un amendement retiré mais puisqu’il a eu lieu, je vais vous indiquer ma position.
Ce que vous venez dire, monsieur Paul, c’est exactement ce que le ministre et moi-même avons dit. Je vous rappelle que cet amendement a été adopté par la commission, après un débat. M. Jacob, président de la délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire, a auditionné M. Longuet, en présence de M. Duron. Je suis député comme vous, et administrateur ou non de l’AFTIF, nous avons tous le droit d’amendement. Je suis libre de déposer un amendement que je considère comme utile à l’intérêt général.
J’ai simplement voulu ouvrir le débat, monsieur le secrétaire d’État. Je ne suis pas le seul à considérer qu’il faut passer à une nouvelle phase dans le développement de l’AFITF. M. Duron ne me contredira pas, nous en parlons souvent ensemble. Il s’agit de la faire évoluer de manière constructive dans un sens qui nous donne, à nous administrateurs, le sentiment d’être utiles à l’intérêt général.
Puisque tel est votre état d’esprit, monsieur le secrétaire d’État, je retire cet amendement et je vous fais confiance pour conduire cette évolution.
M. le président. L’amendement n° 89 est retiré. Le sous-amendement n° 1369 n’a plus d’objet.
Je vais maintenant suspendre la séance pour cinq minutes, pour faire droit à la demande du groupe socialiste.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Je suis saisi d'un amendement n°802.
La parole est à M. Maxime Bono.
M. Maxime Bono. Cet amendement vise à demander une évaluation de la libéralisation – en d’autres temps, on aurait parlé de « dérégulation », mais le mot a passé de mode – du fret ferroviaire. Il s’agit d’en mesurer l’impact en termes d’emploi et de qualité de service, et les conséquences en matière de continuité du réseau ferroviaire et de report modal. On avance très souvent que la libéralisation du fret ferroviaire augmentera le transfert modal de la route vers le rail, mais, pour l’instant, rien n’est venu étayer cette affirmation.
M. Paternotte a fait remarquer, en début de séance, que, sans évaluation préalable, il n’y avait pas de transport crédible. C’est parce que nous partageons ce point de vue que nous souhaitons que le Gouvernement remette au Parlement une évaluation de la libéralisation du fret ferroviaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Jacob, rapporteur. Sur le fond, je partage les préoccupations de M. Bono. Cela dit, est-ce le moment d’ouvrir ce débat ? Un projet de loi sur l’autorité de régulation a été déposé au Sénat il y a plusieurs semaines. Je pense que c’est plutôt dans ce cadre qu’il faudrait prévoir un audit ou une évaluation plus globale du fonctionnement du fret. Mais je laisse au ministre le soin de préciser ses vues à cet égard.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Je comprends fort bien votre préoccupation, monsieur Bono. Mais il me semble qu’il est un peu tôt pour prévoir une telle évaluation. Je pense, comme vous, que l’impact de la libéralisation du fret devra être mesuré en France, puisque dans les autres pays européens – en Allemagne, en Grande-Bretagne ou Espagne –, elle a entraîné une forte augmentation du fret. Mais elle n’est intervenue que récemment dans notre pays, je vous propose que l’on attende un peu et vous suggère de retirer votre amendement. Cela dit, il s’agit d’une vraie question, sur laquelle le Gouvernement devra informer le Parlement, par exemple lors de l’examen du budget des transports ou lorsque le fret de la SNCF et de ses concurrents se sera stabilisé.
M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
M. Daniel Paul. Je soutiens l’amendement de nos collègues du groupe socialiste, dont j’apprécie l’initiative. Vous prétendez, monsieur le secrétaire d’État, que nous manquons de recul, mais, à titre indicatif, je relève que, entre 2000 et 2007, Fret SNCF est passé de 56 à 40 milliards de tonnes-kilomètres transportés.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. La libéralisation étant intervenue en 2006, la référence à ce qui s’est passé entre 2000 et 2007 n’est pas du tout pertinente !
M. Daniel Paul. Certes ! Mais je décris simplement l’évolution de Fret SNCF. Je rappelle d’ailleurs que, si son déficit s’élevait en 2000 à 87 millions d’euros, il atteint aujourd’hui 240 millions d’euros. Entre-temps, la maison mère SNCF a été mise dans l’impossibilité de venir au secours de cette société. La machine s’est mise en route et il faut bien, à un certain moment, se demander comment on va faire pour continuer.
Certains préconisent que Fret SNCF se place sur les seuls secteurs rentables, au détriment des autres. N’est-ce pas, d’ailleurs ce que prévoit le texte, qui encourage les opérateurs dits indépendants ou autonomes à se positionner, par exemple, sur le wagon isolé ? C’est là ce qui justifie, à nos yeux, qu’on réalise un bilan réel avant qu’il ne soit trop tard.
De façon plus générale, j’apprécie qu’on évalue les politiques publiques, et j’apprécierais donc qu’on le fasse pour celle qui a consisté à libéraliser en Europe différents secteurs, dont le transport ferroviaire. Selon vous, la situation s’est améliorée dans certains pays. Cela mérite examen.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Regardez les chiffres !
M. Daniel Paul. Cela mérite examen pour savoir dans quelles conditions cette réforme a été faite, y compris pour les personnels et les usagers, en ce qui concerne les tarifs par exemple.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Pour les clients !
M. Daniel Paul. Les usagers sont des clients.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Pour le fret, il n’y a que des clients.
M. Daniel Paul. Il faut faire cet examen pour éviter qu’on aille trop loin et qu’il soit ensuite trop tard pour revenir en arrière.
M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
M. Noël Mamère. Je suis également favorable à l’amendement 802. La situation du fret ferroviaire est désastreuse, et M. Daniel Paul a rappelé l’importance du recul depuis 2000. Aujourd’hui, la vitesse moyenne d’un train de fret en France est de 18 km/heure. La SNCF est le premier transporteur routier du pays, avec sa filiale GEODIS. 85 % du fret dans notre pays est transporté par camion. Alors que nous discutons du Grenelle de l’environnement, on n’a même pas encore inclus dans le coût du transport de marchandises par camion tous les coûts externes comme la détérioration des routes, les émissions de gaz à effet de serre, les conséquences des accidents, y compris la charge pour la sécurité sociale des personnes blessées ou handicapées à vie. Il est donc plus que nécessaire de faire un bilan de la libéralisation du fret ferroviaire.
Par ailleurs, comme l’a rappelé M. Paul, la logique de la SNCF n’est pas de favoriser le transport combiné – qui est une meilleure solution que le ferroutage. Du reste, 234 gares de triage ont été fermées. Cela prouve bien qu’on ne favorise pas l’intermodalité. Dans certains pays pourtant, on y parvient mieux. Ainsi, en Allemagne, on sait pratiquer ce que les spécialistes appellent le Roll on, Roll off : les bateaux déchargent des marchandises aussitôt transférées dans des trains qui vont jusque dans l’ancienne Europe de l’est.
Cela n’existe pas chez nous. Quand on nous propose des lignes à grande vitesse, ce sont d’abord des lignes de passagers, et non pour les clients du fret. Ainsi, en région Aquitaine, on veut nous faire avaler qu’il faut deux lignes, Bordeaux-Toulouse et Sud-Europe-Atlantique. C’est une de trop, et chacun sait bien que celle qui est nécessaire, c’est la ligne Sud-Europe-Atlantique, pour mettre les camions sur les trains. Devant Bègles, passent 7 500 camions par jour et, d’ici à 2012, il devrait y en avoir 20 000 par jour. Peut-on accepter d’être asphyxié ainsi ? Il faut plutôt investir massivement dans des autoroutes ferroviaires. Nous serions bien inspirés d’imiter la Suisse qui, depuis de années, pratique la taxation des transports routiers et interdit la traversée du pays aux camions de 20 tonnes autrement que sur un train. Devant les résistances à la taxation des transports, je me dis que nous sommes bien loin de certains autres pays européens.
M. le président. La parole est à M. François Brottes.
M. François Brottes. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez trouvé judicieux de faire cette évaluation. Je vous invite donc à préciser une échéance pour ce faire, par exemple le 30 juillet 2009. Notre amendement ne comporte pas de date. Ce qui importe pour nous, c’est que l’évaluation soit faite, nous ne sommes pas à quelques mois près. Si vous partagez cette volonté, vous pouvez aussi sous-amender notre amendement afin de fixer un rendez-vous qui est indispensable.
(L'amendement n° 802 n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 987 rectifié et 1062 rectifié.
La parole est à M. Maxime Bono, pour soutenir l’amendement n° 987 rectifié.
M. Maxime Bono. Je considère que cet amendement est défendu. Au passage, je reviens sur la proposition de M. Brottes, qui est de bon sens. Puisque l’ensemble de l’Assemblée juge qu’une évaluation est indispensable peut-être est-il possible de se mettre d’accord sur un délai.
M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
M. Daniel Paul. L’amendement 1 062 rectifié est défendu.
(Les amendements identiques nos 987 rectifié et 1 062 rectifié, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.
La parole est à M. Philippe Duron.
M. Philippe Duron. Cet article est essentiel dans le volet transport du Grenelle de l’environnement. Le transport du fret est un élément prioritaire pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. On ne peut donc que souscrire à l’économie générale de l’article 10 qui affiche l’ambition de transférer une part notable du fret vers des modes de transport alternatifs à la route.
La tâche est considérable. Comme M. Paul et M. Mamère l’ont rappelé, le fret ferroviaire et le fret fluvial ont reculé au cours des vingt dernières années. En 1974, 46 % du volume de marchandises transportées en France l’étaient par le rail ; en 2000, c’était 20 % et aujourd’hui 11 % seulement. Pour le fret fluvial, la situation est encore plus difficile. Même s’il connaît un regain , avec des taux d’augmentation supérieurs à 10 % depuis le début de la décennie sur la Seine et sur le Rhône, le fret fluvial a du mal à stabiliser sa part du trafic de marchandises, qui est de 2,1 %.
Plusieurs sujets abordés dans l’article méritent un vrai débat. En premier lieu, se pose la question de la régénération des infrastructures ferroviaires. Le rapport Rivier a mis en évidence le délabrement de beaucoup d’entre elles, au point que, faute d’un effort d’investissement important, une part très significative serait menacée. Il faut évidemment mener une politique très volontariste dans ce domaine, et nous y reviendrons à l’occasion de plusieurs amendements.
En deuxième lieu, se pose la question de l’efficacité du transport maritime et donc de l’acheminement vers et à partir de ces ports. Dans ce domaine également, il faut être volontaristes, et surtout se donner les moyens et mettre en place une programmation pour renforcer nos ports. Il serait donc bon que vous acceptiez, à l’occasion de ce texte, ce que vous n’avez pas voulu accepter dans le projet sur les ports que vous avez défendu, c’est-à-dire fixer une date assez rapprochée pour la réunion d’un CIADT qui mette en place un véritable schéma d’amélioration de la compétitivité des ports français.
En troisième lieu, je souligne l’importance du réseau fluvial magistral. Le Gouvernement soutient un certain nombre de grands projets, comme le projet Seine-Nord-Europe, ce qu’on ne peut qu’approuver. Mais sur les 8 000 kilomètres de canaux et de fleuves dont nous disposons, 2 000 kilomètres seulement sont navigables. En commission, l’ancien président de Voies navigables de France, François Bordry, a indiqué qu’on pouvait mettre à niveau une grande partie de ce réseau en consentant un effort de financement d’environ 100 millions par an pendant six à sept ans. C’est certainement difficile dans le contexte financier actuel. C’est pourquoi nous proposerons par amendement que l’État transfère le domaine public fluvial à VNF qui, en le valorisant, sera à même de mener à bien cette modernisation des canaux.
Enfin, vous proposez l’instauration d’une taxe kilométrique sur les poids lourds comme cela existe en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Certes, ce dispositif peut menacer la compétitivité des transporteurs. Mais il est à la fois innovant, vertueux et utile. Il permettra de trouver des recettes nouvelles et de moduler la circulation en fonction de la congestion du trafic, pour mieux utiliser les infrastructures existantes. Mais il ne sera utile que si le produit de la taxe sert à moderniser et renforcer les infrastructures. Il conviendrait donc de le verser à l’AFITF. Le Gouvernement s’oriente dans cette voie, mais c’est bien l’intégralité du produit qu’il faut lui verser. Au passage, je précise un propos de M. Brottes : ce n’est pas Gilles de Robien qui a vendu les SEMCA, la décision figurait dans la déclaration de politique générale de M. de Villepin.
M. le président. La parole est à M. Yanick Paternotte.
M. Yanick Paternotte. Cet article aborde le rôle du fret ferroviaire dans l’amélioration du bilan carbone du transport de marchandises. Avec d’autres collègues, nous vous proposerons plusieurs amendements qui poursuivent quatre objectifs majeurs. Il s’agit en premier lieu d’être plus ambitieux en ce qui concerne la part du fret non routier et non aérien, en la portant à 14 % du total en 2012 et à 25 % en 2022. Il s’agit ensuite d’investir dans les plates-formes multimodales, en particulier autour des ports, comme on le fait au Benelux, notamment à Anvers. Je me félicite d’ailleurs que nous abordions ce sujet après avoir voté la réforme portuaire. Ceux qui se demandaient peut-être pourquoi nous n’avions pas fait de même en France comprennent désormais mieux comment fonctionnaient les ports avant les deux réformes essentielles, celle de 1992 et celle que nous avons adoptée il y a peu.
M. Daniel Paul. Vous plaisantez ?
M. Yanick Paternotte. Il faut toutefois être conscient que les plateformes multimodales, comme celle d’Anvers, ont besoin de beaucoup de terrains pour se développer. Les grands ports européens doivent régler le problème du stockage des conteneurs et de la diversification des embranchements ferrés, auquel s’ajoute, depuis l’ouverture à la concurrence du fret européen le 1er avril 2006, la question de l’espace partagé par les divers acteurs du marché.
Notre troisième objectif est d’aider financièrement les projets de fret ferroviaire à grande vitesse – je défends d’ailleurs personnellement un projet européen spécifique : Euro Carex. Nous avons déposé plusieurs amendements qui visent à obtenir une participation publique pour les terminaux. Liège Carex bénéficie déjà d’un tel soutien puisque Didier Reynders, en charge des finances dans le Gouvernement belge, a autorisé, dans le cadre d’un fonds de concours de partenariat public-privé, un financement public à hauteur de 30 millions d’euros, tandis que le Gouvernement néerlandais a affecté 11 millions d’euros au projet de Schiphol. J’espère donc, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement sera favorable à nos amendements.
Enfin, nous voulons que la taxe kilométrique sur les poids lourds puisse être utilisée non seulement pour financer de nouveaux projets grâce à l’AFIFT, mais aussi pour entretenir les infrastructures existantes et réparer les dommages du temps.
À l’occasion de l’examen de l’article 10, je souhaite également aborder un certain nombre d’autres points.
Ainsi il me semble que les autoroutes ferroviaires – qui permettent de transporter par le rail, poids lourd, tracteurs et chauffeurs – consomment trop d’énergie pour transporter des masses creuses. L’efficacité du report modal dépend de l’amélioration de la qualité des sillons. L’ARF, l’autorité de régulation ferroviaire, a fait de ce chantier l’un de ses objectifs. Il faut être conscient que sans sillons de bonne qualité, le report modal ne se fera pas – lors de nos auditions, des transporteurs alternatifs, comme Veolia Transport, nous l’ont confirmé. Bettembourg-Lyon en vingt-quatre heures et avec trois chauffeurs : cela ne marchera pas !
Par ailleurs, si nous voulons favoriser le report du mode fluvio-maritime vers le transport ferré, il faudrait que le Gouvernement français prenne une initiative au niveau européen pour faire évoluer la dimension des gros conteneurs intra-européens ou internationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Bertrand Pancher. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. L’activité du fret est liée aux principes de la liberté de circulation des personnes et des marchandises, mais nous sommes tous d’accord pour constater la baisse régulière du fret ferroviaire. Comment l’expliquer ? La politique de sous-investissement de la SNCF est sans doute en cause, mais il faut également citer certains mouvements sociaux qui ont pu pousser les entreprises à se détourner du ferroviaire. À chaque mouvement social long, les entreprises ont tendance à revenir vers le fret routier. Nous avons pu le constater dans de nombreux départements, quel que soit le secteur concerné. Pour les entreprises, la qualité des infrastructures ne suffit pas : il faut également leur assurer une qualité de service qui inclut les notions de régularité et de ponctualité, et qui échappe aux soubresauts liés aux conflits sociaux.
Par ailleurs, à moyen terme, pour nous montrer écologiquement plus responsables, ne devrons-nous pas mettre un frein à certaine de nos activités ? Je prendrai l’exemple de l’importation du granit utilisé pour la construction des bordures ou des monuments de nos collectivités. Un jour, il nous faudra bien faire le bilan carbone du transport, depuis la Chine, d’un matériau très dense et très lourd. Les collectivités, en qualité de prescripteurs, et les distributeurs devront prendre en compte, au-delà du prix et de la qualité du produit, l’impact environnemental de leurs opérations. Je signale qu’une espèce de capricorne, nuisible pour l’environnement, sévit aujourd’hui dans certaines communes de Loire-Atlantique et du Loiret où elle s’est introduite, depuis l’Asie, transportée dans les emballages du granit ! Une réflexion sur le bilan carbone catastrophique de l’importation de certains produits s’impose donc, et je vous ferai des propositions à ce sujet – je pense à une taxe carbone – dans le cadre du Grenelle II.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Je voudrai tirer un signal d’alarme. L’article 10 prévoit, dans son alinéa 14, la mise en place d’une taxe kilométrique sur les poids lourds, mais aujourd’hui, les entreprises de transport routier sont dans l’incapacité de supporter une aggravation de la fiscalité. Ce secteur, qui compte 36 000 PME et 400 000 salariés, est en danger. L’inscription dans le projet de loi du principe de répercussion de la taxe sur le bénéficiaire de la marchandise et de mesures de compensation est donc nécessaire.
Déjà, les entreprises du secteur ont dû faire face à l’augmentation du prix du gazole – et la répercussion sur les prix n’a pu se faire instantanément –, à la concurrence d’entreprises européennes qui bénéficient de charges moindres et de règles différentes pour les décomptes horaires et enfin, au cabotage qu’il faudra encadrer.
La taxe kilométrique, telle qu’elle est prévue par le projet de loi n’intègre pas certaines contraintes liées à la nature même du transport routier. Comment les transporteurs, qui facturent en tonne kilomètre, en mètre cube ou en mètre linéaire, pourront-ils refacturer une taxe kilométrique modulable selon les lieux et les jours ? Comment tenir compte des retours à vide et des envois multiples ? Je souhaite l’adoption de l’amendement n° 108 présenté par la commission des affaires économiques, qui permettra de répercuter la taxe kilométrique sur les bénéficiaires de la circulation des marchandises.
Le chiffre d’affaires total du secteur est de 50 milliards d’euros environ, et la marge nette de ces entreprises s’élève, à peu près, à 1,5 %. Or la taxe prévue par l’article 10 doit rapporter un milliard d’euros, soit 2 % du chiffre d’affaires de ces entreprises : on veut donc leur mort. La seule solution consiste à leur permettre de répercuter totalement la taxe kilométrique sur leurs prix. Il me semble indispensable de soutenir cette activité économique irremplaçable qui répond aux besoins quotidiens de tous, même si, pour nos concitoyens, le secteur du transport routier est devenu le bouc émissaire de tous les maux : pollution, accidents et embouteillages.
Il faut également savoir que le fret ferroviaire et le fret fluvial ne sont pas en mesure d’absorber les besoins toujours plus grands que satisfait le transport routier. Par ailleurs, pour que les marchandises soient livrées sur tout le territoire, le transport routier doit prendre le relais du fret ferroviaire et fluvial. Enfin, Philippe Folliot a fort justement souligné que les entreprises avaient besoin de transporteurs sûrs et ponctuels, ne connaissant pas de mouvements sociaux.
En matière de pollution, je tiens à vous rappeler que les transporteurs routiers se soumettent aux exigences des normes Euro et ne sont pas les plus gros pollueurs de nos routes ; l’automobile conserve ce titre. Les camions ne sont responsables que d’un quart des émissions de gaz à effet de serre d’origine automobile – ces émissions ne représentant elles-mêmes que 25 % du total des émissions de ces gaz. Aujourd’hui, les camions sont équipés conformément aux normes Euro IV, V, et bientôt VI, ce qui permet d’améliorer les effets sur l’environnement.
La taxe kilométrique pèsera en outre davantage sur les transporteurs français, qui utilisent plus les réseaux secondaires que les transporteurs étrangers qui traversent le pays par l’autoroute. Elle permettra à nos concurrents européens et étrangers d’augmenter leur volume d’activité en France, avec des véhicules et un droit de travail souvent bien éloignés des normes françaises.
Les transporteurs se sont déjà engagés pour améliorer la qualité de leur travail sur tous les plans – réglementaire, social, environnemental. Ils y travaillent, notamment avec les constructeurs, mais ces contraintes représentent un coût et, aujourd’hui, la santé financière du secteur ne peut lui permettre de remplir ces engagements en supportant une nouvelle taxe non répercutée. Le secteur du transport routier est principalement composé de PME qui seront nombreuses à disparaître si nous créons la taxe kilométrique sans qu’une répercussion de son coût soit possible et prévue par la loi. Avons-nous aujourd’hui les moyens de nous priver de tout un pan de l’économie française ?
M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.
M. Joël Giraud. L’article 10, comme les articles qui le suivent, pourraient être, encore plus qu’ils ne l’ont été, l’occasion de déposer de nombreux amendements afin de permettre que des projets ferroviaires soient pris en compte par le Grenelle de l’environnement. J’ai bien compris que M. Ollier souhaitait éviter que nous dressions un tel inventaire à la Prévert dans un projet de loi d’orientation, mais j’ai surtout entendu le cliquetis encore plus inquiétant du couperet de l’article 40 de la Constitution qui s’est abattu sur certains amendements et qui nous empêche, par exemple, d’évoquer la transformation des Alpes du Sud, et en particulier du Montgenèvre, en couloir à camion. L’itinéraire en question est devenu la déviation routière gratuite du tunnel routier du Fréjus et sera aussi celle du futur tunnel ferroviaire de l’axe Lyon-Turin.
Les territoires concernés, souvent situés en zone rurale de montagne, vivent aussi du tourisme et meurent de la terrible obsolescence de leur réseau ferroviaire. L’une de mes collègues de la majorité parlait de « l’enclavement autoroutier » d’un département ; l’enclavement ferroviaire existe aussi. Un certain nombre de députés, dont je suis, se trouvent ainsi dans l’obligation de rouler, au travers de plusieurs cols, durant au moins trois heures au petit matin, pour enfin apercevoir une gare TGV. Et les habitants de ces régions un peu reculées sont si bien considérés par la SNCF qu’en cas de travaux sur les voies, elle supprime tous les trains grande ligne ! Ne restent plus que les quelques cars de substitution affectés par la région.
Finalement, j’aurais aimé que l’excellent document qu’ont présenté Philippe Duron et Michel Bouvard, au nom de l’association TDIE, sur les infrastructures qui manquent à la France soit annexé au Grenelle de l’environnement.
Au-delà de mon plaidoyer pour le raccordement des Alpes du Sud à l’axe ferroviaire Lyon-Turin, se pose le problème des investissements nouveaux hors lignes à grande vitesse. Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d’État, au nom des députés radicaux de gauche de faire évoluer le projet de loi par un acte fort – je suggère au Gouvernement de déposer un amendement – afin qu’il soit possible de mener une politique volontariste en faveur des lignes classiques. Des kilomètres de lignes doivent être créés pour raccorder des parties entières du territoire français, soit parce qu’elles ne sont pas couvertes par le réseau des TGV, soit en raison d’une obsolescence totale de leur desserte – souvent héritée du XIXe siècle –, ou encore pour cause d’absence totale de raccordement à tout réseau de fret pertinent. Ce problème n’est pas abordé dans la loi d’orientation, ce qui constitue une véritable lacune du Grenelle I.
M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.
Mme Marisol Touraine. Au regard des objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement, votre texte provoque une certaine déception, notamment sur la question du fret.
On s’aperçoit en effet que, si vous aviez bien fixé l’objectif d’une augmentation de 25 % de la part de marché du fret ferroviaire d’ici à 2012, le projet de loi retient un objectif moins précis, puisqu’il regroupe le développement du fret ferroviaire et celui du fret fluvial. Il ne s’agit évidemment pas de contester la nécessité de donner une impulsion nouvelle au développement du fret fluvial, qui a beaucoup diminué au cours des dernières années. Mais c’est également le cas du fret ferroviaire, et un certain nombre de régions ne peuvent, de par leur géographie, prétendre bénéficier du fret fluvial.
C’est la raison pour laquelle il serait souhaitable que l’alinéa 3 de l’article 10 soit précisé, afin qu’il soit bien clair que l’objectif volontariste d’une augmentation de 25 % de la part de marché du fret non routier concerne dans les mêmes proportions le fret ferroviaire et le fret fluvial. L’objectif doit être identique pour ces deux moyens de transport.
Par ailleurs, nous avons assisté, au cours des dernières années, à une baisse très significative de l’activité de fret ferroviaire. Celle-ci a en effet diminué, cette année, de 7 % par rapport à 2007, année au cours de laquelle elle était déjà en recul par rapport à l’année précédente – et l’on pourrait remonter ainsi au moins jusqu’à 2000. Dès lors, l’objectif d’une augmentation de 25 % à l’horizon 2012 est moins volontariste qu’il y paraît si l’on prend pour référence l’année 2008. Il serait donc souhaitable de retenir comme base de référence, non pas l’année du vote de la loi, mais une année antérieure : 2006 serait un moyen terme, mais il serait sans doute souhaitable de choisir une référence plus ancienne.
En faisant cette observation, je veux exprimer ma préoccupation face à une politique d’abandon, en particulier par la SNCF, de l’activité de fret ferroviaire, en tout cas du fret par wagon isolé. La concentration de cette activité autour de trois grands hub aboutit en effet à la fermeture de nombreuses gares. Dans la région Centre, par exemple, 80 fermetures sont d’ores et déjà annoncées, et rien ne dit qu’il n’y en aura pas davantage. Ainsi les entreprises de cette région n’ont plus d’autres perspectives que le recours au transport routier. Or, n’en déplaise à certains, il ne me semble pas que celui-ci contribue au développement durable et à la sécurité de nos concitoyens. Dans mon seul département, l’Indre-et-Loire, la fermeture de l’activité de fret par wagon isolé à Saint-Pierre-des-Corps se traduira par une augmentation annuelle de plus de 20 000 du nombre de camions sur les routes du département.
Et, quoi que l’on puisse en penser, il ne faut pas compter sur le développement des opérateurs de proximité, comme Proxirail, pour suppléer ce manque, car leur développement paraît très hypothétique, les chargeurs refusant toute participation financière. Quoi qu’on puisse en penser, ai-je dit, car on peut se demander pourquoi il faudrait, dans ces secteurs géographiques où des infrastructures de fret existent et où des investissements ont été réalisés, transférer l’activité à des opérateurs privés, dont on demandera en outre qu’ils soient financés par les collectivités territoriales, régions évidemment et départements. Si l’on peut comprendre l’intérêt que pourrait présenter le développement d’opérateurs privés dans des secteurs où les opérateurs publics sont absents et où l’activité de fret ferroviaire est inexistante, il y a tout lieu de s’interroger sur le sens d’un tel développement dans des régions où ils existent, comme c’est le cas à Saint-Pierre-des-Corps.
Enfin, je m’interroge sur les conséquences pour l’aménagement du territoire de la politique qui consiste à concentrer autour de trois hub seulement le développement des lignes de fret, car ce schéma a pour effet d’abandonner la façade atlantique et la desserte de l’ouest du pays. Il me semblerait donc utile de réfléchir à l’utilisation de la transversale Nantes-Lyon, qui passe par Tours et Vierzon, afin de desservir cette partie du territoire. Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, cette transversale est reconnue d’intérêt national et son utilisation présenterait l’intérêt non seulement de développer le fret ferroviaire sur l’ensemble du territoire, mais aussi de participer à la politique d’aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
M. Daniel Paul. L’article 10 détaille, pour les transports de marchandises, l’effort qui sera consenti en faveur du rail et des capacités portuaires et fluviales pour réaliser les objectifs de report modal définis dans le projet – objectifs d’ailleurs bien moins ambitieux que ceux qui sont inscrits dans le texte du Grenelle ou dans le programme du Gouvernement « Mobilité et transport » ; mais nous aurons l’occasion d’y revenir.
Le report modal représente des enjeux environnementaux forts. Les émissions de CO2 du secteur des transports ont en effet augmenté de près de 20 % entre 1990 et 2004 et la part des transports dans les émissions nationales n’a cessé de croître par rapport à celle des autres secteurs. En 2006, les transports étaient le premier secteur émetteur de CO2, totalisant près de 34 % des émissions nationales et 138 millions de tonnes de CO2.
Plus qu’un rééquilibrage modal, c’est un transfert modal du transport de marchandises vers les modes alternatifs à la route qu’il faut opérer. Or ce transfert nécessite des décisions politiques fortes, dont l’absence fait cruellement défaut dans ce texte comme dans l’ensemble de votre politique. Non seulement certaines propositions issues du processus de concertation du Grenelle qui permettraient de répondre à cet enjeu n’ont pas été reprises – je pense à la notion de multimodal intégré de la politique de transport de la France, à la déclaration d’intérêt général du fret ferroviaire et fluvial et du cabotage maritime, à l’utilisation du produit de la taxe poids lourds pour le financement des infrastructures alternatives à la route, à l’action de la France pour réviser la directive « Eurovignette » en vue de l’intégration des coûts environnementaux et des nuisances ou à l’examen d’une taxation du kérosène sur les lignes parallèles à des dessertes ferroviaires à grande vitesse –, mais l’on constate également un réel décalage entre le discours du Président de la République, qui fixe des objectifs en matière de report modal, et la réalité d’une politique qui a fait passer la part du ferroviaire dans le transport de marchandises de 20,6 % en 2000 à 12 % aujourd’hui.
Le fret ferroviaire symbolise ce décalage. Fret SNCF est ainsi passé de 55 à 40 milliards de tonnes/kilomètre entre 2002 et 2007. Les trafics perdus n’ont pas été captés par les concurrents de l’entreprise publique, puisque, en 2006, selon l’établissement de la sécurité ferroviaire, Veolia et ECR n’ont transporté respectivement que 124 et 142 millions de tonnes. L’essentiel des trafics perdus par le rail empruntent désormais la route, ce qui représente 1,4 million de camions supplémentaires. Ce bilan est celui d’une gestion du transport ferroviaire de marchandises qui, depuis 2002, a rompu avec une politique de volume au profit d’une politique de marge.
J’en viens maintenant à l’autre handicap majeur de cet article, et même de ce texte : l’absence de clarté dans les sources de financement, qui laisse présager des conséquences sociales importantes - charges pesant sur l’usager plutôt qu’une autre répartition des richesses, accentuation de la logique du dumping social, recul possible du service public, de la cohésion sociale et territoriale. Le rééquilibrage en faveur du ferroviaire est nécessaire : l’ensemble des partenaires associatifs et syndicaux du groupe 1 du Grenelle avaient érigé cet objectif au rang de priorité absolue.
Par ailleurs, le fluvial, autre mode de transport peu dispendieux en gaz carbonique, pourrait être davantage encouragé, au-delà de Seine-Nord, dont il faut saluer le probable début des travaux. Nous avons donc déposé un amendement afin de proposer le maillage progressif du réseau fluvial de notre pays et son raccordement au réseau fluvial européen.
La Cour des comptes a estimé, dans une note rédigée en juin 2007, que le discours récurrent sur le rééquilibrage des modes de transport ne se traduit pas en acte. Son jugement sera-t-il différent après l’adoption du projet de loi ? Compte tenu de sa configuration actuelle, on peut en douter.
M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
M. Noël Mamère. L’article 10 est déterminant, car nous sommes dans une période où l’intérêt national nous impose – et c’est pourquoi le terme de « prioritaire » ne me paraît pas convenir à la gravité de la situation – de proposer des alternatives, plutôt que des transferts, au « tout-routier », puisque c’est ce mode de transport des marchandises qui prime actuellement : rappelons que 85 % d’entre elles sont transportées par camion.
Non seulement l’article 10 ne comporte pas d’objectifs chiffrés ni de délais précis de mise en œuvre, mais il fait l’impasse sur la dimension économique. Nous avons débattu, hier, de la crise économique au Parlement et le Président de la République nous a expliqué qu’il fallait transformer le capitalisme financier, qui cherche le profit à court terme au détriment de la condition sociale des personnes et de la planète, c’est-à-dire de l’écosystème. Profitons donc de cette proposition pour nous engager vers un nouveau mode de développement, un autre mode de consommation et un autre mode de vie.
Si nous nous engageons dans cette voie, alors nous trouverons totalement irresponsable que des crevettes pêchées au Danemark soient décortiquées au Maroc, où elles sont acheminées par camion ; nous jugerons inconséquent que des pommes de terre Bintje cultivées aux Pays-bas soient conditionnées en Italie. C’est notamment cette pratique qui est à l’origine de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc. Nous savons qu’en raison de la logique d’économies d’échelle qui prime actuellement, les composants d’un yaourt peuvent parcourir jusqu’à 6 000 kilomètres, soit l’équivalent de 2 500 litres de diesel. Va-t-on, pour permettre la consommation de fruits et de légumes en toutes saisons, persister dans cette logique qui non seulement aggrave notre empreinte écologique, mais est étrangère à la croissance puisque l’on n’intègre pas dans ce que cela rapporte aux transporteurs et aux vendeurs la destruction de la biosphère ?
La priorité des priorités doit être, pour nos sociétés, la recherche de l’efficacité énergétique et des économies d’énergie. Pour cela, nous sommes obligés de changer de logiciel économique et d’adopter d’autres modes de consommation, d’autres modes de vie. Nous devons combattre la politique que le père de l’actuel Président des États-Unis avait résumée en déclarant que le mode de vie américain n’était pas négociable. Aujourd’hui, les Américains sont en train de changer de position, en favorisant le retour de l’État. Nous-mêmes, nous devons nous dire que nos modes de vie sont négociables.
C’est pourquoi je suis évidemment en désaccord avec Mme Gruny, qui s’est livrée tout à l’heure à une défense et illustration de la Fédération nationale des transports routiers. Personne, ici, ne fait du transport routier un bouc émissaire, mais nous sommes obligés – il en va de l’intérêt national, de notre responsabilité vis-à-vis des générations à venir et de notre santé – de privilégier, politiquement et financièrement d’abord, des modes de transport alternatifs.
Je vais prendre des exemples dans ma région. Souvenons-nous du combat que nous avons mené pour le sauvetage de la ligne Pau-Canfranc. Notre action n’a malheureusement pas pu empêcher l’ouverture du tunnel du Somport, qui a considérablement augmenté le passage de camions dans la vallée d’Aspe. Ceux qui réclamaient hier l’ouverture de ce tunnel sont les mêmes qui, aujourd’hui, se plaignent que la vallée soit devenue un enfer.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue.
M. Noël Mamère. Je vais donner un autre exemple, que connaît bien notre secrétaire d’État aux transports, le projet d’installation d’un port méthanier au Verdon. Une telle installation, qui va entraîner la construction d’entrepôts de plusieurs milliers de mètres cubes, est-elle vraiment la meilleure solution, alors que le port du Verdon, qui est la fenêtre la plus avancée de l’Atlantique vers les États-Unis, constituerait un site convenant très bien au cabotage et au roll on-roll off ? Nous comptons sur votre soutien, monsieur le secrétaire d’État, pour refuser cette installation qui est une aberration et ne créera que quarante emplois.
M. le président. Merci, cher collègue. Nous avons un grand nombre d’orateurs inscrits, ce qui implique que chacun respecte son temps de parole.
M. Noël Mamère. J’ai bien compris, monsieur le président.
Pour faire écho à ce que disait tout à l’heure ma collègue Marisol Touraine au sujet de la gare de Saint-Pierre-des-Corps, je veux dire que nous en avons l’équivalent en région bordelaise : la gare de triage d’Hourcade, qui va malheureusement fermer parce que la SNCF donne la priorité au transport routier.
M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie.
M. Pierre Méhaignerie. Je vais tâcher d’être plus bref que M. Mamère.
Je veux d’abord dire que si un virage doit être pris, il n’en reste pas moins que, dans le contexte de la concurrence européenne, il convient de ne pas être trop naïfs, et de veiller à ce que nos transporteurs routiers ne se retrouvent pas brutalement placés dans des conditions difficiles.
Cela étant, l’objet essentiel de mon intervention a trait à la politique d’aménagement du territoire. Je rappelle les ouvrages qu’ont fait paraître Jean Fourastié et Jean-François Gravier dans les années 1960. C’est durant cette décennie que l’on a commencé à mettre en œuvre une politique d’aménagement du territoire ambitieuse.
M. Noël Mamère. Oui, tout pour la bagnole !
M. Pierre Méhaignerie. Cette politique a produit des résultats, permettant notamment de corriger des inégalités territoriales importantes et d’évoluer vers un pays un peu moins centralisé – même s’il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.
En 1986, j’étais moi-même ministre de l’équipement lorsque le Premier ministre de l’époque et le ministre de l’économie, Édouard Balladur, ont élaboré le nouveau plan routier destiné à s’appliquer aux vingt années suivantes. Il a alors été dit très clairement lors des comités interministériels que nous devions prendre la notion de distance et compenser l’effet périphérique en faisant en sorte que les autoroutes éloignées des centres européens et de consommation soient – dans la mesure du possible – gratuites. C’est dans cette optique que nous avions institué la gratuité de l’autoroute Clermont-Ferrand-Béziers. Aujourd’hui, si je peux comprendre la nécessité de la taxe dont il est question, il me semble que nous devons prendre garde à ne pas remettre en question une politique d’aménagement du territoire équilibrée.
Je remercie le secrétaire d’État chargé des transports et le rapporteur d’avoir corrigé l’article 1er. Tout est envisageable, sauf une chose, que beaucoup d’entre nous ne pourraient pas accepter : c’est que les régions périphériques, qui représentent 4 % de la richesse nationale, puissent demain se trouver obligées de payer 12 % de la taxe transport, ce qui irait radicalement à l’encontre d’une politique d’aménagement du territoire et creuserait les inégalités territoriales.
Avec Marc Le Fur et d’autres collègues, nous serons très attentifs à cette correction de trajectoire, monsieur le secrétaire d’État. Je vois certains de nos collègues d’Alsace sourire, ce qui est bien compréhensible, situés, comme ils le sont, au cœur de l’Europe ! Ceux d’entre nous qui se trouvent dans des régions périphériques sont certainement plus à même de mesurer la portée de mes propos. Pensez un peu au Finistère, mes chers collègues !
Mme Nicole Ameline. Et à la Normandie !
M. Pierre Méhaignerie. C’est pourquoi j’attire vraiment l’attention du Gouvernement sur la nécessité de prendre en compte les régions périphériques au moyen d’une politique d’aménagement du territoire qui a montré son efficacité en France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Bur.
M. Yves Bur. Nous engageons le débat sur l’article 10, qui introduit le principe d’une taxe sur les poids lourds, présentée comme l’un des mesures phares du Grenelle de l’environnement, parce qu’elle va ouvrir la voie à un nouveau mode de régulation du transport de marchandises, en conformité avec la directive Eurovignette de la Commission européenne. Si je tenais à prendre la parole, monsieur le secrétaire d’État, c’est pour vous faire part de ma colère, celle d’un parlementaire qui a fait voter par notre assemblée en décembre 2005, c’est-à-dire il y a bientôt trois ans…
M. Daniel Paul. J’en étais !
M. Yves Bur. …l’instauration en Alsace, à titre expérimental, d’une taxe poids lourds, plus connue dans ma région sous la dénomination de « taxe Bur ».
Le Parlement a donné son accord à cette expérimentation parce que l’Alsace subit depuis le 1er janvier 2005 un accroissement considérable du trafic de camions en raison de l’instauration depuis cette date par l’Allemagne d’une taxe portant le nom de Maut, qui concerne tous les véhicules de plus de 12 tonnes circulant sur l’ensemble du réseau autoroutier et sur quelques routes nationales en Allemagne. Ce qui devait arriver advint, et ce sont ainsi entre 2000 et 3000 poids lourds qui, depuis le 1er janvier 2005, quittent chaque jour l’autoroute Bâle-Hambourg pour se reporter sur les 160 kilomètres de l’axe nord-sud alsacien afin d’échapper au paiement de cette taxe allemande.
L’accroissement du trafic ne cesse d’inquiéter les automobilistes alsaciens qui nous font régulièrement part de leur exaspération face à l’inaction et à l’impuissance publiques, et subissent quotidiennement les dangers engendrés par les longues files de camions roulant à vive allure sur un réseau routier inadapté à une telle densité de trafic.
Je suis en colère parce que trois ans n’ont pas permis d’engager les travaux alors que, dès le vote de cet article innovant, les administrations de l’équipement et celle des douanes – auxquelles je rends hommage – ont pourtant fait preuve de bonne volonté pour mettre en œuvre cette expérimentation prévue pour une durée de cinq ans, dont trois sont déjà perdus faute de volonté politique de votre part, une expérimentation qui aurait pu se révéler utile pour la généralisation du dispositif proposé par l’article 10 et inscrit, semble-t-il, au chapitre II du projet de loi de finances dont nous débattrons la semaine prochaine.
L’État et votre ministère ont démontré, concernant la mise en œuvre de la taxe alsacienne, que l’expérimentation et l’innovation ne sont jamais les bienvenues en France, car elles ont le tort de bousculer la pensée unique, qui trop souvent se complaît de l’impuissance publique. Je le déplore d’autant plus qu’une telle expérimentation était attendue – et l’est toujours – par les Alsaciens et que les lenteurs administratives décrédibilisent le travail parlementaire.
Je le déplore d’autant plus qu’au 1er janvier 2009, l’Allemagne, où cette taxe ne suscite plus le moindre débat dans la mesure où elle est répercutée intégralement sur les clients des transporteurs allemands, a décidé d’augmenter le montant de la taxe Maut de 20 %, encourageant encore davantage le report des camions sur les routes alsaciennes. Permettez-moi de douter de votre engagement de mettre en œuvre la taxe camions dès 2009, quand on sait qu’il faudra près de dix-huit mois entre l’appel d’offres pour choisir le délégataire qui assurera l’installation des portiques électroniques pour les contrôles et la mise en œuvre du système de péage automatisé.
Monsieur le secrétaire d’État, quel message concret les élus de ma région peuvent-ils encore transmettre à la population ? Comment donner de la crédibilité aux engagements que nous prenons au moyen de ce texte sur la taxe camions ? J’espère que vous nous donnerez quelques raisons d’espérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Joël Giraud. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. J’interviendrai sur le paragraphe VI de l’article 10, qui a trait au fret routier, en complément de l’intervention très technique de ma collègue Pascale Gruny.
L’instauration d’une taxe poids lourds pour l’utilisation du réseau non concédé est un vieux projet qui pose un certain nombre de problèmes. Je voudrais soulever ici un point qui m’apparaît important, celui de la neutralité fiscale : il faut à tout prix éviter une double imposition pour les transporteurs.
M. Yves Bur. Évidemment !
M. Lionel Tardy. Je comprends parfaitement le but de cette taxe, qui est d’alourdir le coût du transport routier afin de favoriser les autres modes de transport. Cela peut fonctionner à condition qu’il puisse y avoir substitution des modes de transports. Or, c’est loin d’être le cas en matière de transport routier, qui est la seule solution pour les transports de courte distance et de porte à porte. Quand il n’existe ni liaison ferroviaire ni maritime, comment fait-on ? On utilise le transport routier.
Si on décide une telle mesure générale, on va juste alourdir la fiscalité du transport routier, donc le coût, pour des acteurs économiques qui n’ont pas le choix. Nous sommes non plus dans la fiscalité incitative, mais dans la pénalisation idéologique d’un mode de transport. Je souhaite que l’on y fasse attention.
M. Yves Cochet. Le changement climatique, c’est idéologique ?
M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
M. Yves Cochet. J’ai un peu hésité à intervenir sur l’article car j’aurai l’occasion de prendre la parole pour défendre mes amendements. Si je me suis finalement décidé à le faire, c’est que ce que j’entends depuis un moment me paraît très idéologique – mais au sens péjoratif du terme, car l’idéologie, tout le monde en fait. En la matière, c’est avant tout un point de vue sur le monde, la réalité sociale, économique, écologique, et sur l’avenir de la France et de l’Europe.
Comme nous l’avons vu hier lors du débat sur la crise financière et en ce moment même, la plupart d’entre nous semblent considérer comme inéluctable de voir le volume de transport de marchandises et de passagers s’accroître sans cesse, sur les plans urbains et interurbains. Pour ma part, je n’y crois pas – et pas pour des raisons idéologiques. Il y a quatre ans et demi, au printemps 2004, nous discutions de la loi d’orientation sur l’énergie. J’ai parlé pendant des heures pour expliquer qu’il y aurait peut-être une raréfaction des ressources et un renchérissement du coût de l’énergie en général et du pétrole en particulier, puisqu’il s’agit, et de loin, de la source d’énergie la plus utilisée : pour les transports, le pétrole représente plus de 95 % de l’énergie de base. Ce n’est pas le gaz, ni le charbon, ni l’électricité, mais le pétrole ! L’échelle de temps utilisée lorsqu’on construit une infrastructure ou que l’on met en place un nouveau mode de transport est d’au moins vingt ans, quand ce n’est pas trente ans ou cinquante ans. On ne construit pas une autoroute, un aéroport, un canal Rhin-Rhône – heureusement, celui-ci ne sera pas construit –…
M. Éric Straumann. C’est dommage !
M. Yves Cochet. …ou encore un canal Seine-Nord pour dix ans ! C’est du lourd, du très lourd ! Si vous croyez que les vingt prochaines années vont être comme les vingt dernières, vous vous trompez totalement, et pas pour des raisons liées à quelconque volontarisme politique, mais pour des raisons purement matérielles.
M. Serge Poignant. Nous n’avons jamais dit cela !
M. Yves Cochet. Le pic de Hubbert montre que la production de pétrole a déjà commencé à décroître – ce qui est également vrai pour le gaz. Ce fait va profondément bouleverser nos modes de transport, car le prix de l’essence va augmenter. Vous allez me dire qu’il est en train de baisser, mais n’oubliez pas que nous sommes entrés dans une période de récession ! Nous avons eu hier un débat sur la crise financière, lors duquel j’ai essayé d’exposer un point de vue constituant une alternative au conformisme mental qui atteint la plupart des bancs de cette assemblée. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Certains ont tenu des propos triomphalistes, tirant argument du fait qu’à la suite de l’Eurogroupe, les bourses avaient remonté lundi et mardi. Pas de chance, le CAC40 est à nouveau à moins 6 % aujourd’hui ! Peut-être remontera-t-il demain, nul ne peut le dire. Ce qui est certain, c’est que la récession dans laquelle nous venons d’entrer va être longue et profonde, notamment dans le domaine des transports. Et on ne pourra pas y faire grand-chose : le pic de Hubbert n’est pas un modèle économique, mais une courbe tracée sur la base d’un phénomène géologique. Que voulez-vous faire contre la géologie ? Quand il y a moins de pétrole, on n’y peut rien !
Dans ces conditions, vouloir protéger les poids lourds est irresponsable du point de vue social, pour les transporteurs routiers, et pour l’économie de la France. Il faut tenir compte de la réalité matérielle du monde ! Je mets en garde contre les articles 10, 11 et 12 sur les transports : remplacer une offre de transport routier par une autre offre ne se fait pas si facilement – même si je préfère, pour ma part, le transport fluvial, le cabotage et le transport par chemin de fer. J’ai des diapositives qui montrent que les voies de chemin de fer étaient dix fois plus étendues en 1921 qu’elles ne le sont aujourd’hui. Depuis quatre-vingt-dix ans, on a cassé systématiquement les voies de chemin de fer au profit des camions et des bagnoles !
Et la facture va arriver assez vite d’abord la facture pétrolière, mais aussi la facture sociale. Il y a actuellement 36 000 transporteurs routiers, mais je suis prêt à prendre le pari que, dans dix ans, ils seront moins de 5 000 et cela n’a rien à voir avec le volontarisme politique. Ce mode de transport coûtera tout simplement trop cher, à cause des gaz à effet de serre en aval du carbone et à cause de la déplétion pétrolière en amont.
Essayons donc d’être réalistes ! Ce n’est pas une question d’idéologie. Regardons en face la réalité du monde. Tous les volontarismes politiques n’y pourront rien : quand les ressources diminuent, elles diminuent, et notre aveuglement en matière d’infrastructures pourrait nous coûter très cher.
M. Noël Mamère. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.
M. Jean Lassalle. Si les dispositions contenues dans l'article 10 devaient être appliquées avec effet, je croirais volontiers dans les bienfaits du Grenelle et dans son utilité. Je croirais de nouveau, plus globalement, à l’efficacité de l’action publique et penserais que nous ne sommes pas seulement capables de discourir et de nous écharper pendant les campagnes électorales, mais aussi de décider d’orientations et de les concrétiser.
Je défends toutes les formes de développement des transports, que ce soit sur route – depuis les diligences, hier, jusqu’aux voitures et aux camions, aujourd’hui – ou sur rail – n’avons-nous pas été le grand pays du chemin de fer ? –, qu’il s’agisse des canaux ou du cabotage, pour lequel nous ne sommes qu’aux balbutiements. Or force est de constater aujourd’hui que, si l’on parle beaucoup de transport, on ne fait plus rien.
Heureusement, cher Pierre Méhaignerie, que l’on a désenclavé la Bretagne dans les années soixante, à l’époque où les artichauts s’abattaient sur le képi du général (Rires.) ; heureusement qu’on a désenclavé le Massif central ; heureusement que de Paris partent des trains, des routes et des autoroutes qui mènent à toutes les grandes métropoles européennes. Mais ailleurs, c’est une autre paire de manches !
Certes, lorsque l’on vit dans l’une des vingt plus grandes villes de France, on est relié à tous les points du globe et l’on ne se rend pas compte de ce que signifie n’être relié à rien, des incidences que cela peut avoir et dont personne ne parle.
Je suis député des Basques et des Béarnais, et certains d’entre vous connaissent les problèmes auxquels j’ai eu à faire face sans m’y dérober. Ma circonscription est aujourd’hui l’une des plus enclavée de France mais aussi d’Europe, et ce n’est pas un hasard si la cause basque est aujourd’hui ce qu’elle est ; je le dis avec beaucoup de respect pour ceux qui combattent dans ce camp là. En effet l’enclavement enferme et incite au repli sur soi. Que serait la Bretagne aujourd’hui, si on ne l’avait pas désenclavée ? Que seraient le Massif central et tant d’autres pays ?
J’ai bataillé un temps avec Noël Mamère, ici présent, à propos du tunnel du Somport. Je n’en ai plus envie aujourd’hui, parce que j’ai découvert que les écologistes étaient, eux aussi, animés par les meilleures intentions du monde.
On n’est jamais à court d’argument sur le chemin de fer en période électorale, mais que voit-on en dehors des grandes lignes ? Rien. Certes, on sait faire des TGV pour les grandes métropoles, mais où sont donc les locomotives et les wagons destinés aux petites voies secondaires ? Où sont passés les tuyaux (Rires.) comme diraient les pompiers en cherchant aussi la grande échelle !
Autrefois l’on savait construire des gares et des routes. Aujourd’hui, dès qu’une route est ébauchée, elle est aussitôt arrêtée. Je l’ai vu dans un micropays du Béarn, la vallée d’Aspe. Tous étaient d’accord en 1980, y compris les écologistes, pour dire qu’il fallait améliorer la route reliant l’Aragon à l’Aquitaine, la France à l’Espagne. Cela passait par le tunnel du Somport, pour lequel je me suis beaucoup battu et qui méritait que l’on rouvre une ligne de chemin de fer construite il y a plus d’un siècle.
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean Lassalle. Cependant tout cela n’a abouti à rien. Les travaux entrepris ont été stoppés et le tunnel, côté Français, n’est relié à rien. C’est un déshonneur pour notre pays. Au-delà du Grenelle de l’environnement, si la France veut retrouver une parcelle d’honneur, elle doit régler cette question-là ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, dans la mesure où seize orateurs se sont déjà exprimés sur cet article, j’espère que nous pourrons avancer plus vite sur l’examen des amendements.
La parole est à Mme Françoise Branget, dernier orateur inscrit.
Mme Françoise Branget. À mon sens, l’article 10 est l’un des plus important de ce texte. Il fixe les orientations en matière d’infrastructures de transport et d’aménagement du territoire. On l’a vu, les transports représentent tout un pan de notre économie. Si nous pouvons nous satisfaire de la volonté du Gouvernement de reporter 25 % de la part du fret sur le non routier d’ici à 2021, je regrette que le réseau fluvial composé de canaux à grand gabarit évoqué à l’alinéa 5 de l’article ne concerne que la liaison Seine-Nord Europe.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous avez raison !
Mme Françoise Branget. Pour le reste, aucun autre maillage ni aucune autre liaison interbassin ne sont prévus. Or, pour que le transport fluvial soit performant, il faut d’abord remettre en état ses infrastructures et les moderniser. Cela vaut pour la mise au gabarit Va du canal Rhin-Rhône à Sète, la réalisation de la section Bray-Nogent sur la Seine, la réouverture du tunnel de Rove ou encore la construction de l’écluse nécessaire à la desserte fluviale directe de Port 2000 au Havre, qui devrait être réalisée sans délai pour que notre port soit désenclavé.
Il faut ensuite poursuivre le maillage du réseau fluvial et réaliser pour cela des liaisons interbassins Seine-Est, Saône-Rhin et Saône-Moselle. Il n’est pas question de mettre ces liaisons en concurrence ni d’en hiérarchiser les priorités, mais la carte de ce maillage, établie après étude et concertation, devrait assurer la cohérence du bouclage du réseau national à grand gabarit et sa connexion avec l’Europe fluviale.
M. Yves Bur. Eh oui !
Mme Françoise Branget. L’inscription de cette carte au schéma du réseau transeuropéen de transport devra être demandée à l’Union européenne.
Aujourd’hui, il ne s’agit pas d’opposer les modes de transport, mais de les faire coexister en bonne intelligence. Il faut se rendre à l’évidence : notre réseau routier et autoroutier n’est plus en capacité d’accepter tous les échanges commerciaux, ce qui nous oblige à réexaminer sérieusement les modes alternatifs comme le transport fluvial ou le rail. Or la France, contrairement à d’autres pays, a perdu la culture du transport fluvial qui, je le rappelle, est le transport le plus économique en termes énergétiques et en termes d’émissions de CO2 par tonne transportée.
M. Yves Bur. Merci, madame Voynet !
M. Yves Cochet. Pas Rhin-Rhône !
Mme Françoise Branget. J’avais déposé plusieurs amendements qui sont tombés sous le coup de l’article 40, je le regrette. Nous savons certes que ces infrastructures ont un coût colossal, mais permettez-moi de vous dire que les sommes allouées au Lyon-Turin permettraient de financer la construction des liaisons Seine-Nord, Seine-Moselle et Saône-Rhin.
Monsieur Cochet, vous avez vivement réagi face en parlant d’absence de politique à long terme. Mais que ne l’avez-vous fait lorsque vous étiez aux commandes !
M. Yves Cochet. C’est vrai !
Mme Françoise Branget. Si la réalisation de la liaison Saône-Rhin-Rhône n’avait pas été annulée par le gouvernement Jospin (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), notre collègue Yves Bur ne rencontrerait sans doute pas les problèmes auxquels il est confronté aujourd’hui, puisque le projet aurait dû être achevé en 2010. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Yves Bur. Vous avez raison !
M. Yves Cochet. Mais non !
Mme Françoise Branget. Je souhaite donc vivement que nous réexaminions ces projets ainsi que leur financement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Je remercie l’ensemble des orateurs pour la qualité de leurs interventions et l’importance qu’il accordent à l’article 10, fondamental en effet pour le Grenelle de l’environnement, puisque le report modal a été défini par ses participants comme une priorité.
Nous devons avant tout nous resituer dans une perspective européenne, a fortiori au moment où la présidence française s’applique à développer une politique européenne des transports.
Nous travaillons actuellement sur les autoroutes de la mer et sur les réseaux transeuropéens de transport qui sont les grandes artères qui irrigueront l’Europe en matière de fret et qui ont fait l’objet, hier, d’une réunion des principaux ministres européens.
La semaine dernière, lors d’un conseil des ministres des transports, nous avons également fait progresser la sécurité maritime en faisant adopter un accord politique sur des directives, auquel s’opposaient jusqu’à présent une majorité de pays de l’Union. Or c’est un élément essentiel de la politique de report modal.
Parmi les différents modes de transport que vous avez évoqués, la route est évidemment prioritaire.
M. Yves Cochet. Non !
M. Dominique Bussereau. Elle est vouée, compte tenu des efforts accomplis en sa faveur, à le rester encore longtemps dans les pays développés. Le Président de la République a pris à ce sujet des engagements très clairs lors de sa campagne électorale, inscrivant dans son programme la création d’une redevance d’usage pour les poids lourds.
Cette redevance, qui n’a pris personne par surprise, puisqu’il en avait évoqué l’idée devant les organisations professionnelles, devrait s’appliquer sur le réseau autoroutier actuellement non concédé, sur ce qu’il reste de routes nationales et, éventuellement, si une collectivité locale le souhaite, sur une partie du réseau départemental, sachant que, dans ce cas, la ressource profite à la collectivité qui instaure cette redevance mais qu’elle doit naturellement être affectée au développement des infrastructures. Tel est l’un des objets de l’article 10.
Nous devons tenir compte de la concurrence européenne que subissent nos transporteurs, prendre en compte les différents contraintes géographiques et faire en sorte que la charge ne repose pas seulement sur nos entreprises de transport, qui connaissent une conjoncture difficile. C’est tout l’objet des mesures que nous proposerons par amendements pour faire en sorte que cette taxe, dont la mise en place est prévue pour 2011, n’obère ni la compétitivité de nos entreprises ni leur capacité à créer de l’emploi.
Cela étant, ce n’est pas une affaire simple. J’ai suivi de près la mise en place de la LKW-Maut en Allemagne, laquelle a pris beaucoup de retard et nécessité l’emploi d’une technologie particulière, qui n’est pas celle qu’utilisent les systèmes tchèques ou autrichiens.
Il faut donc veiller – mais Galileo devrait nous en préserver – à ne pas reproduire avec le transport routier les mêmes erreurs qu’avec le transport ferroviaire, pour lequel chaque pays avait choisi son écartement, son équipement, sa signalisation et ses règles de sécurité. Les poids lourds européens ne doivent pas non plus se transformer en armoires à matériaux électroniques. Nous devons prendre garde à l’interopérabilité, à laquelle n’avaient guère songé les ingénieurs de la fin du xixe siècle.
J’ajoute que nous devrons mettre en place une technologie adaptée.
J’ai bien noté l’intervention de M. Bur et je connais les difficultés engendrés par le report du trafic de la rive droite à la rive gauche du Rhin, difficultés qui sont liées à la LKV-Maut en Allemagne. Il faudra, le plus rapidement possible, mettre en place cette expérimentation alsacienne ; elle pourra, si le Parlement en décide ainsi, précéder la généralisation de la redevance d’usage à l’ensemble du réseau routier. Nous devrons tenir compte de l’ensemble des éléments, mais celui-ci est très important, notamment pour le financement de nos futures infrastructures.
Le président de la République l’avait très clairement dit au cours de sa campagne, et M. Borloo l’avait aussi mentionné au cours du Grenelle ; cet engagement est tenu par le Gouvernement.
M. Bertrand Pancher. Parfait !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. S’agissant du transport ferroviaire, on ne peut que déplorer la perte de parts de marché du mode ferroviaire. L’ennui, c’est qu’elle se poursuit en France alors qu’elle est enrayée dans les pays qui nous entourent ; ceux-ci constatent même une augmentation des parts de marché du transport ferroviaire.
Cela signifie que notre entreprise nationale – et elle en est consciente – a mal géré, ou mal organisé, son système de fret ces dernières années.
Mme Fabienne Labrette-Ménager. Évidemment !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Elle est en train de le réformer : lorsque la SNCF prend le contrôle complet de Geodis, elle ne fait qu’imiter avec deux ou trois ans de retard ce que la Deutsche Bundesbahn, la société de chemins de fer allemande, a fait avec Schenker, qui est le plus grand logisticien allemand.
Aujourd’hui, si vous êtes un entrepreneur allemand dans la région d’Hanovre et que vous livrez une machine-outil à Pékin, les chemins de fer allemands sont capables de prendre livraison de votre machine-outil, de l’emporter à Hambourg, d’affréter un navire pour la livrer en Chine, et même de la livrer directement dans l’usine chinoise. Il faut que la SNCF soit capable de faire la même chose. La prise de participation complète de Geodis va dans cette direction.
Je pense également – pardon, monsieur Paul, je sais que nos avis diffèrent sur ce point – que la libéralisation et l’ouverture à de nouveaux opérateurs européens depuis 2006 est un élément fondamental. Ce n’est pas la Deutsche Bundesbahn seule, mais l’ensemble des nouveaux opérateurs, qui ont lancé pour le fret le renouveau du rail en Allemagne.
Reprenons l’exemple du port de Hambourg : jusqu’à 350 kilomètres de cette ville, près de 75 % du fret passe par les opérateurs ferroviaires, mais ce port compte près d’une centaine d’opérateurs de proximité, qui vont chercher le fret sur les quais, le mettent en place et seulement ensuite le transmettent aux grands opérateurs. En effet si ces derniers peuvent faire beaucoup de choses, ils ne sont pas en mesure d’entrer en compétition avec les autres modes de transport pour le transport de proximité.
Nous croyons donc au développement des opérateurs de proximité, et à la possibilité qu’il y ait de multiples opérateurs (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il faut bien sûr une régulation, des sillons, comme M. Paternotte l’a très justement souligné.
Dès que le calendrier parlementaire le permettra, M. Borloo et moi-même présenterons un projet de mise en place d’une autorité de régulation ferroviaire, qui sera le gendarme des sillons, comme cela existe déjà dans le domaine des télécommunications et dans celui de l’énergie.
S’agissant du mode fluvial, dont Mme Branget a traité, il est vrai que nous avons pris beaucoup de retard. Nous avons stoppé certains grands investissements. C’est pourquoi le Gouvernement vous propose, parmi les chantiers du Grenelle de l’environnement, un investissement majeur : le projet Seine-Escaut. Je vous promets, madame Branget, d’étudier également l’investissement Seine-Moselle, alternative au projet Rhin-Rhône disparu il y a quelques années.
M. Yves Cochet. Non !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Un simple regard sur le développement des trafics permet de constater que sur la Seine, entre Le Havre, Rouen et Paris, ainsi que sur le Rhône et la Saône entre Marseille et la Saône-et-Loire, le transport fluvial progresse à nouveau de manière très importante, malgré quelques difficultés l’an dernier.
Nous devons réaliser l’intermodalité entre le routier, le ferroviaire, le fluvial, notamment entre ces deux derniers modes de transport. En France, le fluvial peut acquérir d’importantes parts de marché ; ainsi, les grandes surfaces de la région parisienne sont aujourd’hui souvent livrées par voie fluviale, notamment pour les équipements qui relèvent du « blanc » : ainsi, les réfrigérateurs – je ne dis pas les frigidaires, comme Mme Royal – viennent souvent de Rouen ou du Havre grâce à une voie fluviale en plein développement.
Mme Valérie Fourneyron. Et le papier !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Enfin, nous devons penser au transport maritime.
Je remercie la majorité parlementaire d’avoir bien voulu adopter la grande réforme des ports que nous vous avons présentée, et qui leur redonnera la place qu’ils n’auraient jamais dû perdre face aux ports du Nord de l’Europe. Nous allons donc développer le transport maritime, par le développement tant du cabotage que des autoroutes de la mer. Le transport fluvial est au cœur de nombreuses politiques.
Je vous remercie d’avoir marqué, par la qualité de vos interventions, votre souhait d’engager une forte politique de fret et une forte politique de report modal. C’est l’objet du Grenelle de l’environnement ainsi que des articles et des amendements que nous allons étudier ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 10.
L’amendement n° 90 de la commission est de précision.
(L’amendement n° 90, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 888, 821 et 946, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Daniel Paul pour défendre l’amendement n° 888.
M. Daniel Paul. Tous les échanges que nous avons eus sur les questions de transport montrent qu’il s’agit de questions d’intérêt général. Il faudrait donc que cette notion figure explicitement dans le texte, comme cela a été fait, par exemple, dans la loi d’orientation des transports intérieurs. Cela permettrait aussi d’indiquer une méthode.
Je ne suis pas naïf. M. Méhaignerie a souligné tout à l’heure qu’il ne fallait pas vouloir transformer la France si les choses ne bougent pas dans les autres pays européens. Cependant je pense qu’elles bougeront aussi chez nos voisins ; ce ne sera pas l’obstacle principal.
Ainsi, pour le trafic partant du port du Havre, il est vrai que, jusqu’à 150 ou 200 kilomètres, le rail n’est sans doute pas aujourd’hui, compte tenu des ruptures de charge, l’outil le plus pertinent pour transporter les containers. Au-delà de cette distance – à quelques dizaines de kilomètres près – le rail, ou la voie d’eau, sont probablement les outils les plus pertinents. L’intérêt général consiste à bien étudier les éléments sur lesquels il convient de faire porter l’effort, de façon à ce que les investissements, les reports modaux vers le rail, vers le fluvial, vers le maritime, se fassent là où ça paye, c’est-à-dire en termes environnementaux puisque tel est l’objet du texte.
Vouloir lancer des investissements lourds, au moins dans la période qui vient, pour transporter un, deux ou trois containers me paraît difficilement défendable. En revanche, que nos grands ports – Marseille, Bordeaux, demain je l’espère, Nantes, Le Havre, Rouen évidemment, Dunkerque – disposent de tous les moyens de dégager ou d’amener le fret portuaire me paraît teinté de bon sens. C’est en cela que je crois qu’il serait bon d’introduire ici la notion d’« intérêt général ».
M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour pour soutenir l’amendement n° 821.
M. Jean Dionis du Séjour. La notion d’intérêt général est évidemment plus forte que celle de priorité qui fluctue avec le temps et les gouvernements. Le basculement du tout-voiture vers un nouvel équilibre entre les différents modes de transport est l’un des deux très grands chantiers du Grenelle. Avec l’efficacité économique des bâtiments, ce sont les deux grandes dynamiques. À mon sens elles ont d’ailleurs été déjà lancées mais elles peuvent encore être renforcées.
Ces deux chantiers sont d’intérêt général pour l’enjeu économique qu’ils représentent tant pour le secteur concerné que pour le pays tout entier, non seulement en termes de diminution de notre facture pétrolière, mais, surtout, dans une perspective écologique.
Notre amendement n° 821 solennise cette priorité.
M. le président. La parole est à M. Yves Cochet pour soutenir l’amendement n° 946.
M. Yves Cochet. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Jacob, rapporteur. Avis défavorable sur les trois amendements.
Le droit ne définit pas la notion d’intérêt général. La notion de caractère prioritaire est plus précise sur le plan juridique, elle est plus forte et dès lors elle paraît préférable.
(Les amendements nos 888, 821, 946, repoussés par le Gouvernement et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je prends la parole quelques instants pour vous rappeler où nous en sommes.
Depuis 16 heures 15, nous avons étudié vingt-cinq amendements. Sur l’article 10, nous avons discuté 1 heure 10 et écouté dix-sept intervenants.
Il nous reste donc 1 389 amendements à examiner, soit environ soixante heures de débats au rythme actuel. Or, jusqu’à vendredi à une heure du matin, nous disposons de trente heures de débats. Je tenais à vous en prévenir : une telle situation risque de poser problème, puisque nous entamerons lundi l’examen de la loi de finances.
Nous espérons tous que le texte sur le Grenelle de l’environnement sera voté le plus rapidement possible, puisque nous voulons agir dans le sens de ce grand mouvement. Sans efforts de concision de la part de tous, nous ne finirons pas le texte dans la nuit de vendredi.
M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour pour soutenir l’amendement n° 909.
M. Jean Dionis du Séjour. L’amendement est défendu.
(L’amendement n° 909, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 91, 577 et 655, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur pour défendre l’amendement n° 91.
M. Christian Jacob, rapporteur. L’amendement n° 91 vise à mentionner le transport fluvial à la dernière phrase de l’alinéa 1, car il nous semblait qu’il n’apparaissait pas suffisamment. La commission l’a adopté à l’unanimité.
M. le président. L’amendement n° 577 est défendu, qu’en est-il du n° 655 ?
Mme Françoise Branget. Il est retiré.
(L’amendement n° 655 est retiré.)
(L’amendement n° 91, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 577 tombe.
La parole est à M. Philippe Duron pour défendre l’amendement n° 777.
M. Philippe Duron. L’amendement n° 777 vise à solvabiliser le lancement des transports innovants, comme les autoroutes de la mer ou les transports fluviaux, en prévoyant une anticipation du financement grâce à une avance remboursable sur les crédits carbone, qui pourraient être ensuite monétisés. Un tel processus, quoiqu’un peu innovant, permettrait sans doute d’éviter certains échecs, comme celui de l’autoroute de la mer ou de la voie qui avait été lancée par le port de Bayonne voici quelques années.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Jacob, rapporteur. Sur le principe, je suis favorable, mais un aspect de l’amendement me pose problème, monsieur Duron, le fait que le dispositif soit « mis en place par l’État ». Accepteriez-vous de retirer ces termes ?
M. Philippe Duron. Je suis d’accord.
M. le président. L’amendement n°777 serait donc rectifié et il tendrait à compléter l’alinéa 1 de l’article 10 par la phrase suivante : « Pour ce faire, un dispositif d’avances remboursables sur crédits carbone sera étudié pour faciliter le démarrage des projets innovants et permettre aux opérateurs de les stabiliser économiquement ».
M. Philippe Duron. Oui.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement ainsi modifié ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Favorable.
(L’amendement n° 777, ainsi modifié, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Duron pour soutenir l’amendement n° 579.
M. Philippe Duron. Cet amendement aborde un sujet qui a été largement évoqué dans la discussion générale, celui de la rénovation du réseau fluvial magistral.
Nous souhaitons insérer, après l’alinéa 1 de l’article 10, l’alinéa suivant :
« La politique durable des transports fait de l’amélioration de la qualité et de la modernisation du réseau fluvial magistral existant une priorité. La modernisation des barrages de navigation à fonctionnement manuel, ou dans un état de vétusté présentant un danger fonctionnel, sera assurée en priorité. »
Cela nous semble très important si l’on veut que le réseau des canaux et des fleuves en France soit cohérent et que l’on puisse augmenter la capacité de transport du fret fluvial.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Jacob, rapporteur. Je souhaite que M. Duron retire son amendement au profit de l’amendement n° 658 déposé par Mme Branger qui est plus court et, objectivement, mieux rédigé. Je vous le lis :
« Le réseau fluvial dit magistral, et en particulier celui à grand gabarit, fera l’objet d’un plan de restauration et de modernisation, dont le montant financier devra être clairement établi. »
M. Philippe Duron. Je veux bien me rallier à l’amendement de Mme Branger.
M. Christian Jacob, rapporteur. Et vous le co-signerez.
(L’amendement n° 579 est retiré.)
M. le président. L’amendement n° 92 de la commission est de cohérence.
(L’amendement n° 92, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 719, 272 et 270 tombent.
Nous en venons donc à six amendements, nos 945, 576, 894, 93, 735 et 943, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement n° 93 fait l’objet d’un sous-amendement, n° 736. Les amendements nos 735 et 943 sont identiques.
La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l’amendement n° 945.
M. Yves Cochet. Je propose une nouvelle formulation de l’alinéa 3 de l’article 10 pour préciser les engagements. Je trouve d’ailleurs curieux que ce chapitre consacré aux transports contienne parfois des choses extrêmement précises, comme l’évaluation du coût de Seine Nord, et se contente ailleurs d’énoncer de grands principes.
Nous nous situons, nous, entre les deux puisque notre amendement affirme d’une part, la volonté politique « d’augmenter de 25 % la part du ferroviaire d’ici 2012 », d’autre part, l’objectif « de transférer deux millions de camions vers le rail en 2020 et l’intégralité à terme ».
Que s’est-il passé jusqu’à présent ? Le trafic de marchandises à plus que doublé entre 1971 et 1996, essentiellement au bénéfice de la route qui, elle, a connu un essor de 150 %, tandis que, dans le même temps, le fret ferroviaire perdait un quart de ses parts de marché et le transport fluvial plus de la moitié.
Aujourd’hui, vous voulez changer de mode et favoriser le fluvial, le ferroviaire et autres. Nous en sommes d’accord. C’est pourquoi nous proposons un amendement plus précis pour parvenir à un changement de mode qui soit plus gentil pour l’environnement, comme on dit parfois en anglais, dans le sens de meilleur pour la réduction de l’empreinte écologique des transports, pour parler « techno ».
M. Alain Gest. Ah, ça nous manquait !
M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit, pour soutenir l’amendement n° 576.
Mme Annick Lepetit. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour défendre l’amendement n° 894.
M. Daniel Paul. Le projet de loi indique : « L’objectif est d’augmenter de 25 % d’ici 2012 la part de marché du fret non routier. » Deux choses me chagrinent dans cette rédaction.
D’une part, l’utilisation du terme « marché », parce que, pour moi, cela signifie l’abandon de la politique de volume. Si vous parlez de marché, cela veut dire que vous êtes prêt à abandonner des transports de fret ferroviaire réputés non rentables au profit d’un positionnement sur ce qui est rentable uniquement. C’est pourquoi nous vous proposons de ne plus parler de « part de marché » mais de « part modale », c’est-à-dire de ce qui compte.
J’ai parlé précédemment d’intérêt général. En ce domaine l’intérêt général est qu’il y ait de moins en moins de camions portugais qui viennent chercher du fret au port du Havre ou de camions polonais qui viennent chercher des billes de bois sur le port de Rouen.
M. Claude Bodin. Quel ostracisme ! (Sourires.)
M. Daniel Paul. C’est ce qui se passe actuellement.
D’autre part, plutôt que de fixer un objectif d’augmentation de 25 % d’ici à 2012, nous préférons demander que l’ensemble du fret non routier soit « amené de 14 % aujourd’hui à 25 % en quinze ans ». C’est en effet cela qui était dans les textes du Grenelle au départ, non le simple objectif d’augmenter la part de marché de 25 % d’ici à 2012. Cet aliéna 3 opère une sorte de tour de passe-passe, qui ne nous semble conforme ni aux intérêts défendus par le Grenelle ni aux négociations qui ont été menées il y a environ un an.
M. André Chassaigne. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 93.
M. Christian Jacob, rapporteur. Ayant écouté attentivement les dépositaires des différents amendements, je crois que mon amendement est à même de les satisfaire. Il permettrait même d’améliorer le dispositif en parlant de « fret non routier » et non pas du ferroviaire, ce que vous faites à chaque fois.
M. Daniel Paul. On est d’accord.
M. Christian Jacob, rapporteur. Dans la première phrase de votre amendement, monsieur Paul – je l’ai bien lue car je me disais que je pourrais peut-être vous faire plaisir – vous parlez de « 25 % de la part modale du fret ferroviaire d’ici 2012 ».
M. André Chassaigne. Ce n’est pas la même chose.
M. Daniel Paul. Lisez la deuxième phrase.
M. Christian Jacob, rapporteur. Vous parlez en effet du fret non routier dans la deuxième phrase, mais je préfère l’amendement que la commission a adopté. Il ne parle, lui, que de « la part du fret non routier » ce qui me semble meilleur. Je pense qu’il pourrait recueillir l’unanimité.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est la même chose en effet.
M. Daniel Paul. Quel pourcentage fixez-vous ?
M. Christian Jacob, rapporteur. Nous restons sur le même pourcentage mais, au lieu de parler spécifiquement du ferroviaire, on parle du « non routier » ce qui permet d’inclure également le fluvial.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. C’est clair.
M. le président. Monsieur Gest, seriez-vous prêt, dans cette perspective de recherche d’un consensus, à retirer votre sous-amendement n° 736 ?
M. Alain Gest. Bien sûr, monsieur le président, ainsi que l’amendement n° 735.
(Le sous-amendement n° 736 et l’amendement n° 735 sont retirés.)
M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 943.
M. Noël Mamère. Ainsi que M. Cochet l’a souligné, le texte fixe des objectifs très précis sur certains sujets, et rien sur d’autres. Cependant M. Jacob devrait être satisfait par l’amendement n° 945 de mon collègue Yves Cochet qui parle de « fret non routier » ; il inclut donc le fluvial comme il le propose.
L’amendement n° 943 vise à mettre ce projet de loi en conformité avec les engagements du Grenelle. Nous proposons en effet qu’à l’échéance de 2022, en passant par une étape en 2012, la part du routier soit réduite de manière très significative, ce qui correspond à l’engagement n° 37 des négociations du Grenelle de l’environnement et à ce qui a été lancé par la Commission de Bruxelles dès 2006.
M. Jacques Barrot, vice-président de la commission chargée des transports, avait ainsi déclaré, prônant l’innovation de la logistique et la création de corridors verts lors de la présentation du plan d’action : « L’Europe a besoin d’alternatives de transport performantes, intégrées, qui sont à la fois respectueuses de l’environnement et répondent aux besoins des utilisateurs. Les mesures que j’ai présentées aujourd’hui vont ainsi rendre le rail et le transport maritime et fluvial plus attractifs, plus concurrentiels dans la perspective de la co-modalité ».
Je ne reprendrai pas le débat, pour me plier aux souhaits formulés par le président de la commission sur la durée de nos discussions ; je dis simplement qu’on ne sortira pas de cette dictature du tout routier si on ne s’engage pas de manière chiffrée, tant au plan français qu’au plan européen, sur les modes alternatifs.
M. Christian Jacob, rapporteur. C’est ce que nous proposons.
M. Noël Mamère. Nous proposons non de remplacer le routier par le ferroviaire, mais de donner une place beaucoup plus importante à tout ce qui est non routier, aussi bien le fluvial que le cabotage ou le transport combiné.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous sommes d’accord, monsieur Mamère.
M. Noël Mamère. Votez notre amendement alors.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ralliez-vous plutôt à celui de la commission.
M. le président. M. le rapporteur a présenté un amendement qui, en évoquant le « non routier » permet d’intégrer le fluvial, ce qui est nécessaire, tout le monde en convient. La logique serait que chacun retire son amendement et se rallie à cette formulation qui, de fait, à entendre les uns et les autres, devrait pouvoir recueillir l’unanimité. Cela nous permettrait de gagner du temps.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 93 de la commission.
M. le président. Tout le monde est d’accord pour se rallier à l’amendement de la commission ?
M. Daniel Paul. Non !
M. le président. Vous avez la parole, monsieur Paul.
M. Daniel Paul. Il y a quelque part tromperie, ou du moins une erreur ou une faute. Il n’est pas équivalent de parler en valeur modale ou en valeur tout simplement : soit on privilégie la valeur de la marchandise transportée, soit on privilégie le volume.
M. Yves Cochet. C’est vrai !
M. Daniel Paul. Rédiger l’alinéa comme vous le faites revient à réduire en permanence le tonnage du fret transporté par le ferroviaire, le fluvial ou le maritime.
La première phrase de mon amendement est ainsi rédigée : « Les moyens dévolus à la politique des transports de marchandises sont mobilisés pour atteindre une croissance de 25 % de la part modale du fret ferroviaire d’ici 2012 ». Je crois que nous pourrions nous mettre d’accord là-dessus.
La deuxième phrase indique : « L’ensemble du fret non routier sera amené de 14 % aujourd’hui, à 25 % en quinze ans. » Cela me paraît être un objectif fort.
Enfin, la troisième phrase est rédigée ainsi : « Le développement du fret ferré, maritime et fluvial est déclaré d’intérêt général et inscrit dans la loi. » Je suis prêt à retirer cette troisième phrase de façon que les choses soient claires en termes d’objectifs pour le ferroviaire et pour le non routier.
(Les amendements n° 945 et 894 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement n° 576 est retiré.)
(L’amendement n° 93 est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 943 tombe, ainsi que les amendements nos 944, 208 et 879.
M. Claude Bodin. Non, monsieur le président, l’amendement n° 208 ne tombe pas.
M. le président. Il fallait rédiger un sous-amendement, monsieur Bodin.
M. Claude Bodin. L’objectif de l’amendement n° 208 est d’éviter que l’on tombe de Charybde en Scylla. En effet, le fret routier sera réduit au profit du fret ferroviaire, mais il ne faudrait pas qu’il soit détourné vers le fret aérien qui est extrêmement polluant et porte une atteinte permanente à l’environnement.
M. Bertrand Pancher. Exactement !
M. Claude Bodin. C’est pourquoi l’amendement n° 208 vise à compléter l’alinéa 3 de l’article 10 par les mots : « et non aérien ».
M. Alain Gest et M. Bertrand Pancher. Très bien !
M. Yves Cochet. Excellent !
M. le président. Monsieur Bodin, nous venons de voter un amendement qui vise à rédiger différemment l’alinéa 3 de l’article 10. Donc, votre amendement, qui se rapporte à cet alinéa, tombe. Cela dit, sans doute sera-t-il possible de revenir sur cette question au cours de la navette !
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Jacob, rapporteur. Je suis tout à fait favorable à la proposition de M. Bodin et nous l’intégrerons dans le texte à la faveur de la navette.
M. Yves Cochet. Très bien !
M. Claude Bodin. Merci !
M. le président. La parole est à M. Philippe Duron pour défendre l’amendement n° 706.
M. Philippe Duron. Nous avons évoqué l’importance des engagements et de la précision dans un tel texte. Pour atteindre les objectifs fixés au fret ferroviaire, il est important de moderniser les infrastructures ferroviaires. Voilà pourquoi cet amendement vise à insérer, après l’alinéa 3, la précision suivante :
« La politique durable des transports donne la priorité au réseau ferré. Cette priorité s’appuie sur l’amélioration et la modernisation de la qualité de l’infrastructure ferroviaire existante, qui fait l’objet d’investissements particuliers pour les cinq ans à venir. »
Cet amendement de précision, d’intention, un peu volontariste, déposé pour que l’on sache où l’on va, ouvre le débat sur la question de la régénération ferroviaire qui fait l’objet de nombreux amendements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Jacob, rapporteur. Cet amendement est satisfait par l’amendement n° 94 de la commission que nous examinerons tout à l’heure et qui reprend cette disposition en toutes lettres, mais en la plaçant à l’alinéa 4.
M. le président. Monsieur Duron, retirez-vous votre amendement ?
M. Philippe Duron. Oui, monsieur le président.
(L’amendement n° 706 est retiré.)
M. le président. J’appelle donc l’amendement n° 941.
La parole est à M. Yves Cochet pour le soutenir.
M. Yves Cochet. Nous sommes en plein changement de paradigme ! C’est un changement total, complet, général, mondial dans tous les domaines, sur tous les continents. Ne pas comprendre cela à un moment où l’on entre en récession et où cela va être long et pénible pour beaucoup de personnes, c’est faire fausse route. C’est maintenant qu’il faut agir.
Je propose donc, par cet amendement, de reprendre la formulation initiale du Grenelle : « La capacité routière globale du pays ne doit plus augmenter. » D’ailleurs, le Président Sarkozy lui-même le disait, le 25 octobre 2007 : « La priorité ne sera plus au rattrapage routier, mais au rattrapage des autres modes de transport. »
En bref, les autoroutes sont des infrastructures d’une autre époque. Ce qui marque ce début de siècle, je ne cesse de le répéter, c’est à la fois l’amont et l’aval du carbone, c’est le réchauffement climatique et le pic de Hubbert, l’augmentation des prix du pétrole qui présage le déclin de sa production et de sa consommation. La construction de nouvelles autoroutes s’étalant sur plusieurs décennies est donc inutile, dangereuse et irresponsable.
En outre, les autoroutes stérilisent les ressources publiques, car elles coûtent très cher. Elles ne créent pas d’emplois, elles en déplacent. Enfin, elles favorisent surtout les centres urbains. Nous voulons d’autres modes de transport qui accompagnent le développement local. Il faut donc changer de paradigme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Jacob, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Même avis que la commission.
M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
M. Noël Mamère. Bien évidemment je soutiens l’amendement de M. Cochet et je veux profiter de l’occasion pour dire à M. le secrétaire d’État que j’ai été très choqué par le début de sa réponse aux dix-sept députés qui se sont exprimés sur l’article 10. Il nous a en effet dit à peu près textuellement que la priorité c’était la route. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. J’ai dit exactement l’inverse, monsieur Mamère !
M. Noël Mamère. Alors j’ai mal entendu et je vous prie de m’excuser !
M. Christian Jacob, rapporteur. Non seulement il n’assiste pas à nos travaux, mais en plus il entend mal !
M. Noël Mamère. En vous entendant, il m’a semblé que vous étiez plutôt favorable à la route, même si vous avez parlé du développement du ferroviaire, du cabotage et du fluvial. Il ne m’est pas apparu que vous étiez prêt à changer de paradigme, pour reprendre l’expression de mon collègue Yves Cochet, c’est-à-dire à vous conformer à ce qui a été demandé par le Grenelle de l’environnement. Que je sache, votre ministère ne s’oppose pas aujourd’hui à certains programmes autoroutiers qui nous paraissent totalement caducs et ne répondent pas à la crise de l’énergie.
J’ai déjà cité l’autoroute A 65 et nous attendons toujours de votre ministère des informations sur cette rallonge de 300 millions d’euros, sur le marché financier qui a été passé au moment de la décision de construire cette autoroute alors que le baril était à 30 dollars, contre 140 dollars aujourd’hui. Nous attendons que l’on nous explique l’intérêt économique et l’intérêt écologique d’un tel projet.
Jean Lassalle, qui s’est exprimé tout à l’heure, a singulièrement fait preuve d’amnésie puisqu’il s’est opposé à nous lorsque nous réclamions la réouverture de la ligne Pau-Canfranc et nous battions contre le tunnel du Somport ; mais il a changé d’avis et c’est bien. Il vous expliquera sans doute qu’il y a une contradiction entre la décision, qui serait bonne, de rouvrir la ligne Pau-Canfranc pour l’accrocher à l’Aragon et celle de construire une autoroute qui ne fera que renforcer le transport de marchandises par camions.
Je le répète : 7 500 camions par jour, soit plus que pour le franchissement des Alpes, passent au sud de l’agglomération bordelaise en direction de l’Espagne et du Portugal. Et il est prévu que ce chiffre passe à 12 000 camions par jour en 2020. A-t-on le droit de rester dans cette logique exponentielle qui est catastrophique pour l’environnement, catastrophique socialement et économiquement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Monsieur Mamère, nous nous connaissons depuis longtemps et sommes même un peu voisins, mais j’aimerais que vous compreniez mes propos. J’ai simplement rappelé que, pour l’instant, la route représentait 80 % du trafic de fret. C’est une réalité et l’objectif de report modal dont nous débattons est de parvenir à un équilibre qui soit plus acceptable pour le développement durable. Donc, ne me faites pas dire l’inverse de ce que j’ai dit !
Par ailleurs, s’agissant de l’axe venant d’Espagne et qui, après être passé aux portes de Bègles, traverse un département qui m’est cher, nous avons engagé, avec l’Espagne et le Portugal, le projet d’autoroute de la mer sur lequel nous avons encore avancé récemment lors des différents conseils des ministres européens. En outre, nous allons réaliser la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, c’est-à-dire Tours-Bordeaux avec ses trois branches : Poitiers-Limoges, Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-l’Espagne.
Je vous rappelle au passage que, à l’aéroport de Blagnac, on enregistre quarante-six mouvements quotidiens en été entre Toulouse et Paris ; si nous voulons maintenir l’emploi d’Airbus et ne pas transformer ses employés en chômeurs nous devons dégager des capacités. La seule réponse pour Toulouse – tous les élus de Midi-Pyrénées, toutes tendances politiques confondues, sont d’accord sur ce point –, c’est le TGV qui placerait cette ville à trois heures de Paris. Donc, ne dites pas que c’est un projet fou : c’est un projet d’aménagement du territoire et de report modal.
Vous savez très bien, monsieur Mamère, que nous allons utiliser la ligne classique Paris-Orléans-Saint-Pierre-des-Corps-Poitiers-Angoulême-Bordeaux pour faire du report modal avec une autoroute ferroviaire à haut débit, une base certainement dans le Loiret et une en région parisienne, et peut-être une poursuite vers le Nord.
Ce que le Grenelle de l’environnement propose aux députés, et proposera bientôt aux sénateurs, c’est de faire du report modal avec des moyens, et non des mots ; je voudrais néanmoins que vous compreniez les miens ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
(L’amendement n° 941 n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 689, 95 et 895, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire, pour soutenir l’amendement n° 689.
M. Jean-Louis Gagnaire. L’alinéa 4 de l’article 10 est curieusement rédigé. Nous en avons discuté en commission et nous nous étonnons que la formulation qui consiste à mettre à contribution les régions pour l’entretien et la régénération du réseau ferroviaire ait pu être maintenue envers et contre tout. Est-ce à dire que c’est un transfert subreptice de l’État vers les régions alors que, vous le savez tous, l’entretien et la construction du réseau ferroviaire relève exclusivement de l’État ? Ce n’est pas parce que, à la suite de la signature des CPER, certaines opérations ferroviaires seront cofinancées notamment par les régions – il peut aussi y avoir des cofinancements des départements et des agglomérations – qu’il faut écrire que l’effort essentiel est accompli par les régions.
Si l’on devait s’aventurer sur le financement des infrastructures, il faudrait que ces investissements soient gagés sur la réduction des péages ferroviaires. En effet, les collectivités régionales ne peuvent pas payer deux fois : les infrastructures, puis les péages pour davantage de trains qui circulent sur ces infrastructures ainsi modernisées.
L’amendement n° 95 de la commission n’est pas satisfaisant, car les régions ne sont pas les seules concernées. D’autres collectivités le sont aussi dans le cadre des CPER. C’est la libre administration des uns et des autres qui fait que l’on est susceptible d’intervenir financièrement sur cette régénération. En tout cas, il faudra que ces investissements soient gagés par la réduction des péages ferroviaires, comme le propose un amendement que nous examinerons plus tard.
Cela dit, nous aimerions avoir quelques explications de M. le secrétaire d’État sur cette rédaction de l’alinéa 4 que nous avons dénoncée tout au long des débats en commission.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 95.
M. Christian Jacob, rapporteur. La rédaction initiale contenait en effet une ambiguïté que nous avons levée en commission. Elle pouvait prêter à confusion, car nous avions le sentiment que l’État ne s’engageait pas. Voilà pourquoi l’amendement n° 95 vise à rédiger ainsi le début de la première phrase de l’alinéa 4 : « Les moyens dévolus par l’État et ses établissements publics à la régénération du réseau ferroviaire seront accrus… » Les choses sont claires : il y a un engagement très ferme de l’État !
Par ailleurs, monsieur Gagnaire, vous avez fait allusion à un autre amendement, que nous examinerons plus tard et qui précise que les régions pourront contribuer. Évidemment, on ne va pas interdire à une collectivité de contribuer, mais nous en reparlerons tout à l’heure !
L’amendement n° 95 vise simplement à clarifier les choses et à expliquer que les moyens de l’État seront accrus, comme s’y est engagé le Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 895 est-il défendu, monsieur Paul ?
M. Daniel Paul. Oui, monsieur le président !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Favorable à l’amendement n° 95 et défavorable aux amendements nos 689 et 895.
M. le président. Monsieur Gagnaire, après les explications de M. le rapporteur, n’envisageriez-vous pas de retirer l’amendement n° 689 ?
M. Jean-Louis Gagnaire. La question est de savoir dans quelle proportion les moyens seront accrus. La formulation de notre amendement me semble bien meilleure.
(L’amendement n° 689 n’est pas adopté.)
(L’amendement n° 95 est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 895 tombe.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 96 et 690, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 96.
M. Christian Jacob, rapporteur. Je l’ai défendu dans ma précédente intervention.
M. le président. L’amendement n° 96 fait l’objet d’un sous-amendement n° 1552 rectifié.
La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire, pour le soutenir.
M. Jean-Louis Gagnaire. Si l’on cite les régions, il faut également mentionner l’ensemble des collectivités locales.
M. le président. La parole est à M. Philippe Duron, pour soutenir l’amendement n° 690.
M. Philippe Duron. Cet amendement vise à rappeler que c’est l’État qui a la responsabilité du réseau ferroviaire par le biais de RFF.
Par ailleurs, il faut faire évoluer rapidement le réseau ferroviaire, le rapport Rivier nous ayant montré qu’il était menacé.
Nombre de présidents de conseil régional sont favorables à l’anticipation du financement de la régénération, à condition que ce soit bien une anticipation et qu’il puisse y avoir une compensation par une réduction des péages ferroviaires à due proportion des avances qu’ils accorderaient à RFF. Tout le monde y gagnerait : RFF, qui récupérerait un patrimoine rénové et pourrait ainsi avoir des ressources supplémentaires ; les régions, qui auraient un réseau à disposition susceptible de fonctionner plus efficacement.
Aujourd’hui, quand on est en charge des transports express régionaux, on constate qu’on investit massivement dans des machines qui peuvent atteindre 160 kilomètres-heure alors que, sur certains tronçons, elles ne roulent qu’à 60, voire à 30 kilomètres-heure.
L’intérêt bien pensé de l’État comme des collectivités est de parvenir à une accélération de la régénération par le biais d’un travail d’avances des régions vers l’État.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Jacob, rapporteur. La commission est défavorable au sous-amendement n° 1552 rectifié ainsi qu’à l’amendement n° 690.
Je suis conscient des efforts de régénération importants menés par les régions, mais – et je vous le dis sous forme de boutade – c’est une version régionale de I want my money back.
M. François Brottes. Chacun sa compétence !
M. Christian Jacob, rapporteur. Tout à fait.
Même si tout le monde reconnaît l’effort accompli par les régions, on ne peut pas s’engager dans un système d’exonérations.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Même position que la commission.
(Le sous-amendement n° 1552 rectifié n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 96 est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 690 tombe.
M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma