Electoralement, c’est « Gauche année zéro », mon interview à Libération

par · 14 juin 2014

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Libération publie ce jour une interview de Jean-Christophe Cambadélis que vous pouvez retrouver ci-dessous ou en cliquant ici:

Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, s’inquiète des dissensions en son sein et appelle à des convergences avec d’autres formations.
Après la débâcle des municipales et des européennes, le conseil national du PS se réunit samedi à Paris. Le premier secrétaire dévoile ici ses projets.

Vous proposez un «programme minimum» de la gauche. De quoi s’agit-il ?
Pour des raisons historiques et conjoncturelles, nous ne pouvons ni reproduire le Front populaire ni l’Union de la gauche, encore moins la gauche plurielle. Ces constructions autour de programmes communs ou bilatéraux sont obsolètes pour une raison paradoxale : nous sommes au pouvoir et, électoralement, c’est «Gauche année zéro». Aujourd’hui, chacun souhaite garder son identité, se refuse à se dissoudre ou à se voir relativisé dans un ensemble plus grand. Pour autant, l’union est nécessaire. C’est pour cela que je propose à nos partenaires un programme minimum avec des espaces de confrontation. L’objectif est de renouer avec la discipline républicaine et retrouver la force propulsive des gauches et des écologistes.

Qu’appelez-vous «espaces de confrontation» ?
A cette étape, ce seraient des groupes de travail où nous pourrions échanger sur le fond. Les thèmes possibles sont nombreux : quel est le rôle de l’Etat ? Qu’est-ce que la compétitivité ? Quelle justice sociale ? Comment réussir la transition énergétique ? Sur ce sujet, je propose par exemple la tenue d’une université permanente pour travailler à des convergences.

De la «confrontation», il y en a aussi au Parlement : comment accueillez-vous les propositions de députés PS qui souhaitent «rééquilibrer» les efforts ?
Je ne suis pas choqué que des parlementaires fassent leur travail, ni par cette forme «d’émancipation» du Parlement.

Je suis plus inquiet quand la forme de l’action est à ce point concertée qu’elle s’accompagne d’un logo et d’une logique globale antagoniste. J’appelle à la désescalade, n’ajoutons pas à la crise politique abyssale l’émiettement du Parti socialiste, voire une sécession ou la tentation d’une crise parlementaire. D’autant que le PS vient d’obtenir du Premier ministre une priorité aux PME, un coup de pouce aux ménages modestes (sur la pension d’invalidité et sur les accidents du travail), un effort particulier pour les emplois d’avenir ou les critères pour l’investissement dans le logement social. Cela s’ajoutant à ce que nous avions obtenu dans le plan d’économies. Et surtout un contrôle de l’efficacité des mesures via le Parlement, ce qui nous permettra à terme de décider des réorientations s’il en était besoin, sur la base de faits et non de pronostics.

Beaucoup d’élus locaux PS sont très mécontents de la réforme territoriale proposée par le chef de l’Etat.
Cette réforme est une nécessité : pour des raisons d’efficacité économique, d’efficacité dans la justice sociale et de transparence démocratique. Le chef de l’Etat a écouté ceux qui mettaient en garde contre une réforme «sèche» pour préférer la transition sur la question des départements. Il a entendu ceux qui souhaitaient regrouper leurs régions. Aujourd’hui, il faut travailler à la réussite de cette réforme.


François Hollande n’est-il pas victime du «parti d’élus locaux» que le PS est devenu ?

C’est la rançon du succès ! Je peux comprendre que des militants et dirigeants qui ont passé leur vie à la conquête d’une collectivité locale refusent aujourd’hui, une fois la conquête réussie, de tout laisser tomber. Mais on ne fait pas de la politique à gauche pour seulement conquérir des collectivités. On fait de la politique pour transformer la société, rendre la France plus fiable, plus juste.

Lors de votre intronisation à la tête du PS, vous avez appelé à des états généraux. Pourquoi ce chantier ?
Ces états généraux visent à reconstruire l’identité du PS. Le bipartisme et la Ve République ont fait de nous un parti attrape-tout. Il faut redonner à notre formation sa force attractive dans un paysage politique devenu tripolaire. Notre couleur doit être plus clairement définie. A nos militants de définir notre nouvelle carte d’identité, puis de s’interroger sur nos formes d’organisation et de renouvellement. Nous devrons aussi travailler sur notre structure militante, la formation, la communication, etc. Les rôles de chacun, du secrétaire de section à la direction sont par exemple remis en cause par la rapidité de l’information, des réseaux sociaux.

Maintenez-vous le congrès à la date d’octobre 2015 ?
Nous verrons en fonction de la date des élections régionales. Pour ma part, je milite pour que ce congrès se tienne au cours de l’année 2015. Le repousser à 2016 me semble une mauvaise idée. Ce serait trop proche de l’élection présidentielle.
Certains au PS réclament une primaire pour 2017, y compris pour que Hollande y retrouve une légitimité…
Ce sera au parti de le décider. A titre personnel, je pense qu’il n’est pas bon que le PS s’engage, à cette étape, dans ce débat. D’abord, on ne sait pas ce que fera le président de la République. Ensuite, on brouillerait notre effort d’assainissement, d’investissement et de reconstruction de notre industrie au profit de jeux politiques purement spéculatifs. On créerait en outre de la division, de la tension. Il y en a déjà assez comme ça.


Propos recueillis par Lilian Alemagna

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