Après les violentes manifestations du week-end des 26 et 27 octobre en Bretagne contre la taxe sur les poids lourds, le député UMP des Côtes-d'Armor Marc Le Fur appelle le président de la République à intervenir et à abandonner cette mesure censée entrer en application au 1er janvier 2014.
Il a cependant annoncé lundi soir que lui et les autres élus UMP boycotteraient la réunion d'urgence prévue ce mardi à Matignon avec les élus bretons : il veut un retrait de l'écotaxe, purement et simplement.
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Pourquoi une telle colère en Bretagne ?
Marc Le Fur : Les Bretons ne sont pas des gens violents, mais ils sont exaspérés et ont le sentiment d'être abandonnés par l'Etat central. Ceux qui manifestent sont l'expression d'une volonté très largement répandue dans la région. C'est une conjugaison de quatre crises : de l'agroalimentaire, de l'électronique, avec la fermeture du site d'Alcatel-Lucent, de l'automobile, avec le site de PSA à Rennes et des sous-traitants des industries de défense, avec la baisse du budget du ministère. Tous les piliers de l'économie bretonne sont menacés et cela se cristallise sur le problème de l'écotaxe. Il y a un effet loupe en Bretagne : cela met en exergue une situation qui n'est pas spécifique à la région, c'est un ras-le-bol fiscal au niveau national.
Vous demandez le retrait de cette mesure, pourtant elle a été votée sous Nicolas Sarkozy en 2009
J'avais déjà voté contre. Tout est affaire d'arbitrage entre environnement et emploi ; à l'époque je peux comprendre que l'arbitrage était en faveur du premier, mais je considère que la priorité est désormais à l'emploi, et pas seulement dans les services, aussi dans l'agroalimentaire et l'industrie. Nous avions il y a quelques mois une situation relativement favorable avec 5 % de chômage dans la région. Si nous sommes encore en dessous de la moyenne nationale, l'augmentation est plus nette avec une hausse de 1,9 % en septembre au niveau national contre 2,7 % en Bretagne.
Il faut en tirer des conséquences très claires et abandonner l'écotaxe. Nous, les Bretons, ne nous résignons pas, et je ne souhaite pas que cela devienne un problème d'ordre public. Nous sommes à disposition pour échanger, discuter, travailler, mais il y a un préalable : la levée de cet impôt.
Vous demandez la levée de l'écotaxe au niveau national mais seuls les Bretons semblent contester cette mesure…
Cette affaire revêt ici une importance particulière du fait de la situation péninsulaire de la région et de son raccordement difficile à la France et à l'Europe. Le train est beaucoup trop long et l'écotaxe qui pèsera sur les camions va toucher les producteurs et les coûts des produits. Or, nous sommes soumis à une concurrence très forte, notamment de l'Allemagne qui a pris une place considérable sur le marché de l'agroalimentaire depuis quinze ans : elle est placée au coeur de l'Europe, près des marchés, dans la « banane bleue » . On nous explique qu'il faut produire en France, alors donnons-nous les moyens en ne nous pénalisant pas à l'excès face à une concurrence très dure. Et sur ce cas, cela ne dépend que du gouvernement.
La Bretagne dispose déjà d'un abattement de 50 % de la taxe et le ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll, a affirmé dimanche qu'il "ferait des propositions", en attendez-vous davantage ?
Nous n'en sommes plus là. Quand cela a été imaginé, les grandes entreprises agroalimentaires se tenaient bien, maintenant il y a un effondrement du secteur qui dispose de marges très étroites. Avec cette écotaxe, cela représentera un surcoût de 50 millions d'euros par an. J'en appelle au président de la République. Il trouve le temps d'échanger avec Leonarda ou de rencontrer les présidents des clubs de foot, il doit trouver le temps de parler aux Bretons.
La Bretagne a donné une large majorité à François Hollande, avec des ministres importants au gouvernement , elle attendait un certain nombre de choses et constate aujourd'hui l'ingratitude du président. Même sur la politique culturelle : le candidat Hollande s'était engagé pour ratifier la charte des langues régionales, mais rien ne se passe.